Une nuit, cinq salles, et presque tout autant de possibilités. Lorsqu’on atterrit à Montreuil pour assister à la soirée culminante du line-up bien chargé de cette RBMA 2017, on n’est pas sûr de savoir à quelle salle se vouer : expo photo, installation sonore, programme électro, rock ou musiques des caraïbes ?

On commence par s’aventurer du côté du Chinois, pour l’occasion théâtre du programme rock indé de la soirée. C’est le Villejuif Underground – qu’on attendait de découvrir sur scène depuis un moment – qui ouvre le bal dans une salle déjà bien remplie. Tout comme leur label Born Bad, le Villejuif insuffle sa dose d’ironie dilettante sur une scène indé stagnante, balançant sur scène une énergie que le public peine à égaler, en cause sans doute l’heure encore doucement crépusculaire. La formule « groupe français + chanteur australien » donne lieu à un cumulus bordélique, mais assez rafraichissant dans le milieu souvent très auto-centré du rock français.

L’ambiance plutôt très calme n’empêche en effet pas le doucement timbré chanteur Nathan Roche de passer une grande partie du concert à déconner au milieu du public. On pourrait vous dire que les rifs de guitare nous rappellent les Strokes période This Is It et la mentalité du groupe celle des Parquets Courts, mais loin de nous l’idée d’établir (sic) « des comparaisons avec des groupes inspirés par le journalisme paresseux auxquels personne au sein du groupe ne se sent lié » pour décrire ce live en somme très réussi. On osera quand même avancer qu’un batteur en chair et os ne saurait pas faire de mal à leur force d’impact sur scène, mais on ne vous a rien dit.

La Marbrerie en surjauge

Pour la suite du programme, on s’embarque pour la Marbrerie, qui nous tiendra d’ailleurs captifs le reste de la soirée – un choix stratégique dû à la capacité surchargée du lieu, dont le line-up électronique a apparemment attiré plus d’amateurs que les autres salles. Un certain nombre de spectateurs outrés ne pourra en effet pas franchir le pas de la porte, la jauge de La Marbrerie étant largement atteinte et les spectateurs déjà dedans bien avisés de vouloir s’en aller. Dommage pour les autres, et au temps pour notre projet de déambulation un peu avorté.

Voiski déjà passé, la salle phare de Montreuil accueille le bordel sonore de Zombie Zombie, rave instrumentale qui arrive à sonner organisée dans le chaos de son attirail d’instruments, même celui, coordonné, de deux batteries électriques. C’est une Marie Davidson un peu épuisée qu’on voit ensuite monter sur scène, la faute à une tournée sans coupure qu’elle enchaîne depuis le début de l’été. Souvent acclamée pour ses performances scéniques, notre mémoire perso aborde ce set avec les aprioris de sa performance bancale au dernier Sonar Festival.

Mais ce sont pour une fois les enthousiastes qui auront raison : malgré la fatigue, Davidson nous livre une techno party fortement teintée d’un EBM crasseux qui fait grimper la température d’une bonne dizaine de degrés – où peut-être est-ce tout ce rhum agricole ingurgité, on ne sait plus bien. Quoi qu’il en soit, Davidson nous rappellera ce soir les meilleurs sets d’Helena Hauff, performance vocale et escalade de la table de mix en plus. Une table de laquelle elle surplombera la foule pour chanter son Adieu Aux Dancefloor, hissant assez littéralement la barre pour les suivants.

La Marbrerie en surchauffe

La nuit continue avec le back to back«s» entre le parisien Simo Cell et le duo lyonnais The Pilotwings qui, face à une salle blindée, feront se succéder les enchaînements loufoques et les virages stylistique à 180°. Les joies classiques d’un B2B, en somme. On se souviendra d’entendre la collaboration entre Mos Def et Massive Attack « Eye Against Eye » comme judicieux choix d’introduction au set, et des samples R&B très début des années 2000, s’aventurant presque de ce côté de la force.

Ce trio de bro’s nouvellement formé semble en tout cas s’entendre à merveille, preuve en est qu’ils finissent par utiliser un seul DJ Booth au lieu des deux disposés sur scène, et tant pis pour la scénographie. Le mash-up sonore continue lui de s’aventurer tous azimuths, passant de house en techno avec des passages parfois assez abstract.

Le clou de notre soirée sera atteint avec l’entrée en scène d’Alessio Natalizia aka Not Waving, dont la dure tâche est de faire suite à un plateau déjà chauffé à blanc malgré l’heure pas si tardive de 2h30 du matin. Le taux de sueur ambiant empêchant réellement de faire redescendre l’intensité, l’italien prend la suite avec un set en accord avec la foule, notamment pour une version furax du titre le plus canin de son répertoire, 24.

Si on aurait peut-être aimé le voir à une heure qui force moins à avoir la main lourde, on doit reconnaître les talents de l’italien, qui commence à sérieusement faire des remous dans sa réadaptation de la new wave au goût industriel du jour.

Jouant ensemble dans une mini-tournée déjà passée par Manchester, Londres et le Berghain, Marie Davidson le rejoint sur scène pour interpréter leur titre commun « Where Are We » dans ce qui semble être une mécanique déjà bien huilée. Avec la même verve que pendant son propre set, Davidson monte à nouveau debout sur le booth où la rejoint Natalizia pour chanter-crier avec elle. La force d’impact de ce titre-tube en fait pour nous l’apothéose d’une soirée où, 33° degrés ambiants aidant, 3h du matin nous fait l’effet de 6h. C’est donc là que nous déclarerons forfait, laissant notre place aux moins chanceux restés dehors.

Étant restés captifs volontaires de La Marbrerie, on pourra difficilement juger du programme montreuillois dans sa globalité – et encore moins de la ville, dont la scène doit sensiblement différer en dehors d’un programme estampillé RBMA. Mais force est de constater que malgré une affiche éparse et plus qu’éclectique, la Music Academy sait sonder son époque et présenter de la nouveauté sur la scène parisienne, flairant les tendances musicales à la bonne heure. 

Photos : Victor-Guillaud Lucet

Texte : Lélia Loison