Crédit photos : Mauro Melis.

Lundi 6 octobre, 19h30. La pluie s’abat sur le 13ème arrondissement de Paris. Il y a du vent, il fait froid, je suis trempé, mais j’en ai plus rien à cirer. Ce soir, je vais voir We Were Promised Jetpacks dans la cale d’un bateau. Le temps de fumer une petite clope, puis je monte à bord. C’est la première fois que je vais au Batofar, ce qui rend ma vision du lieu et de l’événement totalement objective. Je n’ai aucune idée de la qualité sonore de la salle, je ne connais pas le public ni le goût de leur bière. Je suis dans l’inconnu. Tout ce que je peux affirmer, c’est que la tête d’affiche de ce soir est connue pour ses lives survoltés. Quant à la première partie, les écossais de Fatherson, j’ai vaguement entendu parlé d’eux mais rien de bien concret. Après avoir commandé un godet et m’être calé contre un poteau, le show commence…

Fatherson : la surprise

Sorti en mai dernier, leur premier album “I Am An Island” présente un condensé de rock alternatif nerveux et d’indie rock à tendance chevaleresque. A titre d’exemple, le carton du groupe “Mine For Me” est un mélange de testostérone à la Biffy Clyro et un songrwriting touchant proche de celui de Coldplay période X&Y, quand Chris Martin ne chialait pas encore sur sa rupture. Leurs compositions sont donc à la fois très rock, très enivrantes et extrêmement travaillées (on pense à un “I Like Not Knowing” ou “An Island”). Avec des morceaux comme ceux-là, le groupe signe sur le petit label indé A Modern Way Recordings et gagne très vite ses galons pour faire la première partie de Frightened Rabbit, Feeder ou encore Twin Atlantic.

Le professionnalisme de ces mecs m’a frappé instantanément. On est loin des groupes français qui débarquent nonchalamment sur scène avec l’air de s’en tamponner complet. Les écossais entament leur set avec une intro relativement calme qui monte crescendo avant de laisser place à un refrain tonitruant. Pas de doute, ce groupe fait du rock à guitare et ça fait plaisir ! On accroche très vite, le son est de qualité, mais reste très bourrin et sans trop de fioritures. Les boys savent gérer leurs amplis et l’ingé son a fait un travail d’orfèvre en gérant la table. La qualité studio est là, mais en mieux, en plus touchant.

La voix de Ross, frontman imposant à la barbe bien touffue, s’empare petit à petit du public. Entre son rack d’effets, la coque du bateau et son synthé, Chris le claviériste est relativement serré, ce qui ne l’empêche pas de sauter un peu partout. De son côté, Marc balance ses lignes de basses au son très métallique et se tape même un petit headbanging au rythme de la batterie. Pire encore, il se rapproche fréquemment du public en posant le pied sur l’enceinte de retour. Gros souci pour le quartet, l’estrade est bien trop petite ce qui les empêchent de livrer un live à la hauteur de leur prestance scénique. Et c’est bien dommage, parce qu’ils étaient en forme. La tournée semble ne pas les avoir fatigués, étonnant pour un groupe qui a visité l’Irlande, les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse avant de débarquer en France, le tout en seulement deux semaines.

Avant d’envoyer “An Island”, Ross Leighton, à l’aise sur scène, n’hésite pas à blaguer, faisant le parallèle entre le titre du morceau et le fait qu’on se trouve sur un bateau. Drôles, humbles et simples, les gars de Fatherson nous ont fait passer un super bon moment. Le seul défaut majeur qu’on peut trouver à leur album, c’est la production. Les morceaux sont « trop » bien produits. Tout est trop propret, des voix aux guitares en passant par les parties rythmiques, ce qui dénature un peu l’appartenance du groupe au rock alternatif, caractérisé par un emploi massif d’effets qui rendent la musique un tantinet agressive, rauque (pas de jeu de mot). Sous les applaudissements du public, je me retourne et constate que le nombre de présents a considérablement augmenté. En l’espace d’une demi-heure, un set relativement court donc, nous ne sommes plus 30 mais approximativement une centaine. La prestation du groupe a tellement accaparé mon attention que je n’ai même pas remarqué mon entourage s’étendre petit à petit. 20h30, Fatherson quitte la scène et tout le monde s’accorde une pause avant le moment tant attendu…

We Were Promised Jetpacks : à l’abordage

Mon excitation décuple à l’idée de voir l’un des groupes indie rock en qui je crois le plus, même si la scène australienne a tout pour faire subsister le genre. Il doit être à peu près 21h et le quintet écossais monte sur scène, tandis que la foule siffle, crie et frappe dans ses mains pour exprimer sa joie. Grand moment pour le public mais aussi grand moment pour le groupe qui vient tout juste de sortir son troisième album Unravelling sur FatCat Records, label connu pour avoir découvert Sigur Rós ou encore Animal Collective.

La bande ouvre son set avec “I Keep It Composed”. Rien de bien exceptionnel à commencer un set avec un single. On salue toutefois la logique créative du groupe, cette mécanique lui permettant de rester cohérent avec sa première partie qui débutait le spectacle avec une montée crescendo. Malin.

Dans l’ensemble, tout le monde en prend plein la tronche. La musique de We Were Promised Jetpacks est cadencée. Les titres du nouvel album s’enchainent un à un. Au détour d’un « How You Doin’ ? » débarque LE tube du groupe, “Quiet Little Voices”. Il ne suffit que d’une note au frontman, Adam Thompson, pour enflammer la salle, qui entre temps s’est remplie. Certains secouent la tête, d’autres sautent carrément en face de la scène en chantant le refrain en chœur. Et nous ne sommes pas les seuls à être chauds. Le groupe se donne aussi sur scène.

Quintet oblige, le matos de Fatherson en moins laisse de la place aux gars d’Edimbourg qui suent à grandes gouttes. Le jeu de lumière n’est pas trop agressif, au contraire des guitares qui s’animent, surtout sur des titres comme “Disconnecting”, “It’s Thunder And It’s Lightning” et “Peace Sign”. Pendant “Ricochet”, je m’attarde quelques instants sur Darren Lackie qui doit terriblement souffrir derrière les fûts. Il faut dire que le bonhomme massacre ses cymbales.

L’écran numérique derrière présente une animation en parfait accord avec la musique. Des sortes de kaléidoscopes bicolores oscillent derrière le batteur. En parallèle, la gratte de Michael Palmer délivre un son relativement aérien en grattant ses cordes à répétition, façon Johnny Greenwood (Radiohead) et Russell Lissack (Bloc Party). Entre le son et l’image, la foule a de quoi se laisser emporter, et c’est le cas. Outre le son du Batofar dont je faisais l’éloge précédemment, la qualité visuelle de la prestation aura été au rendez-vous. Après un rappel de 15 minutes, We Were Promised Jetpacks remercie ses fans. Et ces derniers – moi y compris – leur rendent bien. Après un set d’une heure, le groupe quitte la scène.

WWPJ foule le sol de la salle immédiatement après le show et file en hâte vers l’espace du merch pour rencontrer le public. Autographes, photos, échanges de quelques mots, les mecs sont vraiment dédiés à leurs fans et ne prennent pas un seul moment de répit. Le sourire aux lèvres, encore en nage, Adam Thompson et Darren Lackie se montrent super sympas. Mon vinyle signé, mon t-shirt dans le sac, je termine ma bière au bar avec les Fatherson. Je quitte finalement le Batofar après avoir assisté au meilleur concert de la rentrée. Le naufrage sur la Seine a été esquivé de peu, et pourtant, mes oreilles se sont tout de même noyées.

Audio : We Were Promised Jetpacks – I Keep It Composed

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Audio : Fatherson – James

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