Jeudi dernier, la Gaité Lyrique accueillait une nouvelle fois le Marathon Festival, cérémonie de célébration des musiques électroniques au sens large et général, et dont le plateau promettait une soirée riche en émotions. Retour sur cette soirée particulière.

C’est un des premiers jours de froid mordant de cet hiver, personne ne reste bien longtemps dehors. La grande salle est déjà un peu remplie pour les premières notes de Turzi. Sur scène, six guitares et trois claviers, tous vêtus de vestes militaires sauf le principal intéressé, en polo et pull bleu marine. La création pensée pour l’événement est inspirée de plusieurs productions du musicien versaillais, et nous emmène assez facilement dans un univers krautrock assez proche de Neu – les motifs répétitifs – et Kraftwerk – l’abondance de nappes synthétiques. Sur la deuxième partie du set, la chanteuse Caroline Villain, soprano, vient poser sa voix sur une revisite très très allongée de Colombe, un morceau du dernier album de Turzi. L’ensemble termine dans une explosion de guitares, larsens et claviers assez jouissive.

turzi live

Enchaînent ensuite sans interruption autre que celle des applaudissements – c’est le principe du festival – trois pianistes juchés sur une plateforme cachée au dessus de la scène. Leur réinterprétation de l’œuvre pour six pianos de Steve Reich est plus difficile d’accès, mais une bonne partie du public reste attentif – pendant que l’autre commande un gin tonic au bar du foyer.

La musique vient à eux ensuite, puisque la cornemuse d’Erwan Keravec se balade dans le grand foyer et résonne comme mille téléphones joués en harmonie. Là est toute l’expérience du Marathon : la surprise vient des prestations auxquelles on s’attend le moins, et cet instrument seul nous en apprend autant sur la musique répétitive que l’ensemble des autres performances.

Suit le tant attendu Flavien Berger, une nouvelle fois dans la grande salle, et le plancher se met doucement à remuer, sous l’habile jeu de lumière noir et blanc. Les cheveux de Flavien s’agitent de gauche à droite au rythme de ses mouvements de bassin devant ses machines, mais le jeu de scène reste assez léger et surjoué, les mauvaises langues diraient même inhabité. Un spectateur joue à ce sport national qu’est de lancer son verre vide derrière soi. Flavien blague avec les cinq premiers rangs qui lui sont acquis, et on attend cette fameuse “création spéciale pour le festival” qu’il a promis. Il est tellement cool qu’il en gâche presque plusieurs courts morceaux peu construits. Heureusement, la montée surprise de Jacques sur scène vient relever et révéler le niveau de l’artiste lors d’une joute guitare/voix où l’un et l’autre se surpassent, et sont acclamés par la foule – le monde n’est pas si moche que ça si Jacques est applaudi à son arrivée.

jacques flavien berger

La soirée continue avec la pièce de Steve Reich “Clapping music” dans le foyer, entièrement jouée avec des mains et bâtons, puis un DJ set plus dansant, toujours au même endroit. L’exploration continue et la Gaité est désormais bien remplie.

Vient l’heure de Cabaret Contemporain, dont l’installation sur scène prendra tout le temps des deux prestations précédentes. Tous en costard-cravate, les musiciens rivalisent d’élégance et de sobriété, alors même que leur jeu s’envole très vite. Les instruments – piano, contrebasses, batterie et guitare – sonnent très vite d’une toute autre façon que celle dont nous avons l’habitude. Les cinq hommes s’échinent à les utiliser hors de toute règle de l’art : avec du cellophane, un cintre, des cloches ou des baguettes directement sur les cordes du piano à queue, parmi de multiples exemples. Le public danse très franchement et il fait maintenant très très chaud dans la salle.

Enfin, pour clore cette belle soirée, Pantha du Prince entre seul sur scène derrière un simple praticable et sous un masque cylindrique. Son set live se déroule, parfait et propre comme on peut l’attendre de l’allemand, et avec une magie très particulière, servie par des vidéos et lumières à leur place en tous points. Ses morceaux se mettent en place doucement, couche après couche, et si l’on reconnait plusieurs titres de ses différents EPs ou de son dernier album, tous sont imbriqués ensemble dans une vraie cohérence globale. Rien ne dépasse, mais tout est exactement à sa place pour faire rêver, danser, monter le public vers une extase commune en ce jeudi soir. À nous faire déjà dire : ah, que l’année prochaine au Marathon sera belle!

pantha du prince live