Connecter, c’est partager, et partager, c’est découvrir.

Voici ce que pourrait être le leitmotiv philosophique principal de cette grande foire-fouille insondable qu’est devenu Internet ces dernières années, pour le meilleur comme pour le pire, d’ailleurs. Concernant la musique, on s’intéresse à ce qui peut s’apparenter au meilleur. Ce n’est un secret pour personne, la démocratisation d’Internet a engendré une multiplication impressionnante de musique disponible sur le réseau, de même que la facilitation à son accès. Les réseaux sociaux sont devenus des outils primordiaux pour les artistes afin que ceux-ci puissent répandre leur musique et donc partager leur travail. Mais il est aussi intéressant de voir que les auditeurs eux-mêmes se font le relais privilégié de la musique qu’ils portent dans leur cœur. En fait, rien n’a changé ; simplement, avant, tout ceci fonctionnait grâce au bouche à oreille, aux cercles d’amateurs, aux magasins de disques, bref, à tout ces cercles sociaux directs qui développaient la fonction sociale de la musique, essentielle. C’est une réinterprétation moderne de ce phénomène ancestral que nous vous proposons aujourd’hui.

Le collectif SEML (acronyme de Sweet Electronic Music Lovers) était à l’origine un groupe Facebook créé il y a quelques années maintenant, censé rassembler les passionnés français de musique électronique qui souhaitent échanger entre eux les tracks qui les faisaient planer. L’utilisation du groupe est ultra-simple. Vous postez sur le mur du groupe un morceau qui vous plaît, accompagné d’une petite phrase marrante ou explicative. Les membres du groupe peuvent ainsi commenter le morceau, la connecter avec d’autres discographies, discuter des influences musicales de tel ou tel artistes, etc. Chacun apporte sa petite pierre sonore à l’édifice dans un bel élan participatif. Le groupe se focalise exclusivement sur la musique et bannit systématiquement toute tentative de publicité intempestive ou de commentaires désagréables. De fait, vous pouvez chiner sur le groupe des heures et des heures durant en remontant simplement le fil d’actualité de la page, en piochant dans les morceaux qui pourraient potentiellement vous intéresser. Jusque là, le principe est clair. Depuis, bien d’autres groupes du même acabit ont émergés sur le réseau social. Aucun cependant ne connaît le succès de SEML. Pourquoi ?

Tout d’abord, SEML réunit simplement des passionnés de musique, qu’ils soient juste amateurs, musiciens eux-mêmes, acteurs de l’événementiel ou diggers invétérés. Cette cohabitation éclectique confère au groupe une ambiance particulière, focalisée sur le respect des goûts de chacun et sur l’échange. C’est avant tout ça, la musique électronique. Chacun y va de son commentaire, de sa référence, de sa track préférée, ce qui crée forcément un bel outil participatif pour étayer sa bibliothèque musicale personnelle en se basant sur les goûts des autres. C’est, en somme, un système de bouche à oreille à l’échelle de 12 000 personnes qui ne se connaissent pas forcément. C’est ce qui fait réellement la force de la plateforme : on y trouve absolument de tout, tant que ça émane de machine. En quelque sorte, c’est une source de musique inépuisable, portée par les amateurs de musique eux-mêmes, favorisant un espace de partage réellement centré sur la musique à écouter, et non à posséder. En effet, on y trouvera aucun lien de téléchargement illégal. Si vous voulez cette track, tout le monde vous redirigera vers le disquaire le plus proche.

Mais SEML, ce n’est pas seulement un groupe de partage musical.

Son succès grandissant, le collectif a souhaité développer son activité et porter plus haut son idée de la communauté musicale connectée. Cet espace Facebook regorgeant de jeunes musiciens amateurs talentueux, et bien sûr de gens pour les écouter, les fondateurs du collectif ont décidé de promouvoir cet esprit en compilant les meilleurs morceaux créés par des membres de la communauté. Deux compilations sont déjà sorties, parcourant plusieurs styles musicaux, à l’image du groupe, mais avec toujours cette prédominance de la douceur sonore. Les compilations balayent large, du downtempo à la deep-house en passant par la micro-house, la dubtechno, etc. On vous l’a dit, éclectisme est le mot. Gros succès pour ces compilations, sorties à la fois en format digital et en format physique.

Mais il ne faut jamais s’arrêter en si bon chemin. Après avoir réunis les passionnés et distillé la musique créée par les membres, il fallait maintenant trouver un lieu, du moins un moment, pour réunir physiquement les membres de la communauté ; créer une soirée à l’image de l’esprit du groupe en somme. Après avoir écumé les principaux clubs de la capitale et des alentours (avec une liste de dates impressionnantes, traduisant une espèce d’hyperactivité presque inquiétante), il fallait se doter de sa propre structure. C’est ainsi que sont nées les soirées Matière Brute que les parisiens doivent bien connaître. Ambiance intimiste, programmation fluide et cosmopolite, une place centrale pour la musique, et donc, une façon de clubber ultra agréable. On y a retrouvé John Tejada, Juju & Jordash ou encore Cuthead. De simple groupe Facebook virtuel, le collectif a réussi sa matérialisation dans le réel, regroupant à présent une maison de disque, un secteur événementiel, et bien sûr, une plateforme de partage.

seml label

Plein de beaux projets se forment pour l’avenir du collectif. Ceux-ci comptent bien continuer à promouvoir leur idée de la musique et à répandre un son qui leur tient à cœur sans jamais oublier ce qui fait sa force : son aspect communautaire, ouvert à chaque personne souhaitant participer à ce bel élan musical. Ils vont donc continuer à dispenser leur musique à travers maintes soirées et collaboration, tout en développant leur activité de label. Grosse sortie à ne pas manquer, une collaboration entamée avec le label Freund Der Familie, prévue pour un futur proche, avec une sortie physique qui s’annonce déjà immanquable. Le collectif compte relancer également ses après-midis au nouveau café de la Machine du Moulin Rouge, où auront lieu des débats et des initiations à la technique du mix.

Voilà pour le résumé de la situation. Mais comme l’esprit d’un projet ne s’exprime jamais mieux qu’à travers les mots de ceux qui le réalise, nous avons demandé à Vincent, l’un des fondateurs du collectif, de nous expliquer les origines, la mentalité et les projets de son organisation, à travers quelques questions. Il a très gentiment accepté de nous répondre nous permet d’y voir plus clair dans le fourmillement artistique de Sweet Electronic Music Lovers.

Interview : Vincent fondateur de Sweet electronic music lovers

Salut Vincent ! Pour commencer, SEML est né de votre volonté de pouvoir partager une musique électronique de qualité sur une plateforme sociale spécialement dédiée à ceux qui en sont amoureux. En quoi cette notion de partage est-elle essentielle dans le développement de la musique électronique, de plus en plus accessible ?

Vincent : Je crois que cette notion est essentielle pour tout type de musique. Quand on est passionné on ressent le besoin de le partager, d’en discuter. Le groupe a probablement permis à beaucoup de personnes de s’ouvrir à cette musique et donc de permettre son développement d’une certaine façon.

Peux-tu expliquer aux lecteurs l’esprit, voire l’essence même, d’un label comme SEML ? De quelle(s) identité(s) musicale(s) se revendique-t-il ?

Pour le label, on n’a pas voulu se cantonner à un seul genre de musique électronique, on trouvait ça trop sectaire, trop élitiste. La musique électronique est trop vaste et riche pour se limiter. Notre fil conducteur c’est l’éclectisme et l’originalité. Notre objectif n’est pas de plaire à tout le monde non plus mais de rester ouvert : on fonctionne au coup de cœur en quelque sorte.

Le groupe Facebook compte aujourd’hui plus de 12 000 membres, un nombre qui ne cesse de grandir. Comment expliques-tu un tel succès ? Pourquoi est-ce important de réunir les amateurs de musique électronique en une communauté ?

Je crois que les raisons sont multiples. Déjà, il y a cet engouement depuis 4-5 ans autour de cette musique à Paris et en province, ça rassemble forcément. Ensuite, chacun y trouve son compte finalement : il y a ceux qui aiment partager leurs découvertes et ceux qui, du coup, en profitent pour écouter une musique qui leur plaît mais qu’ils n’ont pas nécessairement le temps de chercher. Réunir tous ces amateurs en une communauté permet de faire perdurer le mouvement, d’échanger avec des gens qui ont la même passion, de manière instantanée, et de se tenir informé. On a d’ailleurs pour cette raison développé un autre groupe, SEML Talks où amateurs et initiés peuvent discuter librement, s’échanger des bons plans et conseils.

D’ailleurs, pourquoi selon toi la musique électronique attire un public de plus en plus large en France ? Qu’est-ce qui a permis ce développement fulgurant ?

Je crois que c’est cyclique. Il y a quelques années c’était le rock. C’est une sorte de mouvement, éphémère ou non, je ne sais pas. C’est une culture qui était déjà très présente dans nos pays voisins, notamment en Allemagne et il s’avère qu’elle est finalement arrivée en France, peut être pour s’installer durablement chez nous aussi. C’est une musique qui attire et qui prend une place de plus en plus importante, probablement parce qu’elle est plus que ça ; c’est en quelque sorte un mode de vie, une philosophie et je crois qu’elle correspond bien aux aspirations de notre génération : une génération qui a besoin de rêve. C’est de plus une musique quasiment indéterminée dans le sens où le texte est absent et te laisse donc libre dans ta façon de la vivre. Elle ne formate pas, elle rassemble. J’imagine que c’est aussi une sorte d’exutoire pour chacun.

C’est une belle façon de voir les choses. En ce qui concerne le rassemblement, les activités de SEML se sont désormais inscrites dans la vie réelle puisque ta structure comprend désormais un label, qui a sorti plusieurs compilations en format physique. Vous organisez plusieurs soirées parisiennes, notamment les Matière Brute. En quoi l’esprit de partage de votre groupe a-t-il contribué à la construction du label, à l’organisation de vos soirées et a-t-il influencé leur conduite ?

Le groupe a vu une certaine quantité de postes apparaître depuis sa création (difficile d’en donner un chiffre aujourd’hui d’ailleurs), et parmi ces postes, il y a eu tout de suite des personnes qui n’ont pas hésité à faire tourner leurs propres productions. C’est à partir de ce moment là que nous avons pris conscience du potentiel qui existait en dehors du « mur ». Après 1 an d’existence, le groupe de partage a donné naissance à un collectif (SEML) dont le but était de pouvoir rencontrer les acteurs du groupe : la communauté. Après quoi, et au terme de plusieurs événements, nous avons décidé de réinvestir ce que nous donnait la communauté financièrement, en lançant notre première compilation de jeunes producteurs (SEML&friends #1 en 2012), choisis et repérés parmi les postes sur le mur. Un principe d’autofinancement en somme. Le « label associatif » était né. Une seconde compile (SEML&friends#2 en 2013) et un EP (SEMLwkshp x Meteor – Indian Tropics EP, en 2014) plus tard, les soirées et les projets se poursuivent selon le même processus. Le groupe a toujours été une bonne source concernant les « tendances » musicales. C’est grâce à cela que nous avons pu questionner la communauté sur l’intérêt de développer des Lives en semaine, sous un format concert. C’est là que le projet Matière Brute a pris sa forme. Un véritable rapprochement, entre l’artiste, son travail et le public.

C’est intéressant. Et du coup, la création du label était-elle une suite logique et anticipée à celle du groupe, ou s’est-elle imposée d’elle même à la suite du succès du groupe facebook ?

On n’avait jamais anticipé ça, cela relevait plus du rêve… ni imaginé ce succès. La création du label s’est plutôt imposée à nous comme une évidence. Le succès du groupe nous a permit de découvrir des artistes qui faisaient de la musique en tant qu’amateur. On a alors eu l’envie d’aller plus loin, en les soutenant et en les mettant en avant par le biais de tous ces projets qu’on a conduit jusqu’à présent, et qu’on continue de développer aujourd’hui.

Est-ce qu’il est compliqué de monter un label à Paris ? L’incroyable diversités des labels et des structures de la capitale amène d’elle-même la question. La notoriété du groupe facebook a-t-elle constitué un bon terreau pour lancer une telle entreprise ?

Question complexe. Nous avons eu la chance de voir un réseau se former naturellement. De ce fait, il est plus facile pour nous aujourd’hui d’en jouir pour appuyer nos propres projets. D’une certaine manière, cela aide beaucoup, et nous pouvons dire qu’effectivement, le groupe Facebook est un bon terreau pour construire des projets de la sorte. Mais je pense qu’il faut voir cela de manière spontanée, et qui n’aurait peut être pas eu la même finalité si nous avions tout calculé à l’avance. Il est difficile de lancer aujourd’hui un label, sans même avoir un nom reconnu un minimum, ni de fond financiers. Le réseau tout autour compte énormément pour la distribution, par exemple.

Une dernière question, Vincent : quel avenir vois-tu pour SEML, aussi bien pour le groupe que pour le label ? Quels sont les projets à venir ?

Concernant l’avenir, je ne peux y répondre. SEML avance, les projets arrivent, nous en avons pleins dans les cartons. Par soucis de perfectionnisme, nous prenons beaucoup de temps, car l’image que nous avons mise en place compte énormément. C’est ainsi que nous nous distinguons et que nous perdurerons. Des projets d’EP sont en cours, avec une variante musicale comme nous l’aimons, l’idée étant de donner aux autres ce que nous apprécions. Et si un jour l’aventure doit s’arrêter, cela se fera sans regret.

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Merci beaucoup Vincent pour tes réponses. On espère que cet article vous incitera à aller digger quelques sur le mur du groupe SEML, écouter leurs compilations et leur rendre une visite lors de leurs prochaines soirées. On vous laisse avec les tracks parues sur le label, ainsi qu’avec les coordonnées numériques du collectif.

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