La 11e édition du festival de musique électronique « Nuits sonores » fut des plus exigeantes et des plus remarquables en termes d’ambiance et de programmation, avec plus de 103 mille personnes au compteur. Nous étions bien sûr au rendez-vous, et voici donc un live report pratiquement complet de ce festival Lyonnais.
1 – C’est aux Subsistances que les Nuits Sonores se sont installées pour les NS Days ; lieu emblématique de la ville, de diffusion de spectacle vivant, de création artistique (théâtre, danse, cirque), et qui comprend également en son sein l’école des Beaux-Arts de Lyon. Bref, depuis qu’on y est entré, une house plutôt hot nous démange l’oreille. La bière achetée, nous nous rendons sans perdre une minute dans la verrière des Subsistances. Carl Cox est là, tout souriant, ses 4 decks ont l’air déjà brûlants, on arrive sur un Ian O’Donovan, bien délicieux. Au bout d’une heure, tout devient explosif, Cox trépigne, saute, danse, emporté par la musique, tout le monde est ravi, savoure, et on ne veut pas que ça s’arrête. Puis l’habitué des Nuits Sonores se montre, Laurent Garnier est prêt à prendre la suite, sauf que côté publicon en veut encore et on a du mal à croire que Cox va déjà partir. Garnier lance une track, mais Cox est toujours à ses côtés. (Il n’a pas dit son dernier mot !) 30 minutes plus tard, le back to back est lancé, et la complicité règne entre les deux pointures de l’électro : Cox et Garnier vont visiter les sons les plus chauds et les plus groovy jusqu’à 21h30. Cette première après-midi très vite terminée, nous marchons sans perdre de temps aux anciennes usines Brossette, quartier général des Nuits Sonores pour la deuxième année consécutive. On rappelle : 3 scènes (tout comme aux subsistances d’ailleurs), chacune possédant un système son irréprochable, des installations lumières et mapping vidéo sur les murs impressionnantes, et quelques affiches rondes collées avec des petites inscriptions du style « t’as pécho ce soir ? ». Bref, bonne ambiance, il y de la place partout, 3 grands bars, même des espaces chill out avec des tables et gradins ont été prévus. Ce petit tour nous emmène jusqu’au jeune duo Paradis sur la scène 2. Pas trop de monde encore, et les deux français mettent déjà une grosse ambiance. Le couloir formé par les lights automatiques est efficace, et se marie très bien avec la musique. Paradis a déjà fini, c’est maintenant le jazzman Guti qui enchaîne. Vous avez dit jazzman ? Avant Guti était connu dans le monde du jazz, avant de rajouter des kicks et des snares à ces belles mélodies. Après ce swing, nous remarquons que Yasiin Bey aka Mos Def est arrivé. Le New-Yorkais s’est emparé de la scène 1 (joli plateau préparé d’ailleurs par Pedro Winter) et nous sort le plus lourd, ou le plus funky de ses grooves pendant une bonne heure, et ça, ça fait du bien ! On décide juste après de retourner à la scène 2, où la suisse Sonja Moonear, avec une techno aux sonorités tribales va nous emporter très très loin… Il est maintenant 03h39, et SBTRKT devrait faire son apparition, le monde s’empresse vers la première scène. Hold On est parfaite pour une intro. On est déjà fou, ses tracks durent, les lights s’énervent, et voilà Wildfire, le tube. Un peu de low tempo, mais ça ré-enchaîne sur des sons efficaces : Pharoahs et Ready Set Loop massacrent tout le monde. Comme la fin approche, on décide d’aller mettre une oreille sur la scène 2 pour le grand Steve Bug. Sa techno très prenante n’a pas pris une ride, et les tracks sont pointues comme il faut. Pas très chanceux ce soir-là, Steve Bug porte décidément bien son nom : tout a coupé brusquement sur la scène 2, même s’il ne restait plus que 4 minutes avant la fin. On ne vous a guère parlé de la troisième scène, en plein air, hélas la pluie battait fort cette nuit-là, et le programme était déjà chargé sur les deux premiers plateaux.
2 – On commence ce deuxième jour en passant au JFX Store (la nouvelle boutique du label indépendant Jarring Effects) pour tester la toute nouvelle application sur Ipad, Beatsurfing, révolutionnaire dans son genre, vous permettant de créer votre propre contrôleur (avis aux beatmakers). On se dirige peu-après vers les Subsistances. Bien que peu de monde à cette heure, le « 3 decks lover » Wild Aspect envoie déjà du bon. Une heure est bien trop courte pour ce DJ local sacrément doué, deux de plus auraient été parfaites. Benoît & Sergio enchaînent donc, avec une house agréable, douce et sexy, ayant pour caractéristique de passer les nouveautés fraiches des 6 derniers mois. Nous n’avons cependant pas entendu leur brillant EP « Bridge So Far » sorti il y a peu sur Hot Creations, ou peut-être l’ont-il passé au moment où nous étions partis nous ravitailler de bière. Ryan Crosson Seth Troxler
La nuit et la pluie commencent à tomber sur Lyon, ce qui ne nous empêchera pas de fêter les 20 ans du célèbre label de Köln, Kompakt, dans la cale de la Plateforme, une des étapes du Circuit Electronique des Nuits Sonores. Soirée inoubliable, 100% deutsche elektronischemusik comme vous l’aurez compris. Sur le plateau, quatre pointures du label : The Modernist, Coma, Kölsch, et Reinhard Voigt (le fils de Wolfgang Voigt, l’un des fondateurs de Kompakt). Toutes les tracks des séries Speicher ont fait vibrer la péniche, des mythiques, comme des plus récentes, et Kölsch n’a pas manqué de passer son titre fétiche Opa. Tout le monde était ravi, malgré la pluie battante sur le pont. Il est presque 4h, Reinhard Voigt après plusieurs verres de champagne, démarre son live. Très dansant, il garde un style propre à lui, minimaliste, qui reflète également les axes artistiques de Kompakt depuis 20 ans. Il lui suffisait juste d’un PC et une uc33 bouillante ! Reinhard Voigt communique beaucoup avec son assemblée avec son index levé et son regard illuminé, comme pour nous inciter à savourer ses effets et ses modulations. La fin approche, il fait durer Transparenza pendant plus de 15 minutes, et on adore. En fait, Reinhard n’arrive pas à finir son set, il ne veut pas partir, nous non plus, mais il va bien falloir… Soirée réussie en tout cas pour cette étape du circuit électronique !
3 – Une Boiler Room ? Où ça ??? Nous y avons donc fait le détour, non loin des subsistances. Après Paris, le concept londonien débarque maintenant à Lyon pour deux jours, avec des invités d’exception (Shigeto, Spitzer, Shifted, JNPLSRC, NosajThing, Rone, Jay Weed, Peev…). On arrive au début, donc peu de monde encore. Shigeto, s’étant emparé d’une bonne vieille MPD, a exécuté un set magique, avec de bonnes tracks, passant du down-tempo à des beats acides, on aura reconnu d’ailleurs une piste du dernier EP de Gold Panda. Peu de monde encore côté public (ou devrions-nous dire invités), Shigeto est le seul agité, emporté par la musique, plongé à 200% dans son magnifique set. Oui, cette demi-heure restera gravée. JNPLSRC attaque par la suite un set très appliqué, et va droit au but : une techno authentique, fidèle à CLFT. Nous ne sommes pas restés pour la suite, mais nous avons tout de même écouté le set solide de Shifted sur internet.
L’intitulé de la scène 1 pour cette troisième nuit : « Future Sound Of UK ». Titre prometteur, et nous arrivons pile à l’heure pour le live du jeune duo Disclosure sur la scène 1. La révélation britannique a s’est montrée efficace : Latch, Carnival, White Noise, tous leurs singles ont enflammé le public. On a été transporté, cette musique très dancefloor nous a bien transporté. On Reste sur ce plateau pour Jamie Smith, le claviériste des XX. Minimaliste sur ses débuts, Jamie ne va pas passer par quatre chemins pour nous montrer la rage, mais aussi la délicatesse de sa musique. Avec ses brillants remixes, et des titres phares du quatuor The XX, Jamie nous a conquis sur ce set. On se dirige maintenant vers la scène 3, en plein air. Le britannique Daniel Avery a l’air confiant et détendu en s’installant, on sent que le public attend quelque chose également. Le premier son sort, le deuxième… Tout le monde saute, mais écoute attentivement cette mi-techno, mi-house, impulsive et énergétique. Les synthés sont bruts, acides, tout comme les kicks, mais tellement bons ! Son dernier EP Water Jump sorti sur Phantasy a pris toute son ampleur, et nous a scotchés. Bref,nous avons pris une belle claque en cette fin de soirée, et nous vous conseillons vivement d’écouter Daniel Avery si ce n’est déjà fait.
4 – Pour ce quatrième jour, nous sautons la case Subsistances, pour aller directement aux usines Brossette. On arrive tôt, la scène 1 est presque vide, mais Käpäk est déjà concentré sur son live, d’une qualité rare. La nouvelle recrue du label lyonnais Insomnie Musique jongle entre un hip hop mélodieux, de l’électronique plutôt lente, et quelques passages nous faisant perdre la notion du rythme, un mélange planant, donnant une atmosphère proche de l’IDM. Pantha du Prince suit avec The Bell Laboratory : 6 blouses blanches, et des cloches de toutes tailles. Scénographie recherchée, une ambiance dominante plutôt claire et blanche sur ce live, les percussions et cloches retentissent. Pantha du Prince et son laboratoire jouent une musique bien rythmée aux penchants minimalistes, mais au fond très raffinée. Un projet abouti, et très apprécié par le public. Nous rejoignons maintenant la scène 3 pour ne pas rater une miette du live du californien NosajThing. Une ambiance planante, hip-hop et abstract règne, Nosaj a sorti sa MPD est paraît des plus sérieux. Introduction légère, puis voici Fog, track issue de son LP Drift, sorti en 2009. Il enchaine peu après les bons titres de son dernier LP Home, sorti en janvier. L’assemblée est calme, savoure cette douce musique abstraite et planante. Mais ça s’énerve sur les 20 dernières minutes, Nosaj place de fortes instrus et de bonnes basses 8-bits, une fin en beauté. Quelques bières, et nous retournons à la première scène écouter les sons chauds de la Norvège : Lindstrom & Todd Terje se sont ralliés, deux bons gros synthétiseurs chacun, partis pour une heure de nu-disco-house nord-européenne. InspectorNorse, le tube qui a fait connaître Todd Terje l’année dernière, a fait des ravages auprès du public, tout comme leur set, groovy du début à la fin. Nous nous dirigeons peu après vers la scène 2, où le plateau a été minutieusement préparé par par Dan Snaith aka Daphni, également à la tête de la formation Caribou. Le californien DJ Harvey est aux platines, anime le dancefloor efficacement avec des tracks très différentes les unes des autres, mais gardant un esprit fédérateur entre ses musiques. Daphni clôturera cette dernière soirée aux usines avec classe, avec un set armé de titres pointus, mais aussi de grands classiques, comme le fameux Percolator de Cajmere. Plutôt que de savourer les derniers instants des Nuits Sonores à la Concrete Party ou à l’apéro sonore, nous avons passé notre dimanche à épouser notre doux lit.