Comment pourrait-on définir le son latin ? Pour nombre d’occidentaux, cela se résumerait à l’utilisation de certains instruments « exotiques ». Et c’est bien là le problème. Comprendre le son latin, c’est changer de perspective sur la musique. Les tessitures ne sont rien sans les structures.

C’est dans cette optique que nous nous sommes rendus au RBMA Bass Camp à Santiago, capitale du Chili. Durant un weekend, les artistes électroniques les plus influents d’Amérique Latine se sont donnés rendez-vous dans une ville à l’ébullition culturelle sans égale sur le continent. Petite topographie des lieux, compte-rendu des concerts et présentation des visages que vous découvrirez sur Beyeah dans les prochaines semaines.

 

Le Chili, porte culturelle de l’Europe en Amérique du Sud

Pour bien aborder notre série d’articles et portraits en paysages andins, des bases en géographie culturelle peuvent être les bienvenus : le Chili est un des pays les plus développés d’Amérique Latine, avec l’Argentine. Contrairement à cette dernière, le Chili a fait le choix d’une ouverture libérale économique et culturelle importante face à l’Occident. C’est donc principalement à Santiago que vous pourrez voir des minorités sexuelles et une communauté hipster dans les rues.

Buenos Aires a longtemps été considérée comme la capitale nocturne du continent. Mais si la capitale argentine a certes fait preuve d’une diversité culturelle sans égale, son statut de place forte électronique a été confisqué par Santiago. Pour finir, l’étoile montante au niveau culturel est sans aucun doute Lima. Bien que la capitale du Pérou soit beaucoup moins développée que ses confrères et qu’elle rayonne par son côté bordélique, de nombreux artistes s’y sont installés dans les cinq dernières années. Et de nombreux classements dans les magazines spécialisés lui prédisent un avenir radieux.

Red Bull Bass Camp Santiago
© Beyeah. Street-art photographié à coté des studios Red Bull à Santiago, installés temporairement à Nave, un complexe de danse moderne qui accueille les différentes conférences et autres workshops du Bass Camp.

 

Encuentro en los Andes, un concert en open-air

Un des éléments déterminants de la patte latine est une valorisation plus importante de l’aspect communicatif et dansant de la musique. La musique n’est pas abordée comme un médium introspectif mais bien de partage, dans un environnement aérien. La simplicité rythmique occidentale est ici déconstruite pour faire place à une diversité plus importante.

James Holden nous avait décrit la musique occidentale comme orgasmique, courant vers un climax. Vicente Sanfuentes – un des producteurs chiliens les plus respectés – analysera bientôt dans nos colonnes la structure latine : beaucoup plus modeste, moins dramatique, avec une insistance sur les breaks. C’est donc avec un plaisir certain que nous avons apprécié les lives de Chancha via Circuito, Nicola Cruz et Matanza. Quantic, en sa qualité d’headliner et de digger, nous a offert un DJ set rempli de pépites latines sur 45 tours que nous aurions eu bien plaisir à récupérer.

Red Bull Bass Camp Santiago
© Beyeah. Chancha via circuito réveille tranquillement la foule en début de soirée d’une journée très chaude et sèche sur Santiago.

Red Bull Bass Camp Santiago
© Beyeah. Quantic est une des légendes électroniques d’Amérique Latine. Son DJ set voit s’enchaîner les 45 tours latins savamment diggés, d’une puissance redoutable sur notre dancefloor verdoyant. Notre déhanché, bien moins redoutable, ne peut s’empêcher de s’accorder à la musique.

Red Bull Bass Camp Santiago
© Beyeah. Matanza est l’un des lives qui nous a le plus marqué de cette soirée, en réinventant un équilibre entres origines latines et européennes dans sa musique. “Matanza est une des réponses possible à cette problématique” nous dira Alejandro Paz quelques jours plus tard.

Red Bull Bass Camp Santiago
© Beyeah. Nicola Cruz, poulain de Nicolas Jaar, s’est révélé en 2015 avec son premier album “Prender El Alma”. “Ma musique est faite pour être joué dans des espaces ouverts et naturels”, nous expliquera t-il dans un portrait réalisé au bord d’une piscine, à lire prochainement.

 

Barrio Mio, quand les chilliens inventent leur house

Autre soir, autre programme, cette fois mettant en avant la scène house et techno qui s’exporte. Convaincus par la cumbia électronique de la veille, et enchanté de nos rencontres avec Vicente Sanfuentes et Alejandro Paz, nous allons sans crainte dans un quartier où trois clubs sont à l’unisson pour une nuit. La chaleur brulante est décuplée dans les clubs pleins à craquer.

Les soundsystems sont d’un goût différent du vieux continent. Habitués à des enceintes Void que l’on trouve presque partout en Angleterre, nous remarquons ici que l’accent n’est pas mis sur les sub-bass mais plutôt sur les bass médiums. La musique en ressort moins puissante, mais gagne en chaleur, ce qui n’aide pas à refroidir l’atmosphère. Heureusement, les mojitos et autres daikiris à bas prix nous rafraîchissent à mesure que l’on constate le public se déchaîner sur le dancefloor.

Point d’orgue de la soirée, Alejandro Paz déchaîne le club avec une house très punky où les montées dodécaphoniques au microphone transportent le public. Récemment émigrés d’une des terres fertiles de la musique électronique – l’Angleterre – c’est en moins de 48 heures que les latins nous ont prouvé que leur place sur une carte ne tient pas qu’à leurs cocktails. Le langage musical y est différent, ni mieux, ni moins bien. C’est tout simplement une expérience de clubbing complètement différente, que l’on vous encourage à aller vivre par vous-mêmes.

Red Bull Bass Camp Santiago
© Beyeah. Street-art photographié à proximité du quartier dans lequel Red Bull a organisé Barrio Mio : trois clubs d’une même rue où s’enchaînent les DJs les plus influents d’Amérique Latine.

Red Bull Bass Camp Santiago Alejandro Paz
© Gary Go. Alejandro Paz est un artiste électronique entre house et punk qui n’hésite pas à hurler sur scène, sortant systématiquement son micro. Notre meilleur souvenir de la soirée a été de voir la foule littéralement s’enflammer sur “El House” ou “Vayanse”. Notre rencontre avec la mascotte locale sortira prochainement – en attendant, vous pouvez réécouter son podcast pour Beyeah.

Red Bull Bass Camp Santiago Matias Aguayo
© Gary Go. Matias Aguayo est surement l’un des artistes électroniques les plus représentatifs du Chili à l’étranger. Établi à Cologne, il n’hésite pas à chanter et boucler sa voix à n’importe quel moment de ses DJ sets. Le clip de son dernier single ne vous sortira pas de la tête.

Red Bull Bass Camp Santiago Roman and Castro
© Gary Go. Roman & Castro réchauffent le Loreto Club avant l’arrivée des têtes d’affiches. A lire aussi, notre interview à l’occasion de la sortie de leur dernier EP en décembre dernier.

 

Red Bull Bass Camp Santiago Beyeah Portrayals

On a aussi rencontré trois artistes et/ou producteurs revendiquant les Andes dans leur travail : découvrez les portraits de Vicente Sanfuentes, Alejandro Paz et Nicola Cruz dans nos colonnes.