Nous l’attendions de pied ferme, le sourire déjà aux lèvres et l’envie d’en découdre – en douceur et bienveillance, bien sûr – et il ne nous a pas déçus : le Baléapop #8, c’était un tourbillon de fun, de découvertes, de pas de danses (presque) assumés et, comme le répète la team Moï Moï derrière l’événement, de mucholove.
Étalé sur cinq jours dans tout Saint-Jean-de-Luz, le festival a une fois encore coché toutes les cases de la coolitude, sans forcer ni surjouer. Jugez plutôt : une programmation léchée, des lieux forts et bien pensés, une gratuité quasi-totale et, choses rare et magique, des prix décents pour se désaltérer en cidre local et déguster du lomo cinq étoiles. Combinez tout cela, et l’alchimie se fait automatiquement.
Nous arrivons à Saint-Jean (pour les intimes) le jeudi, second jour des festivités. Direction le Garden Kolektiboa, espace de co-working et de synergie créative avec vue sur mer pour un événement co-organisé avec la RBMA. À la clé, un concert de Malibu, membre du collectif TGAF (que nous avions rencontré il y a quelques temps) : un moment de douceur, planant, onirique et intime, avec le son des vagues derrière nous, et les mouettes qui s’en mêlent. Mise en jambe réussie.
Direction ensuite la célèbre place Louis XIV, coeur de la ville piétonne : le Mostla Soundsystem puis Mohamed Lamouri nous enchantent tour à tour, le second – seul sur scène, un piano/synthé posé sur l’épaule – nous offre même une reprise des Eagles et du tube de Khaled, Aïcha. Touchant et très content d’être là, Lamouri ne tarit pas de bons mots et c’est avec le sourires que nous partons pour le reste de nos pérégrinations nocturnes au parc Donibane. Le local Baleaonda nous fait groover gentiment, puis les Odei débutent leur live. Batterie, clavier et vibraphone (oui oui), ils délivrent un set proto-électro, hyper énergique, tout en longues plages instrumentales et puissantes. Une belle claque qui perdura avec le DJ set de Lovefingers.
Plage, cidre et crustacés
Le lendemain, programme chargé : une beach party, une session de la toute nouvelle Radiobalea et la première nuit dans le lieu principal, le parc Duconténia. Et en plus, il fait beau ! Nous atterrissons sur la plage de Zenitz de bonne heure, pour être sûr de ne rien manquer. La conscience professionnelle et journalistique existe encore, hein.
Baleaonda, résident du festival en quelque sorte, distille des douceurs disco aux premiers arrivés. La plage est belle, sauvage, la place ne manque pas (encore) et le bar a les pieds dans le sable. Pour le cadre idyllique, check. On se tourne vers la Radio où le thème du jour est “Fête & politique : l’illusion d’une communauté ?“, avec pour invités des acteurs du monde festivalier et musical et des journalistes spécialisés. La fête et la définition d’une communauté, idéaux voulus et obtenus, place des minorités et bien d’autres sujets encore : la discussion est levée et l’espace de réflexion le bienvenu.
Pour faire redescendre ce pic de chaleur cérébral, rien de tel qu’une sieste musicale, orchestrée ici par Judaah du collectif BFDM. Reggae et dub rebondissant nous bercent et nous cajolent, on est bien. La suite est plus énergique en la personne de Ruf Dug : électronique eighties et tropicale, disco d’autres continents et bizarreries groovy, l’anglais a commetoujours une sélection magique, et on shazame à tout va. On danse, un cidre (une des spécialités basques) à la main et les doigts de pied dans le sable, le soleil se voile un peu mais qu’importe, le moment reste doux. Mais il est déjà 19h (oui, c’est tôt) et le son s’arrête : il faut rentrer à Saint-Jean pour la suite des événements.
Nous pénétrons (avec un peu de retard) dans le Parc et ce qui frappe d’abord, c’est l’occupation de celui-ci : deux scènes disposées de part et d’autres pour ne pas se gêner, des bars à portée de main et surtout, clou du spectacle, un mini-club dans un minuscule espace, une sorte de kiosque végétal. Le highlight de la soirée reviendra à ses occupants, Musique d’apéritif : ils délivreront un set fun, ouvert et décomplexé (coucou le “I Love Rock’n’Roll” de Joan Jett) tout au long de la nuit, bien aidés par la motivation des danseurs.
Autre registre mais autre grand moment : le live attendu de Zombie Zombie. Carré mais mouvant, dansant et un peu mystique, Etienne Jaumet et ses acolytes envoûte la scène du bas – à moins que cela ne soit celle du haut – à grands coups de kicks, drums et envolées cuivrées. À noter aussi le groove chamanique de Mdou Moctar, musicien touareg bondissant, l’expérimentation maximaliste de Lorenzo Senni et le set tout voile dehors de Yann Eras, qui conclura avec énergie cette première nuit principale.
Plage, cidre et crustacés (bis)
Le lendemain, les organismes sont un peu plus fatigués qu’ils ne l’étaient hier mais qu’importe, le cool n’attend pas. On prend (presque) les mêmes et on recommence, à notre plus grande joie : Radiobalea nous enchante l’esprit et les oreilles grâce au micro-live de Buvette – qui sera d’ailleurs aussi aperçu derrière le bar, délivrant des bières avec le sourire – Radial puis Epsilove, moitié de Syracuse , font gentiment chalouper les festivaliers, nous compris, sur le même sable. Puis déboule le grand Daniele Baldelli, pilier voir pionner de l’italo-disco option cosmique, tantôt vaporeuse, tantôt plus frontale. L’après-midi a filé comme une comète, c’est le fâcheux moment du retour – vite effacé à l’idée d’une nouvelle nuit au Parc Duconténia.
On s’y sent bien, comme un habitué ou un intime qui retrouve son terrain de jeu favori. L’occasion de déambuler un peu plus et d’apprécier la programmation artistique de cette édition : l’installation Folie For A Song des architectes Sébastien Martinez-Barat et Benjamin Lafore, les performances & vidéos de Karim Forlin, Hoël Duret et des étudiants de l’EBABX (École des Beaux-Arts de Bordeaux). Une parenthèse singulière et inattendue, là où les autres festivals se contentent de prévoir un “coin chill”. Baléapop n’est pas comme les autres, vous l’aurez compris.
Mais la musique nous rattrape vite : les Vanishing Twin viennent de monter sur scène pour nous envoûter. La pop exotico-barrée, planante et tribale des londoniens fait mouche et ouvre parfaitement le reste. Le reste, c’est l’annulation de Don’t Dj – qui a loupé son avion – remplacé au pied levé par Étienne Jaumet. Un ascenseur émotionnel, tant ce remplacement inespéré vaut le coup. Si la logique de groupe et de “dancefloor” est présente chez Zombie Zombie, Jaumet en solo laisse éclater sa folie douce, ses machines folles et ses expérimentations claudiquantes mais dansantes. On sort de cette performance un peu étourdis et heureux, avant d’aller affronter la légende A Certain Ratio : groove froid venu du nord de l’Angleterre, voix métallique mais basse sautillante : le groupe a toujours multiplié les contrastes pour mieux servir sa musique. Et ils ne décevront pas cette fois non plus.
La suite est un torrent de beat bien ciselés : Juju & Jordash puis Puzupuzu ont incendié les scènes, le public et nos jambes. Il n’est même pas 2h que nous abdiquons.
La Grande Bouffe pour grande après-midi
Dimanche, nous voici au bout du chemin et de cette longue semaine de festivités au bord de l’eau. Mais ce n’est pas encore l’heure de dire au revoir, non non. Il reste ce qui restera le point d’orgue de cette huitième édition de Baleapop : la Grande Bouffe. Le principe est très simple : des immenses tablées, de la nourriture (locale) fournie en continu et du vin (local lui aussi). Ajoutez un soupçon de musique – les Sheitan Brothers – et vous obtenez un grand moment de fun, de “il fait bon vivre ici dis-donc” et de convivialité. Même la pluie, qui a décidé de se montrer à la fin du repas ne refroidira pas les intentions. Rizan Sa’id puis les Alma Negra jèteront toutes leurs cartouches dans la bataille – dont ce formidable remix d’Adam Port, entendu maintes fois tout au long du week-end – pour finir par l’emporter face à l’humidité. La pluie 0 – 1 Les gens.
Baléapop, milesker et à l’année prochaine ?
Crédits photos : Rémy Golinelli