Quand tout va mal, on prend un petit quelque chose et les choses s’arrangent. Un mal de tête, un comprimé de paracétamol et tout va mieux. Un coup de mou, des vitamines et on pète la forme. On ne parlera pas ici de drogues et de leur consommation, on vous rappelle que cela n’est pas bien, mais le schéma est le même : on veut faire la fête, se sentir mieux, hop, la suite est toute tracée. 

Sur ce même principe, une nouvelle routine, un nouveau réflexe s’est installé au quotidien. Quand tout va mal, quand on sent le besoin de se détacher des choses qui nous entourent et de se relaxer, parce que la journée a été longue et que 2020 part sur des records absolus d’année à vite oublier, on prend une pilule jaune. Fluorescente, d’une durée d’une heure et deux minutes, en quatorze partie : Chill Pill est une compilation sortie aux confins de l’été 2019 sur le label Public Possession, et reste une des plus belles choses qu’on ait pu écouter ces derniers mois. 

Tornado Wallace, Bullion, Andras, RIP Swirl et d’autres apparaissent au casting de cet étrange objet, conçu pour sonoriser un lieu paradisiaque à Ibiza, le Eivissa Gardening & Recreation Center. Il en sort un agrégat disparate de styles aux influences diverses, tous tournés vers un baléarisme délicat, presque cheesy. Une collection de titres easy listening, entre ambient, pop et slow-mo disco. 

L’ouverture de RIP Swirl, Spring Break, est d’une beauté folle : des scintillements cristallins, un field recording nocturne – on devine des bruits de nature, des insectes et des oiseaux s’agiter – et des marimbas (sorte de xylophones, mais métalliques) nous enveloppent totalement. Par dessus, une nappe de douceur et quelques accords égrenés à la guitare acoustique. Fourmillant presque, ce morceau nous happe dès le début et nous coince dans un cocon, un hamac, un plaid. 

Tornado Wallace et sa Mermaid Beach, entre calypso et folk électronique nous prennent par la main et donnent le ton au reste : un mélange audacieux mais payant entre une pop chantée, parfois mielleuse, mais souvent touchante et relaxante, et d’autres tracks plus attendus, qu’ils soient ambient ou plus 4×4. Un parti pris assumé, d’autant plus quand on s’imagine une compilation « chill » n’être qu’une collection d’ambiance à la Buddha Bar. 

Special Times and Places d’AKSK, Diane de Sui Zhen, Brian By The Sea d’Aksel & Aino ou encore See You At Sandys de Bell Towers – reprise dépitchée, ralentie et désarticulée du méga-tube La Isla Bonita de Madonna sont toutes des chansons clairement pop qui s’enchainent avec grâce, interrompue par les très beaux Sugar de Nice Girl, Story 3 de DJ Cat ou Eivissa de P.O.P. Un mélange des genres heureux, qui comptent deux ovnis, deux belles étrangetés : le carrément jazz Khanda de Fazer et le tropicalo-en-passant-par-Ibiza Aloha de Møzaika.

Un ensemble hétéroclite pour s’éloigner une fois encore des clichés du genre, qui arrive, par la magie de l’enchainement des morceaux peut être, à paraître cohérent. Intuitif même. Et bourré de good vibes. Une écoute suffit à se plonger dans une torpeur dont ne sort que difficilement. « While consuming Chill Pill, a healthy mix of relaxation and hedonism is recommended. » : ce sont les recommandations d’écoutes de Manolo Helecho et Rosa Verdín, propriétaires d’Eivissa Gardening & Recreation Center, à Ibiza, pour qui la compilation a donc été crée. Facile à dire, quand on vit sur l’île blanche. En attendant, on appuiera sur play à chaque fois que le quotidien nous l’impose.