Peut-on faire beaucoup avec trois fois rien ? Vous n’avez pas trois heures, on a déjà la réponse. Ou plutôt, DJ Python l’a trouvé. Sur son dernier album Mas Amable, le producteur et DJ new-yorkais touche à une certaine grâce électronique avec très peu : un riddim, des touches reggaeton, un peu d’ambient. Quelques nappes qui tapissent le sol et 48 minutes plus tard, le tour est joué, nous voilà conquis.

Croisé avec un autre alias – deejay xanax – le temps d’un EP en 2016 sur Exotic Dance Records, Brian Piñeyro dans le civil a le goût du décalage. Un décalage musical et esthétique, qu’il cultive à travers ses alias – DJ Python, ça fait d’ailleurs un peu platiniste dans des clubs de vacances en Asie du Sud-Est, pour touristes qui s’enterrent sous des litres de vodka. Quant à deejay xanax, on touche à la perfection. 

Devenue part entière de la culture club comme celle de beaucoup d’autres domaines, cette ironie permanente permet de se mettre à bonne distance des questionnements sur la création, et dédramatise le processus de composition. On prend alors l’objet tel qu’il est, sans détour. Mas Amable est un album de reggaeton électronique perfusé à l’IDM, et c’est (presque) tout. Inutile alors d’avoir sous la main un contexte, une explication, une note d’intention : l’album se suffit à lui-même. 

Et il se suffit avec très peu : construit comme un long morceau ou un DJ set mono-maniaque, les huit titres qui le composent s’enchainent sans coupure ni pause. Mieux, ils s’imbriquent les uns aux autres comme un passage de témoin maîtrisé. D’abord ambient avec des touches de field recording sur le premier titre Te Conocí, un riddim (cellule rythmique qui tourne à l’infini) s’empare de la suite sans jamais disparaître. Variations sur variations, petit à petit, la chose suit son cours et nous ballade d’une pulsation à l’autre jusqu’au mini-sommet de l’album, ADMSDP – La Warman. Mini-sommet, car la poursuite du tube n’a pas lieu d’être ici.

Ce n’est pas que l’uniformité règne au point de rendre l’album plat : DJ Python nous propose une oeuvre d’une plutôt grande cohérence. Rien ne dépasse car tout est sous contrôle. On est perfusé, dès le début, par ses circonvolutions rythmiques sous anxiolytiques. Et quarante-huit minutes plus tard, on a la sensation d’avoir ressenti beaucoup avec très peu.