Depuis la sortie de l’album Serfs Up! en 2019, et bien qu’il n’ait toujours pas de successeur, les membres du groupe londonien Fat White Family ont tout sauf chômé. Les trublions du rock anglais qu’on décrit déjà comme le « groupe de drogue avec un problème de rock », s’est illustré à travers divers projets multimédias, ensemble ou en solitaire, quand les envies de s’étrangler entre collègues devenaient trop présentes. On a ainsi pu les voir, entre autres, bronzer sous la lune dans un docu-fiction (Moonbathing in February), développer des side-projects techno ou enchaîner les tournées solos acoustiques.

Plus récemment et à l’aide de l’auteure Adelle Stripe, le chanteur Lias Saoudi a même eu l’occasion de rédiger un livre, Ten Thousand Apologies : Fat White Family and the Miracle of Failure, qui retrace l’histoire tumultueuse et violente des fondateurs fratricides du groupe, Saul Adamczewski et Saoudi lui-même. Entre crises de manque et prises de tête gratuites, il ressort surtout du récit l’importance si peu louée du petit frère claviériste, Nathan Saoudi, sorte de « bassine d’eau tiède » apaisant les deux compositeurs-junkies ennemis. 

Brian a du talent

L’importance musicale de Nathan se montrait déjà sur Serfs Up! et se confirme enfin sur l’EP Brian’s Got Talent issu de son projet solo Brian Destiny, sorti sur le label fraîchement fondé par les frères Saoudi, Dash The Henge. Sur ce quatre titres varié, Nathan dévoile toutes ses aspirations musicales sans pour autant renier la tradition Fat White de laquelle il est issu. Bien sûr, la part belle est donnée ses outils de prédilection à savoir synthétiseurs et claviers, notamment sur le lead single Is It Gonna Be Love?, pas loin du morceau Feet qu’il avait écrit pour son groupe principal. 

Plus loin, le bizarre Feed The Horse évoque Suicide tout en montrant des aspects plus doux et psychédéliques. Contrairement à la Fat White Family, il y a ici plus de place pour la douceur et la rêverie que la violence et la perversion. En témoigne Never Again, magnifique conclusion aux claviers profonds et à la mélodie touchante. L’humour prend également plus d’espace avec What If I Told You That et ses paroles absurdes et aigres-douces sur la mort de l’enfance. Tout cela fait de Brian’s Got Talent l’un des EP rock les plus originaux de ce début d’année. 

SCUF FM: rock militant et libre

L’objectif de Dash The Henge est de proposer un espace 100% indépendant permettant l’expression libre et non-censurée de la vraie contre-culture musicale londonienne. Il n’est donc pas étonnant d’y retrouver le groupe Scud FM aux côtés de Brian Destiny. Fondé par le leader et chanteur de Meatraffle, groupe militant d’extrême-gauche à tendance marxiste révolutionnaire, la bande SCUD FM se décrit elle-même comme son petit frère anarchiste. Leur premier album, INNIT, chante avec légèreté des sujets sérieux et urgents tels que le droit des femmes, la lutte des classes ou le rassemblement ouvrier, ainsi que d’autres en passe de le devenir comme la 3ème guerre mondiale et les conflits nucléaires. 

L’album s’ouvre, en toute logique, par l’Internationale jouée sur une boîte à musique, avant de céder place à des beats drum n’bass couplés à une basse post-punk. Theme From SCUD FM est une introduction présentant parfaitement le mélange de styles explosif de INNIT. Punk (Allergen Also), ska (Bigger Boat), post-punk (Profile King) et electro (Capacitators), Scud FM est un mélange multiculturel qui ne se refuse rien, résultant d’une passion maladive pour Lee ‘’Scratch’’ Perry et Public Image Ltd. Il se permet également de lâcher une vraie belle chanson, One Thing, conclusion poétique d’un album qui fait autrement l’effet d’une bombe. 

Avec ces deux premières sorties, Dash The Henge s’affirme déjà comme un espace de liberté artistique et politique total. Une bouchée d’air frais sur une scène londonienne à l’expérimentation sonore évoluant chaque semaine mais aux considérations sociales et politiques parfois limitées. Seul l’avenir dira ce que nous prépare le label pour la suite, mais, que ce soit la suite de Brian Destiny ou le très attendu quatrième album de la Fat White Family, l’impatience est manifeste. 

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