Si les deux premiers singles du dernier album de Slowdive Star Roving et Sugar for the Pill ont divisé les fans, c’est très certainement parce qu’ils étaient privés de leur contexte. Le premier restait dans la pure tradition de la musique du groupe et le second pouvait faire peur quant à la direction prise sur l’ensemble. Mais c’est avant tout parce que ce quatrième album était attendu comme le messie par toute une communauté de mélomanes que personne ne savait vraiment ce qu’il fallait en espérer. Bien sûr certains reprocheront au groupe de surfer sur le long revival du shoegazing. Et si ce n’est pas totalement faux, c’est tout de même sous-estimer un élément important de l’équation : Slowdive n’est pas juste un groupe de shoegaze, et il ne s’agit pas ici d’un énième album du revival shoegaze, mais bel et bien d’un album de Slowdive.

Même 22 ans après Pygmalion, cet album reste cohérent car il n’est pas juste la continuité de Souvlaki comme on pouvait l’attendre. Slowdive fait le choix d’assumer l’ensemble de son propre héritage et va même jusqu’à piocher dans des influences qui lui étaient jusqu’alors inconnues. Comme sur le morceau d’ouverture Slomo et ses nappes imposantes qui donnent l’impression d’écouter un groupe des 80’s. Une impression que l’on retrouve également sur Go Get It.

Slowdive a conscience de son influence mais le combo est également capable d’admettre que le shoegaze a grandi sans vraiment les attendre. Surtout, le groupe a eu le bon goût et la maturité de sortir un album de dream pop à légère tendance synth, qui semble prendre en compte avec beaucoup de distance ce qui a été fait entre temps. D’ailleurs, peu avant sa reformation pour la scène, ses membres ont confié lors d’une interview avoir regardé des vidéos de fans sur youtube pour réapprendre à obtenir leur son si caractéristique. Un morceau comme Don’t Know Why, par exemple, évoque très clairement les russes de Pinkshinyultrablast, à tel point qu’il devient difficile de savoir qui influence qui. C’est aussi ce qui fait toute la beauté de cet album : Slowdive n’a pas cherché à révolutionner le genre dont il est l’un des piliers fondateurs, mais bien à sortir l’album le plus direct et le plus sincère qui soit. Lorsque l’on connaît le parcours chaotique du groupe, on ne peut qu’être touché par la simplicité dont ils font preuve. On sent le bonheur de s’être retrouvés et cette joie empreinte de nostalgie devient particulièrement communicative sur des morceaux comme Everyone Knows.

En terme de production, l’album se veut beaucoup moins flou et éthéré que les précédents : la saturation est quasi-absente et la réverbération se fait beaucoup plus propre. Le chant de Rachel Goswell, figure ô combien emblématique du groupe – et pourtant relativement rare sur l’ensemble de sa discographie – a gagné en importance, autant par sa présence tout au long de l’album que par la qualité de ses lignes de chant. Le traitement de la voix est d’ailleurs plus à rapprocher de celui du side-project du leader Neil Halstead, Black Hearted Brother, que des précédents albums de Slowdive.

Quoique l’on puisse attendre de cet album, il faut bien avouer que la magie opère. De manière grandiose parfois : sur le refrain de Go Get It ou dans le riff final de Star Roving, qui en devient frustrant tant il est court. C’est d’ailleurs là que le bât blesse, mais autant qu’il satisfait : cette alternance entre moments de grâce et de frustration qui – c’est selon – rendra l’album lassant ou au contraire terriblement addictif. Seul le morceau de clôture déçoit tant il nous fait miroiter un décollage imminent, pour finir par ne nous faire ressentir que l’insatisfaction d’être resté cloué au sol. Il n’y a plus qu’à tout réécouter.

Ces huit titres relativement longs forment au final un album plutôt court. Après autant d’attente, on en aurait voulu plus. Mais on ne va pas se plaindre. Avec ce nouvel album, Slowdive a su communiquer le bonheur qu’ils ont à être de nouveau réunis et il en résulte des moments de grâce qu’ils restent, aujourd’hui encore, les seuls à pouvoir écrire.