Les premières lignes de présentation du Baléapop 10 – 1 nous emmenaient déjà vers une édition un peu spéciale, revendiquant la simplicité et l’autodérision. Le sabotage – thème de cette année donc – s’est fait à marée basse à Saint Jean de Luz, dans une forme de fête “tout en douceur”. Baleapop fait penser à une teuf entre potes bien organisée, et c’est typiquement ce genre d’ambiance “intimiste” (attention, mot compte triple dans le game du festival “à taille humaine”) qui fait tout son charme.

La première soirée est du jeudi un parcours itinérant dans Saint Jean de Luz, où une performance artistique se met en route toutes les trente minutes dans un des lieux emblématiques de la ville. Une riche idée qui permet aux nouveaux venus dans le sud-ouest de découvrir le coin tout en profitant d’un marathon musical. La soirée s’est terminée aux Halles, la scène accolée à la poissonnerie qui donnait carte blanche à Décalé avec Orsett, Eevy et Maxi Fischer, soit une ambiance garantie en disco, afrohouse et funkédélie.

baleapop beyeah 2018La sangria blanche coulait à flot, et l’on se remet doucement des effluves de la veille avec une visite de la côte basque et des plages du coin. La soirée commence aux dernières lueurs du jour dans le grand parc de la ville, tout près du collège où les organisateurs ont grandi. Deux scènes lives sont montées pour organiser la succession des concerts, ainsi qu’un mini club où des DJ sets serviront en parallèle les plus assoiffés de kicks. Nos premiers instants sur site résonnent avec le live de Black Zone Myth Chant qui sort ses disques aux Editions Gravats – comme à peu près tous les expérimentateurs intéressants du moment. Ses nappes destructurées sous fond d’incantations sataniques plongent rapidement l’oreille attentive en état d’hypnose. Il captive nos sens en éveil sans lâcher ses instruments des yeux.

Une performance qui sera suivie du projet de Wolf Muller et Niklas Wandt, où la douce mélancolie prend le dessus sur l’introspection. Un live lumineux, léger, comme une caresse du visage avec un bouquet de plumes. Apollo Noir prendra la relève entre intro ambient, montée dub techno et break electronica, dans un son flairant le trop-plein d’amour pour les synthés. On oscille ici entre du Kode9-Burial et une electronica pop-isante qui rappellerait plutôt Rone.

C’est The Muskovic Dance Band qui sera la clé de voûte de ce début de soirée, comme un regain de chaleur, de la sève qui coule le long des arbres du parc. Un batteur déchaîné est positionné au devant de la scène, comme un éclaireur. On se dandine sur leurs airs balkans avant d’enchaîner sur Insanlar, qui aspire la foule dans une transe presque chamanique, une cérémonie invoquant les esprits et une danse effrénée sur la citar de Baris K.

On débarque le samedi sur un programme chargé : d’abord, le live de Bruxas qui, quelque part entre tropical et techno, nous donne la double dose batterie + percussions pour un concert qui se balade avec aise entre un côté très funky et les plages de synthés plus sombres de Jacco Gardner.

L’un des concerts événements de cette édition est assurément celui d’Ariel Pink et sa pop flamboyante qu’on a bien l’intention de ne pas louper pour le deuxième festival consécutif. Sur le fil entre premier degré et singerie totale, les synthés, les guitares surf et la reverb à outrance font leur effet sur un public amassé devant l’une des têtes d’affiche du festival. Les guitares qui s’alourdissent sur la deuxième moitié du live et les bruits volontaires de larsens semblent quand même en dérouter plus d’un, ne sachant pas vraiment se positionner sur le sujet Ariel Pink : sérieux, pas sérieux ? Faut-il applaudir ou huer les soucis techniques ? Sont-ils même volontaires ? Bref, l‘accès au second degré musical et à la décomplexion semble plus dur à atteindre dans la pop/rock que dans l’électronique. Pour ceux qui souhaitent un semblant de réponse sur le sujet, il suffira de se déplacer sur le côté de scène où on peut aisément apercevoir Ariel poser son micro, dès lors qu’il ne chante pas dedans, sur l’une des enceintes des retours. Larsens my heart.

On passera aussi une belle partie du samedi sur la scène du Mini Club, occupée pour toute la soirée par les presque locaux (comprendre : bordelais) Theorama et Superlate. Leur set entre italo-disco lascive et dub-techno sensuelle prend facilement aux tripes. Les snares crispés d’acid et les élancées vocales tarées qui ponctuent le rythme de temps à autre font toutes deux s’abattre une vague lenawillikenesque sur la scène club, et c’est plutôt très bien comme ça.

De l’autre côté du parc, le cours de fitness endiablé de Soichi Terada enflamme cette soirée comme peu d’autres auraient su le faire. Edits disco, air guitar, reprises un brin cheap mais si belle de Kiss : il faut voir un live de Soichi pour en comprendre la communion et la bonne humeur, car l’énergie qui y est donnée et reçue reste aussi belle que difficile à décrire. La suite redescendra d’un cran avec le live plus hypnotique de Don’t DJ, qui débute dans une forme de transe calme et progressive avant de l’agrémenter d’une ribambelle de drums. Le clou du spectacle sera orchestré sur le dernier set avec OKO DJ, qui signe sans aucun doute la plus belle sélection du festival, tout en faisant s’enchaîner les transitions les plus improbables avec une facilité déconcertante.

Avant Grande Bouffe du dimanche pour apaiser les esprits et les estomacs, le reste –  l’ambiance, les rencontres et tout le cidre ingurgité – est déjà gravé dans un creux de notre esprit qui gardera en mémoire ce coin enchanteur du sud-ouest de la France. Baléalove.

baleapop beyeah 2018baleapop beyeah 2018baleapop beyeah 2018baleapop beyeah 2018Crédits Photos : Laurence Revol