Nous évoquions le cas de l’anglaise Jessie Ware il y a peu, soulignant l’importance de la production lorsqu’il est question d’innover – c’est donc sur le cas de SBTRKT (et fidèle allié de Ware) que nous souhaitons nous pencher à présent. Sorti début octobre chez Young Turks, Wonder Where We Land marque le retour attendu d’un des principaux acteurs de la scène électronique londonienne. Il plaçait la barre très haut sur son premier album éponyme, oeuvre qui a permis la mise en lumière du potentiel d’un bataillon d’artistes émergents tels que Sampha, Little Dragon et Jessie Ware donc. Pour beaucoup d’entre nous, il s’agit d’un album riche en souvenirs d’escapades nocturnes : la liesse des pistes de danse sur “Right Thing to Do“, en passant par la mélancolie douce amère de “Something Goes Right” jusqu’à la moiteur de “Wildfire” (sur lequel le timbre de Yukimi Nagano atteint des sommets de sensualité), ce premier album posait les bases d’une musique soul et synthétique à l’humeur (extrêmement) variable.

Ces fluctuations étaient dues, entre autres, aux empreintes différentes laissées par chacun des artistes invité sur SBTRKT. Non seulement Wonder Where We Land s’articule également autour de ces collaborations, mais elles en sont même la pierre angulaire. Poussant à l’extrême le principe de coentreprise musicale, SBTRKT imprègne son album de l’ADN de chacun des invités qu’il a ingénieusement sélectionné. Ezra Koenig et son falsetto virevoltant fait des merveilles sur  “New York, New Dorp” (assurément l’un des sommets pop de 2014) et Denai Moore ensorcelle sur la ténébreuse “The Light”. On note aussi qu’il va falloir surveiller de très près Raury, qui contraste nonchalance et vélocité sur l’imposante “Higher”. A mi-chemin de l’album, c’est le chant sirénique de Caroline Polachek qui nous attire vers les profondeurs de “Look Away”.

Et à côté de tous ces guests prestigieux, il y a Sampha. On ne se remet toujours pas de la charge émotionnelle contenue dans son timbre granuleux qui éclaire la sautillante “Gon Stay” ou encore l’intimiste “If It Happens”. A l’écoute de ce second opus,  on se dit que les talents d’Aaron Jérome peuvent être comparés à ceux d’un maestro; très habile quand il s’agit d’unifier une multitude de sonorités et d’univers différents. On se souvient alors aussi que SBTRKT a contribué à l’essor de cette fusion architecturale entre  le R&B/soul et le dancefloor, cette même tendance qui a envahi la scène pop anglaise au cours des dernières années.

Cet album imaginé comme un concept collaboratif permet à Aaron James de tirer finement son épingle du jeu. En ayant recours aux mêmes moyens que sur son projet initial, il parvient à produire un bel objet de pop hybride et éclairée. A l’heure des bilans de fin d’année, nous ne manquerons pas de revenir sur Wonder Where We Land car il synthétise très justement tout ce qu’on aimerait retrouver plus souvent dans un album d’electro-pop en 2014 : une production impeccable, une esthétique singulière et cohésive, ainsi qu’une subtile touche d’expérimentation. Hautement recommandable.

Tracklisting SBTRKT – Wonder Where We Land (Deluxe Edition)

1. Day 1
2. Wonder Where We Land (Feat. Sampha)
3. Lantern
4. Higher (Feat. Raury)
5. Day 5
6. Look Away (Feat. Caroline Polachek)
7. Osea (Feat. Koreless)
8. Temporary View (Feat. Sampha)
9. New Dorp. New York (Feat. Ezra Koenig)
10. Everybody Knows
11. Problem (Solved)” (Feat. Jessie Ware)
12. If It Happens (Feat. Sampha)
13. Gon Stay (Feat: Sampha)
14. The Light (Feat. Denai Moore)
15. Voices in My Head (Feat. ASAP Ferg & Warpaint)

SBTRKT – Wonder Where We Land

crédit photo : Nikola Lamburov