Le temps d’un weekend nous sommes allés nous rafraichir d’Estrella bon marché du côté de Barcelone, à la rencontre de l’incontournable festival Sónar. Sévissant depuis 1994, le Sonar a été depuis ses débuts à la pointe de l’innovation artistique en matière de programmation. En ayant vu beaucoup de performances et d’actes fous, voici une petite sélection de nos immanquables.

J.E.T.S

jets

J.E.T.S, c’est la fusion entre la house futuriste et acide de Jimmy Edgar, et le hip-hop expérimental de Machinedrum. Le duo américain avait sorti un EP il y a deux mois, « The Chants » (Ultramajic), contenant quatre titres qui nous avaient fortement intrigués :

« Notre idée était de créer un tout nouvel environnement sonore, dans lequel nous pouvions travailler conjointement. Cette sortie nous a permis d’explorer le fondement même de notre création. »

Comment aurait-on pu imaginer, sans aucune écoute préalable, que ces deux forces créatrices allaient produire un tel résultat ? Bien sûr, ce n’est pas à l’écoute de seulement quatre morceaux qu’on pourrait se faire un avis tranché sur cette nouvelle formation, mais nous pouvons vous dire que c’est prometteur pour la suite (on l’espère).

C’est sous un soleil tapant le premier jour du festival, que nous voyons les deux compères à l’œuvre. Ils avaient une bonne heure pour convaincre l’assemblée, il ne leur a pas fallu plus d’une vingtaine de minutes pour asseoir leur univers. On s’attendait à un live des plus simples, bourré de contrôleurs (médisants nous sommes), mais c’est à la vue d’une Roland TR-08 et de quelques oscillateurs qu’on a sourit. « The Chants » était bel et bien un tout petit aperçu de ce que le duo est capable d’envoyer sur scène. La parfaite alchimie entre une base hip-hop futuriste, teintée de lignes de synth pop, le tout conduit par des rythmes variant entre footwork, trap, ou house. Chapeau Sonar, 19h un premier jour était pile le bon moment pour un live comme celui-ci.

Arca & Jesse Canda

arca

On était sceptiques, on n’avait pas envie de quitter le soleil pour se plonger dans un Sonar Hall sombre et suintant en plein après-midi. Bref, on y est allé en traînant des pieds. Il restait en nous la simple envie de voir quelqu’un rendre une performance qui avait des chances de nous interloquer.

Le Vénézuélien Arca est l’auteur d’une musique à ambiance inquiétante, sombre, déconstruite, saccadée, et surtout de quelques clips qui viennent confirmer l’univers artistique. Des corps désarticulés qui dansent, des ombres de créatures angoissantes… Ces images et ombres reviennent sans cesse dans ses clips. Comme si nous vivions un mauvais cauchemar, en étant dans le même temps très attirés et happés par ces formes mouvantes.

Ce live, ou plutôt cette performance est une sacrée expérience. On retrouve tout l’univers d’Arca grandeur nature avec ses accords menaçants, les projections de corps étranges et de créatures déchainées. Arca n’est pas simplement resté derrière ses machines, mais a été très présent et vivait pleinement ce moment et sa performance, accompagnant les mouvements des créatures projetées. Une atmosphère immersive que l’on doit aussi à son collègue Jesse Kanda, également réalisateur de ses clips, mais aussi de la fabuleuse pochette du LP-1 de FKA Twigs. (d’ailleurs, devinez qui a produit quelques sons de ce LP1.).

Hudson Mohawke

Sonar hudsonmo

La première nuit reste pour nous sous le signe du hip-hop expérimental et du sample californien. À ce propos, le glaswegien Hudson Mohawke est un maître dans cet exercice. On a voulu voir ce que donnait en live son dernier album sorti il y a quelques mois, « Lantern » (LuckyMe), un bon standard trap de l’année 2015.

Le live est empli de drum machines, (respect des bonnes mœurs du hip-hop oblige), mais HudMo n’est pas seul sur scène : deux batteurs à sa droite et à sa gauche s’occuperont de faire rythmer les basses. Kicks, snares et hit-hat : tout y passe. Le niveau des batteurs n’est pas à pleurer, d’autant plus que ce style demande une certaine rigueur, surtout quand on sait qu’Hudson envoie dans certains de ses morceaux une vingtaine de coups de snares à la seconde.

Tiens ? Ne serait-ce pas le début d’un morceau de TNGHT qu’on entendrait ? Back to basics comme on dit, Hudson Mohawke interprète aussi quelques morceaux de son ancien duo avec Lunice. Comme il avait annoncé il y a quelques temps « quand les gens qui m’ont connu sous mon projet TNGHT entendrons « Lantern », ils détesteront ça ! » Il faut bien contenter tout le monde donc, et ces quelques morceaux seront très bien accueillis.

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Sophie

Sonar festival 2015 sophie

Cela faisait longtemps qu’on voulait voir d’une part à quoi ressemblait Sophie, et d’autre part comment sonnerait son live, interprété autrement que sur deux platines CD. Sophie est tout un (ou une, c’est vous qui voyez) personnage. Bubble-trap-dance music, le terme n’est pas vraiment définissable, mais du moins c’est quelque chose de très innovant. De même que la prestance scénique et le personnage créé tout autour.

Dans le noir pendant tout le long (on ne veut pas trop montrer le visible), Sophie a fait un live très pop, dance, et qui a plu à tout le monde. Le souci, c’est qu’il n’y avait pas grande foule pour une 3e scène de nuit, Sonar Lab, seulement des fans du projet. Le concert était donc en parfaite intimité et tout le monde était dedans.

Surprise ! Sa copine QT (du même collectif PC Music et Nmbrs) monte sur scène pour le dernier morceau et interprète le petit tube « Hey QT ». Parfait moment de bonheur pour tous les fans qui ne s’attendaient pas à ce featuring girly bienvenu.

Tiga

tiga

Si on est resté sur la même scène pendant une bonne partie de la première nuit, c’est qu’elle a été construite avec une cohérence implacable. À 2h, place au live de Tiga. Le personnage québécois qui a su faire de la new wave une base pour sa musique pop et clash est sur scène, accompagné de deux instrumentistes, pour un live des plus pro. Des synths, une voix grave et sérieuse mais d’humeur libertine, des accords que l’on connaît bien, et surtout de bonnes projections à l’arrière, sur un double fond dont un fait d’un store vénitien. Autant vous dire que ça danse et ça chante dans le public, notamment sur son dernier tube « one hundred » réalisé avec Boys Noize.

Flying Lotus

Flying Lotus live sonar

Ce qu’on avait envie de voir par dessus tout, c’était évidemment le nouveau live de Flying Lotus. Et ce fut de haut niveau. Enfermé dans un cube mappé entièrement de vidéos les plus psychédéliques et enchainements démoniaques, le ton est donné : hip-hop abstrait, IDM, mais aussi groove, jazz, et liberté.

Le live ne s’est pas limité à redécouvrir le dernier album jazzy de FLyLo sur scène, mais plutôt de parcourir des moments clés de sa discographie, tous choisis méticuleusement. Bien que Steven Ellison (de son vrai nom) ait composé énormément de choses et de styles différents, ce panorama qu’il nous a offert était d’une cohérence affligeante. De rythmes sombres à quelques de ses bon vieux samples hip-hop, en passant par des transitions tout droit venues de l’espace, Flying Lotus s’est même offert en MC pendant quelques morceaux.

«  Hey Barcelona ! Vous savez, je ne passe pas souvent à Barcelone. Mais j’en garde des souvenirs incroyables quand je venais rapper en tant que Captain Murphy, il y a longtemps.»

Et voilà comment Flying Lotus s’est transformé en Captain Murphy en une phrase et quelques samples, de quoi rendre encore plus folle son assemblée. Et on peut vous dire qu’il possède autant de talent dans le rap game. Si Flying Lotus se retrouve dans le line up d’un de votre festival favori, foncez, vous ne le regrettez pas.

Les autres moments phares du Sonar

A côté de nos coups de cœur, beaucoup d’autres artistes nous ont fait vibrer : on a pu danser notamment sur les rythmes très frais de Kasper Bjorke, pris plein la vue lors du live incroyable d’Autechre (Indescriptible d’ailleurs, le meilleur moyen de se faire une idée est de le vivre), se déhancher sur le violon d’Owen Pallett, essayer d’attraper quelques dollars après le concert d’A$AP Rocky, faire une vraie fête sur le concert des Die Antwoord, reprendre une claque sur Hot Chip, faire un peu de twerk pendant le dj set d’RL Grime, monter dans les airs grâce à Jamie XX, redescendre en eau profonde avec Daniel Avery, se prendre au passage quelques vagues d’acide par Erol Alkan, et remonter planer un bon coup pour le live assez touchant de Kiasmos. Et par dessus tout, vivre une rave à l’ancienne pendant le show infatigable des Chemicals Brothers.

Sonar +D

Le Sónar Festival possède aussi une face B, appelée Sonar+D. Cet événement d’envergure réunit de nombreuses conférences, débats, animations, workshops, qui lévitent autour de la créativité artistique. Le +D concentre tous les acteurs de la création artistique et des nouvelles technologies la permettant, et le programme est accessible pour tout festivalier ! On a pu par exemple aller errer dans plusieurs univers parallèles grâce à l’Oculus Rift, mixer sur la toute dernière Rane MP2015, jouer sur le clavier mythique OSCar de Jean Michel Jarre, et expérimenter d’autres façons de faire de la musique ou de la vidéo, grâce à l’aide de petits génies et leurs startups venues présenter de toutes nouvelles inventions à cette occasion.

IR BCN

On retiendra aussi l’IR BCN, une série d’événements qui a lieu juste à côté du Sonar, dans le monastère du célèbre Poble Espanyol. Et forcément nous y sommes passés pour quelques heures. L’IR adore inviter les labels et les amis de leurs amis. Hivern Discs, Pampa Records, Dekmantel, Resident Advisor, et même une Boiler Room en guise de clôture dominicale : ambiance chaleureuse et intimiste assurée, aux côtés de John Talabot, Jamie XX, Ben Klock, Erol Alkan, Gerd Janson, Nina Kraviz, Dixon, et bien d’autres.

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