“Parisian crowd is one of the worst in the world.” Cette déclaration, maintes et maintes fois répétée par des groupes de passage sur Paris, n’est désormais plus un secret pour quiconque. La France, et à plus forte raison Paris, est bien connue pour son public glaçon et son incapacité à aller au dela de l’imperceptible ‘mouvement de tête appréciateur’. Et que dire du Pitchfork Music Festival, dont la foule-hype parisienne fait sans doute partie des moins actives sur l’échelle de Richter des magnitudes festivalières.

Pour des raisons d’Halloween, d’ennui et d’apports journaliers en fish & chips, notre vécu du festival se cantonnera à en décrire quelques beaux moments, et se moquer (gentiment) d’un public d’initiés auto-proclamés en tendances inconnues. Tout ça pour dire que si vous êtes à la recherche d’une expertise plus poussée sur la setlist de Thom Yorke, on est convaincus qu’une bonne âme s’est déjà acquittée de la tâche quelque part aux tréfonds des internets.

 

Health : un beau moment mal calculé

Health

Le vendredi, Health a démontré sa capacité impressionnante à galvaniser les foules, et ce malgré la plage horaire absolument pas adaptée dans laquelle on l’a rencardé avec le public parisien. Nous présenter de la post-punk furieuse un vendredi à 18h30 n’est en effet pas l’idéal, à part peut-être pour celui qui songe à tuer ses supérieurs hiérarchiques chaque fin de semaine.

On accusera ici, et une fois pour toutes, le manque de discernement d’un line-up construit par “ordre de reconnaissance” plutôt que par logique de programmation. Le 180° qui suivra avec la R&B vaporeuse et un peu chiante de Rhye reste d’aillleurs la pire transition festivalière qu’il nous ait été donné de voir.

Mais revenons-en à nos moutons californiens : Health livre un show à la frontière entre post-punk et métal, à savoir que les cheveux longs et masculins tournent dans les airs (sur scène seulement, n’en demandez pas trop au public du Pitchfork), mais la voix garde quelque chose qui évoque les expérimentations de The Soft Moon plus que Sepultura. Une batterie impitoyable mêlée à un chant hurlé nous transporte à mille lieux de ce qu’on pouvait attendre d’un premier concert au Pitchfork, et ce mini séïsme de début de soirée est loin de nous déplaire.

 

Kurt Vile : “This ain’t a fucking country club people

kurt vile

Ça fait quinze ans que Kurt Vile ressemble à un adolescent de quinze ans fan de Nirvana, et ça c’est déjà assez pour qu’on l’aime. D’autant plus que l’américain est l’un des rares à tenter de faire bouger la foule décidément bien molle ce vendredi, en lui rappelant gentiment que la Grande Halle de la Villette “ain’t a fucking country club.” On salut la tentative de remuement, vaine mais pleine de bonnes intentions.

Du reste, Kurt égraine pas mal de morceaux de son sixième et dernier album B’lieve I’m Going Down... en les entrecoupant de solos de guitare bien sentis. Sur les 50 minutes de set, la longueur d’un ensemble un peu linéaire se fait sentir, mais le charme folk du garçon valait quand même son petit détour.

 

Four Tet : Qui ça, un DJ ?

Four Tet

On aurait bien voulu plus s’axer “découverte”, mais impossible de ne pas parler de Four Tet et de son set de clôture le vendredi. Car là où Kieran Hebden passe, le public trépasse. Et ce même avec une foule pas du tout acquise à sa cause, qui s’est surtout déportée vers le nord de Paris pour assister à la messe de son dieu Thom Yorke. Exemple à l’appui avec un extrait de propos entendus dans la foule : “Non mais on peut se casser maintenant, de toute façon c’est juste un DJ ?”

Mais les montées magistrales et les expé tendance hindous de l’anglais réussissent à avoir raison de ce public indie impassible qui, quelques pintes aidant, finit même par gentiment se trémousser. On reconnaît dans le set quelques passages du projet Percussions et un joli remix de Jamie XX qui nous prouve une fois de plus qu’à défaut d’être un bon album, “In Colour” reste la mine d’or à remixes de l’année.

 

Run The Jewels, quart d’heure américain

Run the Jewels

Le duo East Coast réussit dès son arrivée sur scène un exploit dont on aurait à peine osé rêver : faire chanter à la foule pitchforkienne le “We are the champions” de Queen. Rien que pour ça, on reste attentif tout du long aux gesticulations de El-P et Killer Mike, qui enflamment la foule de leur flow débité à 200 sbm (syllabes par minutes).

Car oui, Run The Jewels réussit à décoincer le public parisien qui, Halloween aidant peut-être, finit par lâcher la bride pour cette dernière soirée. On voit même quelques slams passer dans la foule. Le groupe fout lui aussi les bouchées doubles, voire quadruples, pour ce qui s’avère être le dernière concert de leur tournée européenne. Leur concert s’apparente d’ailleurs plus à un show de stade dévastateur qu’à un concert de festival indie coincé entre Unknown Mortal Orchestra et Spiritualized. Parfois même un peu trop si on prête l’oreille aux instrus traps et dubstep souvent bien grasses.

 

Bonus : Aperçus au Pitchfork

Les trémoussements désormais mythologiques de Thom Yorke
Des anglais qui parlent fort
Des anglais qui parlent très fort pour couvrir le bruit des anglais qui parlent déjà fort
Four Tet/Kieran Hebden seul dans la foule devant le live de Battles
Le malaise d’un public indie qui tente de danser sur de l’électro
Notre interdit bancaire
Des adultes pleurant devant Thom Yorke
Des anglais seuls à faire la queue pour des fish & chips
L’absence d’ingé son chez Unknown Mortal Ochestra. Amis intermittents prenez note, ça doit recruter. Ça devrait.
Une improvisation de musique trad africaine devant La Villette, plus intéressante que le live de Spiritualized

Photos par Vincent Arbelet