Pour le bien de ces colonnes et surtout celui l’aventure, on a filé up up north, à Oslo en Norvège, pour assister à la 19eme édition du ByLarm Festival. Traduit par « le bruit de la ville », ce festival au format similaire à celui du MaMA à Paris – panels le jour, concerts en showcase la nuit – n’est pas seulement un point de rencontre stratégique des acteurs de l’industrie musicale, mais aussi l’opportunité de voir quels seront les artistes nordiques à ne pas louper cette année.

On retiendra déjà la belle percée de l’avant-gardiste Jenny Hval, à qui a été décerné The Phonofile Nordic Music Prize – le Grammy du meilleur album scandinave – pour Blood Bitch, son épopée concepto-atmosphérique sortie sur Sacred Bones. Projet engagé, véritable pont entre la pop et l’art, Jenny Hval aime déranger là où il faut. Pour ce qui est de la cuvée fraîche du festival, voici ce qu’on en a retenu :

 

Fufanu – Un peu de sauce islandaise sur votre ice-cream new wave ?

C’est happé par le rythme franc d’une batterie qui tape juste là où il faut qu’on se retrouve devant Fufanu par accident. Ça sonne rock, lo-fi, post-punk et new wave, la foule est hypnotisée par le trio exalté. Ça rappelle Dépêche Mode, New Order ou les Smiths, avec une pointe britpop et un petit côté à la Strokes. Derrière ce mix d’influences-types, on trouve trois bonhommes, dont un ancien duo techno et un chanteur qui n’est autre que le fils de Einar Orn des Sugarcubes – LE groupe qui lancera la carrière de Bjork… L’Islande est décidément un bien petit pays. Pour compléter ce name-dropping, leur deuxième album qui vient de sortir sur One Little Indian Records a été produit avec l’aide de Nick Zinner des Yeah Yeah Yeahs.

 

Goat Girl – Baby Patti Smith, la nonchalance naturelle

Tout le monde parle de ces quatre jeunes nanas du South London qui sont en train de retourner la scène indie, et qui s’en tamponnent le coquillard. Véritable DIY band, elles créent leurs propres pochettes, distribuent leurs propre flyers et bookent leurs propres concerts, loin des réseaux sociaux dont le devoir de présence les dépasse. Tout cela semble rapidement voué à changer puisqu’elles viennent de signer deux singles sur Rough Trade avant de partir en tournée avec Parquet Courts et Yak. Sur scène, Goat Girl a la force brute du garage rock, emmenée avec la classe de leurs influences blues. 20 minutes de show et quelque 3,5 morceaux plus tard, elle se tirent sans le moindre mot, avec une nonchalance toute naturelle qu’on pourrait à peine leur reprocher. Si on regrette de ne pas avoir pu se faire envoûter plus longtemps par le timbre ultra sexy de la lead singer, on souhaite à Clottie Cream, Rosy Bones, Naima Jelly et L.E.D. de garder toute leur force et leur sincérité.

 

Pom Poko – Pure Norwegian Punky Sweetness

Pom Poko transpire le cool. Ils sont norvégiens, ils pétillent, portent le nom d’un animé des studio Gibli, et savent comment enflammer une scène à bases d’impros passionnées – ils n’ont pas joué de guitare avec leurs dents mais il auraient presque pu. S’ils sont les honorables descendants des Pixies, on capte aussi une influence plus art rock à la Foals, dans un genre qui oscille entre garage, glam rock psychédélique et noise pop. Ils n’ont que trois singles de dispo et sont aussi débutants qu’attachants, avec la pointe de cynisme qui pique à mesure de rappels.

 

Rohey – De la soul en fusion

C’est un heureux hasard qui a emmené Rohey, une quartet de jazz-néo-soul-hip-hop, signé pour leur prochain album sur le légendaire label Jazzland Records, à se produire au ByLarm. Projet popularisé par le soutien de Gilles Peterson sur Brownswood Records ou Worldwide Radio – donc fin prêt à cueillir une audience -, on admire le talent sans limites de chaque membre du groupe. Virtuoses et expérimentalistes, la sensualité de leurs mélodies tisse une bulle intimiste, comme la force explosive de leurs accélérations ultra groovy. C’est une expérience intense, engageante, dont la musique vient bercer le coeur parce qu’elle vient du fond des tripes. Et parce que Rohey est aujourd’hui acclamé dans toutes ces niches nordiques spécialisées (performance au Scandinavian Soul Music Awards 2016, puis sacré meilleur talent au Jazzfest), on a de fortes raisons de penser qu’ils pourraient percer sur la scène internationale.

 

Shitkid – « We are dirty, so it gets dirty when we do stuff »

On clôture cette selection avec Shitkid, un groupe grunge suédois, dont la génitrice Åsa Söderqvist vient tout juste de sortir son « EP 2 ». Elle fuit la pop conventionnelle comme la peste, fait de la musique lo-fi avec les moyens du bord (souvent GarageBand) et a très clairement du chien. On attend avec impatience un album au courant de l’année, meanwhile on se détend sur sa discographie.

 

Le ByLarm ne peut que nous faire constater de la pluralité de la scène musicale scandinave, dominée par les indépendants. Malgré une dominante post-punk dans cet article, la grande diversité des genres représentés y est remarquable et le paysage  bien embelli par une parité à toute épreuve.

Article écrit par Laura Mikolajczak