Voilà une sortie à côté de laquelle on était passé. Mais comme il n’est jamais trop tard pour se rattraper, on vous décortique aujourd’hui ce petit bijou d’électronique qu’est Alpe Lusia, dernier album de l’allemand Stimming.

Recrue incongrue du label de Solomun, l’Hambourgeois nous avait habitué à une house plus classique et à un minimalisme qu’on sent toujours poindre sur Alpe Lusia, mais cette fois teinté d’une fraicheur qui faisait défaut à ses précédentes sorties. Et puisque chaque titre de cet album recèle quelques trésors cachés, on a décidé de vous l’émincer track par track.

L’album commence sur un banger atmosphérique – si tant est qu’un tel titre puisse exister. Avec ses notes synthétiques qui accompagnent le flot d’une rivière sur une longue plage d’intro, Prepare déverse une texture dense et organique, à l’atmosphère minérale jusqu’au bout des algues. Comme son titre le laisse deviner, Prepare annonce le cadre de l’album, crée dans la solitude complète d’un coin reclus des Alpes italiennes.

La seconde track Pressing Plant aborde les horizons d’une ambient techno qui réussit à prendre des deux mondes en condensant une patte contemplatrice dans un écrin club, créant un bijou remixable à toutes sauces.

Trains Of Hope prend le wagon en marche avec ses sons de cloches superposés sur des beats, nouant les séquences instrumentales à une piste deep house. Force est d’ailleurs mentionner que Stimming maîtrise violon, batterie et piano depuis l’âge de dix ans, son sens des harmonies résonnant nettement sur l’ensemble de l’album.

La piste suivante, Parking Lot, sonne comme une interlude de percus, usant de celles-ci comme seul instrument pour les malmener d’une oreille à l’autre. L’emphase est faite sur ce back & forth classique mais pas moins salutaire, qui encercle l’auditeur dans un irrépressible roulement tambouresque. Écoute au casque plus que recommandée.

22 Degree Halo retrouve les racines d’une micro house chère au producteur allemand, et prouve la tendance épileptique de l’album à opter ça et là pour les directions qu’il lui plaise. Mais plus que d’autres, cette piste offre peut-être l’essence d’Alpe Lusia : un son qui s’appuie sur les instruments et nappes de synthés, modulés en touches subtiles et insertions de breaks inattendus. C’est d’ailleurs là, sur un cut de coeurs ecclésiastiques qui abrège six minutes de lente construction, qu’on commence à sentir les heures d’intense réflexion au sommet des Alpes.

Et puis arrive la track centrale l’album, celle que vous avez sûrement entendu dans plusieurs sets house cet été : For My Better Half, qui vaut bien son détour effectif sur le dancefloor. La balance entre organique et modulaire y atteint son paroxysme,  et le beat se superpose à des tintements de cloches et de brèves apparitions de trompette essoufflée, délibérément laissée en arrière plan. On croit aussi entendre quelques touches de harpe entre les craquements. Les premiers susurrements de voix se pointent au premier tiers du morceau mais restent inintelligibles jusqu’à l’arrivée en force du refrain, qui nous scande un « Cause I miss you / and I long for you » simpliste mais efficace.

Prenant la suite, Symphorine marque le coup avec un titre qu’on imagine aisément en club sans que beaucoup de retouches n’y soient nécessaires. La magie semi-house, semi-instrumentale que Stimming démontrait sur ses précédentes tracks affiche ici son meilleur appel dansant. Et, en y ajoutant deux-trois effets, peut accorder quelques minutes de paix au DJ n’ayant pas délaissé son booth depuis plusieurs heures.

Tanz für Drei, seule piste de l’album au titre germanophone, attaque en conséquence : sans phase d’introduction, les drums et le beat débarquent dans les tympans et insistent un bon moment sur une même tonalité, avant d’être aérés d’un jeu de piano qui finit par se mêler à la mixture. On a d’ailleurs rarement entendu des gammes tant en phase avec un beat, et c’est ce qui donne au morceau son côté jouissif : chaque élément prenant part à la production est en phase avec les autres. L’ami google nous indique que le nom de la piste signifie “danse pour trois” en allemand, et on ne peut que confirmer que son trio dominant de percus, beat et piano y est partenaire de joie.

Approchant la fin, Saibot offre une densité taillée pour les scènes, qu’on imagine très bien en fond sonore de festival sudiste tant sa lente progression ensoleillée est taillée pour la saison.

La piste finale Alpe Lusia vient achever l’album avec l’entrée d’un instrument cher au producteur, le violon. Sur des coeurs de voix en échos et des touches synthétiques escortant le chant des cordes, la track s’amène en apogée finale. Conclusion épicentrique de l’album, Alpe Lusia est le coeur d’un projet où une électronique organique mène la dure médiation entre introspection et expérimentation.

 

Bonus : le teaser épique (et un peu cliché) de Dyinamic Music