À la différence du septième art dont elles découlent, les séries possèdent ce caractère si persuasif sur notre personne que nombreux spectateurs pratiquent le marathon télévisuel avec hargne. Cette recherche d’évasion éphémère du quotidien en profitant d’une ou plusieurs fictions tient souvent d’éléments foncièrement visuels. Un casting bien monté duquel descend le jeu des acteurs, les scénarios rondement ficelés et des mises en scènes à couper le souffle parviennent déjà à eux seuls à nous emporter loin de la réalité. Pourtant, plusieurs franchises obtiennent également leur notoriété grâce à leurs thèmes musicaux à la fois uniques et grandiloquents. Des blockbusters comme Le Seigneur des Anneaux ou Star Wars en passant par Game Of Thrones, la musique capitalise sur notre audition aiguisée pour nous transporter dans un univers onirique. Les séries consistent souvent en des divertissements salués, mais aussi en des formes didactiques qui poussent à l’introspection (on pense notamment à la dimension éducative des mangas japonais). Nombreuses sont les séries dramatiques à présenter un tel programme culturel mais dernièrement, seule une s’est montrée à la fois historique, divertissante et analytique : Vikings. Malgré son palmarès conséquent et ses nombreux prix récoltés pour ses bandes originales dans le jeu vidéo, le cinéma ou les séries, Trevor Morris est un compositeur et musicien relativement méconnu du public européen qui mérite pourtant les louanges des téléspectateurs.
Trevor Morris : compositeur polyvalent
Dès son plus jeune âge, le Canadien peut apercevoir son destin se dessiner. À 13 ans seulement, son école le charge de composer une pièce orchestrale pour la venue du Pape Jean-Paul II. Tout au long de son cursus scolaire et universitaire orienté sur l’industrie et les arts musicaux, il enchaine les succès, des diplômes au titre de major de promotion. Il commence ensuite à composer à plein temps des scores pour des publicités. Le format court ne lui convient pas et Morris voit les choses en grand. 1999 pointe le bout de son nez et souhaitant illustrer ses idées musicales sur des temps longs, il s’attèle à la tâche pour des séries télévisées et plus tard des films en déménageant à Los Angeles. S’acoquinant avec des grands noms du genre comme James Newton Howard (Pretty Woman, Les Insurgés, Collatéral, Hunger Games) mais surtout le maitre à penser Hans Zimmer (Gladiator, La Chute Du Faucon Noir, Inception, Interstellar), Trevor Morris amasse plus de 25 crédits sur des succès hollywoodiens. Signés sur la structure de Zimmer nommée Remote Control Productions, la machine Morris est lancée. Actif autant dans le jeu vidéo (Dragon Age, Need For Speed, Command & Conquer, SimCity, Army of Two) que dans le cinéma (Rancid, La Colline à des Yeux 2, Pirate des Caraïbes, Les Immortels), Trevor Morris est surtout connu pour sa participation musicale pour des séries (The Tudors, The Borgias). C’est pourtant Vikings qui lui rapporte la couronne.
Vikings : l’histoire de Ragnar Lothbrok en musique
Narrant les aventures du héros légendaire Ragnar Lothbrok et ses pillages européens, Vikings n’est pas une simple série se basant sur des faits historiques. Ce divertissement moyenâgeux comporte de nombreuses dimensions vouées à éduquer le jeune spectateur ou à rappeler certains concepts immuables au bingewatcher le plus assidu. “Que fait un homme ?” dit le héros à son jeune fils, qui lui rétorque “Il se bat, et il protège sa famille”. Recontextualisés, les dialogues démontrent l’écart entre la société nordique des années 900 et la dynamique sociale actuelle que nous suivons au quotidien. Mais certains illustrent également les similarités entre nos deux cultures malgré le fossé entre les deux périodes. Chaque personnage de cette série possède un caractère propre, une histoire particulière, un cheminement de réflexion unique et un destin isolé. Loin de s’attarder uniquement sur l’illustration sonore des décors scandinaves de Kattegat ou des campagnes anglaises de Northumbrie, qu’il s’agisse de moments calmes ou de batailles sanglantes, Trevor Morris rythme harmonieusement chaque scène, chaque parcelle de terrain foulée par les héros et chaque faciès de ces derniers, transposant ainsi chaque mouvement et image en son.
Tension palpable dictée par les chants religieux de prêtres (« War Is Coming»), suspens maintenu par des beats électroniques cadencés et les sonorités boisés d’instruments tribaux (« Earl Accepts The Challenge »), les moments clés du programme se voient mis en avant de manière captivante. Culture geek et heroic fantasy obliges, les personnages possèdent eux aussi leurs propres thèmes musicaux. Rancœur, rage et fraternité mises au défi (« Battle Of Brothers »), harmonie paisible et mélancolique sur fond de violon (« Ragnar Says Goodbye To Gyda ») ou destin irrémédiable bercé par des voix lyriques et des nappes synthétiques sous-jacentes (« Porrun’s Metaphorical Swim »), la série s’octroie un rythme tangible entre accalmie et effervescence selon les agissements des protagonistes. Véritablement, Trevor Morris donne vie aux agissements de ces derniers avec ses compositions aussi tenaces qu’hypnotiques en mêlant habilement sonorités électroniques et instrumentations orchestrales. Mariés assidument avec l’image, ces thèmes mélodiques et atmosphériques tantôt moroses, haletants et assoupissants contribuent à une immersion totale dans cet univers au sein duquel nous souhaitons irrémédiablement rentrer de corps et d’esprit.
Finalement, Trevor Morris ne se charge pas uniquement de mettre Vikings en musique. Il produit une expérience télévisuelle sans précédent qui force le spectateur à mettre à contribution ses sens les plus affutés. Le meilleur concurrent de la série originale d’History, Game Of Thrones, joue parfaitement sur son synopsis alambiqué et sur une multitude de héros manoeuvrant avec tempérance les différents complots et stratagèmes. En parallèle, Vikings dépeint de façon prodigieuse un équilibre entre scènes d’actions épiques et intrigues scénaristiques palpitantes. Le tout mené des mains de maitres par Trevor Morris qui produit un travail artistique digne des plus grands chefs d’orchestre s’illustrant sur des œuvres aussi chevaleresques que pointilleuse. Une chose est sûre, Trevor Morris n’a pas fini de sous surprendre et de nous épater.
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