Dans la vague de l’hyperpop, certains artistes cherchent déjà à la rendre plus pérenne, à étendre son style et ses sonorités vers des contrées plus réflexives. C’est le cas de dltzk, jeune producteur de dix-huit ans qui propulse le genre dans d’autres sphères avec Frailty, son dernier album sorti en fin d’année dernière.

Tirant ses influences de Skrillex, Porter Robinson ou des bandes-son de certains jeux vidéo (Pokemon, Undertale…), dltzk propose une musique à la fois dynamique et introspective. Frailty est un projet déroutant, imprévisible, dont l’intérêt premier est qu’il ne respecte aucune règle. Un morceau comme your clothes, par exemple, passe aisément de l’emo à l’indie rock, de l’hyperpop à l’EDM. Il synthétise parfaitement les obsessions et intérêts d’une génération Z nourrie par la contre-culture online et ses différentes communautés. Une génération capable d’avaler une quantité astronomique de culture, d’art, de musique, de cinéma, de memes et de la recracher toute mélangée et condensée sous forme de pensées erratiques de 4 minutes.

En un sens, Frailty n’est rien d’autre que ça. Les treize compositions de l’album ne sont qu’une synthèse brouillonne de tous les goûts personnels de l’artiste. En s’étalant parfois sur six minutes, les morceaux passent sans cesse du coq à l’âne, oubliant parfois de faire preuve de sens ou de progression. Les multiphasiques kodak moment ou movies for guys, grands moments de l’album, en sont de parfaits exemples : l’une, par exemple, commence comme une lamentation emo et, après s’être brusquement arrêtée quelques secondes, change radicalement d’ambiance avant de pour se clôturer sur une magnifique phase à la Pokemon Diamant & Perle.

À cette hyperactivité musicale sans limite, dltzk ajoute une sensibilité mélodique tirant sur les cordes de la mélancolie et de la nostalgie. Sur Frailty, tout est aussi beau qu’inventif. Une chanson comme champ, par exemple, a tendance à émouvoir et faire regretter des temps plus simples et insouciants. Même sur ses passages les plus nerveux, l’album reflète sans arrêt les dilemmes et difficultés du passage à l’âge adulte. Sans ses penchants mélancoliques, Frailty ne serait qu’une nouvelle curiosité musicale assez vite perdue dans le flot de la création internet.

Le talon d’Achille de dltzk reste cependant le chant, dont la banalité casse un peu avec l’originalité musicale du reste du projet. Un peu monotone, il ne dérange pas la plupart du temps, mais peut réellement fatiguer à l’écoute de l’album complet. En y travaillant un peu et en étendant encore son spectre musical, qui sait ce que l’artiste pourrait proposer dans deux ou trois ans ? Quoiqu’il en soit, à seulement dix-huit ans, réaliser un album aussi riche et précis relève de l’exploit, et mérite d’être salué.