Le producteur Canadien Project Pablo nous avait tapé dans l’oeil il y a deux ans avec la sortie de ses EP Beaubien Dream et Priorities. Des mélodies douces et entraînantes sous fond de house minimaliste bien arrangée, tout y était pour convaincre. Début avril, il nous a régalé avec un nouvel EP, There’s Always More At The Store, signé sur Technicolour et riche en fluides, même si plus sombre et intriguant. Nous avons voulu en savoir un peu plus sur ce personnage discret et talentueux, qu’on ne manquera pas au festival La Chinerie à Lyon ce samedi 9 juin.

Quel était le premier contact que tu as eu avec la musique électronique ?

J’ai acheté un CD de la bande originale de Metropolis quand j’étais enfant. Mais je n’ai commencé à réellement produire qu’à mes 19 ans, quand mon pote Chester m’a montré comment utiliser Ableton. Ça sonnait bien, et puis j’écoutais beaucoup de musiques différentes à cette époque – vu que j’ai grandi en jouant des percussions et de la guitare, en jouant devant des feux de camp.

En connaisseur des instruments avant tout, comment t’es-tu senti attiré par Ableton ?

Quand je jouais des instruments j’ai toujours joué la musique des autres, je faisais des covers. Ableton m’a permis d’écrire ma propre musique. Je n’étais pas capable d’écrire mes propres partitions, c’est encore le cas maintenant d’ailleurs. Je ne peux pas chanter non plus, je n’utilise pas mes propres voix dans mes productions. C’était donc plus facile pour moi de jouer le travail des autres. Et puis grâce à Ableton, j’ai réalisé qu’il était possible de faire juste de la musique instrumentale. Je n’ai pas grandi dans une scène artistique, mais je peux faire de la musique, je l’ai apprise. J’ai juste compris les concepts généraux, donc avec ou sans cette connaissance des instruments, j’aurai fini au même point.

Je suis ravi d’avoir arrêté l’école de musique, je ne serai pas là à kiffer si j’avais continué.

Pourquoi être parti ?

Je voulais juste faire quelque chose de différent. Quand j’ai commencé à aller à l’école de musique, j’ai réalisé que cela ne me plaisait pas. J’avais besoin de changement. J’ai alors vécu à Vancouver pour mes études supérieures, j’y jouais de la trap dans les clubs commerciaux, des sets de 25 minutes avec 15 DJsur la timetable… je n’étais pas très intéressé par le reste. Puis j’ai changé du DJ de soirée à être un artiste qui produit. J’aime comme cette phrase sonne – c’est cheesy, cliché un peu, mais c’est ce qui s’est passé.

J’ai déménagé à Montréal, qui a toujours été une ville cool, avec des groupes indie en vogue. Ce n’est pas une ville “économique” : elle est peu chère, créative, plein de choses s’y passent. Quand j’ai déménagé, je ne jouais plus dans des clubs, plutôt dans des endroit DIY, avec la scène underground.

C’est dur d’échapper à la tendance principale ?

Non, il y a plein de tendances, je m’en sors bien avec la house music, il y a vraiment de la musique expérimentale cool. Dans le genre, Mutek est une réelle institution ici. Vancouver a sa propre version qui se nomme New Forms, mais ce n’est pas aussi important que Mutek, qui est là depuis un certain temps et joue un rôle prépondérant. J’y ai joué deux fois !

Quand je suis arrivé à Montréal, je faisais de la musique chez moi. J’ai fait tous mes EP dans ma chambre, je ne connaissais personne, je n’avais pas d’amis, alors je restais chez moi à faire de la musique. J’ai produit pour la première fois en studio l’année dernière, avant je faisais tout de chez moi.

Parle nous du morceau qui t’a fait connaître, Closer.

C’est assez drôle, je l’ai fait chez moi à Montréal en 2015, je ne savais pas trop quoi en faire pendant un certain temps. Je l’ai envoyé à des labels sans trop de réponses… Je suis devenu impatient et j’ai décidé de le produire quand j’ai lancé le label SOBO. J’avais déjà un label avec mon pote Gavin, j’ai eu l’opportunité de commencer un autre label avec un autre ami, et on a décidé de faire de Closer la première release.

C’est dur d’écrire ce genre de morceaux, je ne suis pas sûr de pouvoir le refaire !

Durant mon live pour Mutek la première fois, le morceau n’était pas encore fini, je voulais qu’il soit la première track… mais c’était trop tôt. L’année d’après c’était la bonne. Je l’ai envoyé et joué pas mal, par la suite j’ai su qu’il était bon. On me dit souvent que ma musique peut sonner un peu surf par moment. Il ne faut pas oublier que Montréal est une île !

Je gère SOBO avec Arbutus Records, un label qui existe depuis un bon moment, plus tourné vers l’indie et les groupe live. Sebastian voulait avoir une empreinte plus dance et il a fait appel à moi. C’est un peu comme un sous-label, on a produit des artistes d’un peu partout : Saint Petersbourg, New-York, pas mal de locaux arrivent, à commencer par Gene Tellem, qui a signé la dernière sortie du label, Who Says No.

Ton dernier EP There’s Always More At The Store, semble porter des couleurs plus froides que les précédents.

C’était l’année dernière au studio, j’essayais de faire un truc différent, je sortais un peu de moi, de mon “vieux moi”, j’essayais de faire quelque chose de plus minimal. Normalement j’utilise plus d’instruments à vent, chacune des tracks de l’EP commencent de la même façon.

Là, Less and Less a différents types de formes dont des séquences de percussions. C’est un mood plus dark, j’ai ressorti des clés mineures que j’utilisais dans le passé, qui sont empruntes d’un peu plus de mélancolie. Le meilleur moment pour écouter cet EP serait dans un club, mais certainement pas au peak time, plutôt le matin tôt, car tous les morceaux sont assez moody.

Venant du Canada, on pourrait penser que ta carrière décollerait plus vite aux US qu’en Europe, or c’est plutôt l’inverse qui se produit.

Le marché US est difficile, j’ai un booker pour ça mais c’est vrai que c’est souvent trop cher entre les billets d’avion, le visa, les taxes… Ce n’est pas tant par choix que je n’y vais pas, mais que c’est plus simple et fluide de jouer en Europe ! D’autant plus que je me sens plus proche du Canada et de New York, je n’ai pas vraiment de projet d’aller vivre en Europe, j’aime être ici.

Il y a plein de nouveaux spots à Montréal, tout arrive par vagues. Ce n’est pas forcément mieux qu’avant, mais différent c’est sûr, il y a plus de producteurs mais on reste underground. Je ne joue pas souvent ici, il n’y a pas de gros événements. J’ai joué dans des gros festivals mais je ne m’y amuse pas, c’est trop bondé, tu es déconnecté de ce qui se passe vraiment dans la foule. Par exemple, j’ai aussi joué en Australie sur la scène de Sugar Mountains à Melbourne. C’était marrant, mais toute les caméras sur moi, j’avais un peu de mal avec ça. Ce n’est pas la situation idéale pour moi, je préfère les petits espaces.

On verrait bien ta musique sur une configuration live, c’est prévu ?

Pas pour le moment, mais je voudrais en faire un dans le futur. Je l’ai fait à Mutek mais c’était peut être trop tôt. Je suis très occupé à produire des sons, je verrai le reste plus tard !

On apprendra après cette interview que le canadien sort déjà un nouvel EP, Come To Canada You Will Like It sur un nouveau label, Verdicchio Music Publishing – qu’on soupçonne d’être aussi dirigé par Project Pablo himself. En voici l’extrait, Fine Match ci-dessus. Petit cachotier !