À l’origine de quelques uns des tracks techno les plus sombres de ces dernières années, Charlotte de Witte se démarque de plus en plus de ses compères, gagnant au fil des semaines une place de choix sur la scène électronique internationale. Cependant, si elle évolue dans le milieu techno depuis maintenant sept ans, c’est depuis seulement deux années que sa notoriété croit de manière exponentielle : bookée sur les plus grands festivals de la planète, déjà à la tête de soirées belges à son nom… Retour, à l’occasion de la sortie de son huitième EP sur Mary Go Wild, sur le parcours d’une des DJ les plus prometteuses du moment.

C’est à seulement 17 ans que Charlotte de Witte se lance dans la production musicale. Si elle s’exerce d’abord au D-jing sous le nom de Raving George, c’est paradoxalement en changeant pour son nom propre que la jeune femme voit sa carrière exploser. Pourtant, changer de nom ne suivait pas une envie de voir sa carrière exploser, mais plutôt une dynamique de maturité, une envie de renvoyer une autre image d’elle-même : « Quand tu regardes la scène techno, tu as Adam Beyer, Alan Fitzpatrick, Ida Endberg, Nina Kraviz… Ce sont de vrais noms, des noms d’adultes qui font sérieux. Raving George pas vraiment, c’était plutôt une blague. » confirmait-elle récemment dans Tsugi.

Quel que soit son nom de scène, ce sont bien ses productions qui retournent les dancefloors du monde entier. Ayant d’ores et déjà sorti sept EPs sous le nom Charlotte de Witte (quelques autres ayant été signés sous son ancien pseudonyme), presque tous sur des labels différents, la voilà qui revient avec Closer, un quatre titres qui poursuit cette trajectoire prolifique.

Si, jusque-là, elle nous avait habitués à des titres plus sombres les uns que les autres, ceux-là sont encore plus fins, plus acérés, et adoptent presque d’une dynamique cinématographique, qui soulignerait les moments les plus tendus et les plus sombres de thrillers ou de films d’horreur. Afin de mieux cerner la productrice, nous avons eu l’occasion de lui poser quelques questions, aussi bien sur sa carrière que sur ses inspirations, et sur la dynamique créative qui anime ses sets et ses productions.

charlotte de witte © kemizz

Bonjour Charlotte ! La première chose qu’on aimerait te demander concerne tes débuts : comment as-tu commencé à jouer dans les clubs ? 

J’ai commencer à faire des DJ sets parce que je suis tombée amoureuse de la musique qui passait dans les clubs dès que j’ai commencé à sortir dans les clubs underground, à l’âge de 16 ans. Je voulais faire quelque chose de ça, et même si mes amis m’ont toujours supportée, c’est la musique en elle-même qui m’a poussée.

Un grand nombre de producteurs disent qu’ils sont tombés amoureux de la musique électronique underground quand ils ont participé à des festivals ou des raves. Qu’en est-il pour toi ? Est-ce que le désir de produire ta propre musique s’en est immédiatement ensuivi ?

Eh bien oui, il m’est arrivé exactement la même chose. Cela fait sens parce que ce n’est pas le genre de musique que tu entends beaucoup à la radio. Je connais beaucoup de personnes qui ont appris à connaître ce genre de musique en allant clubber. Après avoir exercé en tant que DJ pendant plusieurs années, le besoin de produire ma propre musique a pris de plus en plus de place donc, après un an ou deux, je me suis lancée.

Pendant tes sets, plus particulièrement ceux retransmis en live sur ta page Facebook, tu passes de temps de temps de la trance et de la techno old school. Pourtant, ta musique tourne plutôt autour d’autre chose, et définit d’une certaine manière les contours d’un sous-genre de la techno minimale. D’où vient tes inspirations, aussi bien pour tes sets que pour la musique que tu produis ?

Techno minimale ? Je crois que c’est la première fois que l’on décrit ma musique de cette manière. Intéressant ! Il est très difficile de donner une définition de la musique (des genres musicaux ?). L’inspiration vient de partout. De l’art, de la vie, des conversations, de design, des sets d’autres DJs… c’est très difficile de s’en tenir à une seule source d’inspiration. Je viens de Belgique, j’y suis née et j’y ai grandi, donc l’histoire de la musique électronique belge a également eu une grande influence sur ce que je fais et sur le genre de musique que je passe.

Si on se concentre plus sur la musique que tu produis, à la différence de nombreux producteurs de musique techno, tu as l’air d’apprécier de jouer avec ta propre voix, en la rendant robotique, lui retirant tout caractère humain. Cette fois, elle apparaît brute, au milieu du titre introduisant ton EP. Quelle dynamique se cache derrière ce choix de changer tes habitudes ?

J’ai toujours aimé travailler avec les voix, elles peuvent être aussi bien la mienne que des voix samplées. La track de Perc « Look What Your Love Has Done To Me » a été une grande inspiration pour Closer. J’ai joué ce titre dans presque tous mes sets cet été et l’utiliser comme une référence pour l’EP m’a beaucoup appris. Les paroles proviennent d’un poème qui a été écrit par un membre de ma famille, Keith Brumberg, dans son livre « Un verre de lait ». Des paroles du même livre ont été utilisées dans Nothing aussi, donc mon EP est en quelque sorte très personnel, il fait écho à beaucoup de choses en moi.

Tes productions semblent se faire de plus en plus précises, presque plus agressives, et ressemblent de plus en plus aux titres que tu mixes dans tes sets. Est-ce que tu as déjà pensé à créer tes titres afin qu’ils matchent parfaitement tes sets, ou est-ce qu’ils traduisent un thème, une dynamique créative qui t’es chère ?

C’est pour cela que je ne qualifierai pas nécessairement ma musique de techno minimale. À mon avis, et selon mon expérience, la techno minimale n’est pas forcément aussi agressive que le genre de musique que j’aime mettre en avant. Selon moi, on ne peut pas se forcer à faire de la musique selon un genre précis. Je pense que je suis juste chanceuse de produire une musique qui colle à mes sets. J’ai quelques titres qui ne peuvent plus leur correspondre, mais la majorité heureusement le peut.

Tu es présente sur la scène techno depuis maintenant plus de sept ans, si on inclut la période durant laquelle tu te présentais sous le pseudonyme de Raving George. Est-ce que tu as déjà pensé à faire du live ? À faire un album ?

Oui, absolument pour le live. Et je répondrai aux deux questions en même temps : il y a également possibilité que je fasse un album un jour. Je ne sais pas quand cela pourrait arriver, mais je pense qu’après avoir produit un album, la prochaine étape sera de me produire en live. Un jour.

Crédits Photos : © Kemizz, Nicolas Karakatsanis