L’Édition Festival, qui se tenait du 8 au 11 juin derniers à Marseille, proposait pour sa troisième année une programmation éclectique, faisant la part belle à la pop et à l’ouverture. En s’installant dans plusieurs lieux atypiques de toute la ville, le festival s’est véritablement imposé dans l’été marseillais et dans nos souvenirs. Durant quatre jours, le public a pu danser dans un hamman disco – orchestré entre autres par Amar du Désert, notre résident chez Beyeah -, profiter de couchers de soleil devant Isaac Delusion ou Papooz, applaudir Seu Jorge et Metronomy, danser frénétiquement devant Kokoko! ou The Pilotwings, faire une croisière électronique dans la rade de la ville ou encore assister à un concert de poche. C’est dire si l’Édition nous a tapé dans l’oeil. Récit des deux nuits principales dans l’écrin du Théâtre Sylvain.

Metronomy, la French Riviera et “Mar-seal”

Les affres de la vie quotidienne – et au passage, de la circulation et du parc de stationnement dans la cité phocéenne – étant parfois insurmontables, l’arrivée sur le site principal de l’Édition Festival se fait avec un peu de retard. Ce qui est dommage, car le local Oh! Tiger Mountain était – semble t-il – en train de distiller avec élégance sa pop matinée d’électronique. Tant pis.

Juste le temps d’admirer le lieu, la vue et un cornet de panisses frits – spécialité locale à base de farine de pois chiche – que la suite est déjà prête : Isaac Delusion rentrent en scène, à coups de riffs acérés, surprenant le public peu attentif. L’attention est justement ce qui manquera pour faire réellement décoller leur prestation : bien que rodée, carrée et addictive, oscillant entre les morceaux de leur second album Rust & Gold et les micro-tubes du précédent, le public ne semble pas prêt à rentrer dans le jeu. Dommage, car les quatre acolytes méritaient beaucoup mieux que cela.

Après un changement de plateau, un tour à la buvette et un énième coup d’oeil au site – un magnifique théâtre en plein air dit “Sylvain”, coincé entre des pins et la mer et surplombé par de grandes demeures – ceux que l’on attendait tous grimpent sur scène. Joseph, Oscar, Anna, Olugbenga (ainsi qu’un renfort au clavier dont le nom nous échappe) aka Metronomy entament leur live : une heure et demi d’une prestation généreuse et électrique. Tantôt disco-pop et tubesque sur “The Look”, “The Bay” ou encore “Hang Me Out To Dry”, tantôt doux et planant comme sur “I’m Aquarius”, les anglais enchaînent avec grace et énergie, pour le plus grand bonheur de tous, nous y compris. Les quatre albums pensés et écrits par le leader Joseph Mount y passent (presque), prouvant que la désormais vaste discographie du groupe n’a pas vieilli. Mais Metronomy n’est jamais meilleur que lorsqu’il plonge dans la mélancolie dansante, bancale et touchante, celle-là même qui les a révélés à l’été 2008 avec des titres comme “Heartbreaker” ou le sommet de tristesse rentrée, “On Dancefloors”. Assurément le highlight de leur show.

En bonus, une blague tombée malheureusement à côté – Joseph se permettant des interludes option humour avec le public, visiblement ravi d’être là (et on le comprend) : “We should call this city not Marseille, but Mar-seal !“. Hum.

Seu Jorge mon amour

Second jour dans la cité ensoleillée, et seconde série de concerts au Théâtre Sylvain. Après la pop option électronique, place ce vendredi à l’ouverture – aussi bien musicale que géographique. La première à se lancer est Kadhja Bonet, sensation folk et douceur de ces dernières années, passée d’ailleurs par la respectable Red Bull Music Academy à Tokyo. Le choix est judicieux : le soleil encore bien présent nous baigne de ses rayons, tout comme les envoutantes mélodies soul aux aspirations orientales. Le moment est savoureux.

C’est ensuite au duo Papooz  de prendre la relève sur scène, fort de leur récent album – le bien nommé Green Juice – solaire, addictif et bien ficelé. Si le disque nous cajolait dans le sens du poil, la formation live est beaucoup plus frontale et les guitares plus présentes. Et cela n’est pas pour nous déplaire : les morceaux, du tube “Ann Wants To Dance” au sautillant “Good Times On Earth” prennent une autre tournure, une seconde vie plus animale. Le public, réceptif, est visiblement ravi de cette augmentation d’intensité. Le concert, forcément trop court, est une réussite et l’on se surprend à demander un rappel.

Un énième tour sur le stand food – les panisses sont addictives, vraiment – et nous voici bien en place pour le climax annoncé de la soirée, voire même du festival : l’immense Seu Jorge va jouer l’intégralité des chansons – ou plutôt, reprises – de David Bowie réalisées pour le film de Wes Anderson, The Life Aquatic. C’est un peu tiré par les cheveux comme concert, nous vous l’accordons, mais le résultat fût magique.

Il faut imaginer le chanteur, guitariste, producteur et acteur seul sur scène, habillé en Pelé dos Santos – combinaison bleue ciel et éternel bonnet rouge, avec sa guitare acoustique pour seule arme face à 1200 personnes. Entouré de décors marins piqués sur le Bellafonte, il égraine avec grace et humilité les classiques de Bowie – en portugais bien sûr. Les versions, entre-aperçues dans le long métrage du réalisateur américain, prennent une dimension incroyable, portées par la voix sombre et puissante du brésilien. Tout y passe, donc : “Changes”, Ziggy Stardust”, “Oh! You Pretty Things”, “Quicksand” et bien sûr, les grands tubes, de “Starman” à “Life On Mars”. Oscillant entre saudade, bossa nova et balades, les morceaux joués sont plus que des reprises mais des adaptations et transpositions à la fois fidèles et lointaines, qui résonnent comme si nous les avions toujours connues ainsi. Et s’il fallait n’en choisir qu’une seule, ce serait sans aucun doute le “Rebel Rebel”, doux et susurré.

Très à l’aise et dans un français plus que correct, Seu Jorge prend le temps de raconter la genèse du projet, entre anecdotes joyeuses de tournage et d’écriture de ses versions. Le final se fait sur une projection du générique de fin du film, “Queen Bitch” en version originale à fond : le public est debout, Seu Jorge danse sur scène, c’était un concert à ne pas manquer.

Crédits Photos : Thomas Bertini Photography