Il y a peu de choses au monde qui enchantent autant qu’écouter de la musique entouré de gens pacifiques et sympathiques. L’amour, certainement, les balades nocturnes dans des coins perdus, le rire de ceux qu’on aime, les livres de Jack Kerouac ou encore le mojito après un dure journée de labeur. Mais la musique reste ce qu’elle est, le vecteur d’émotions le plus puissant qu’il soit, simplement parce qu’elle provient de coeurs et de passions. Ceux qui la vivent en vibrent constamment. Ils façonnent méticuleusement leur environnement, lui donnant la couleur des sons de leurs guitares, boîtes à rythmes, synthétiseurs qu’ils triturent sans arrêtes. Ils sont les architectes de la plupart de nos moments d’euphorie, de nos sentiments de fraternité, de notre perte de raison, et parfois même (certains diront souvent) de nos plus grosses cuites. Faire de la musique, c’est construire un monde qui englobe tout ceux qui y prêteront une oreille.

Cet article entame un projet (si on peut l’appeler comme ça) singulier qui vise à entrevoir l’atmosphère d’une ville, la nuit, à travers ceux qui la créent à coups de décibels et de salles enfumées. Vous comprendrez naturellement que j’entame cette série avec ma chère ville de Lyon, que j’apprécie particulièrement voir se développer depuis que je suis apte à comprendre un peu ce qu’il se passe. Cela n’a pas été facile, il m’a fallu trancher entre tout ce qui se fait de musical à Lyon, et rien qu’en musique électronique, j’aurais pu y passer des mois. Trouver des emblèmes, des symboles, n’est jamais chose aisée. Mais il est vrai que certains représentent avec fierté l’identité culturelle de leur ville et contribuent chaque jour à la rendre un peu plus resplendissante. Pour ce premier volet, j’ai fais appel au jeune collectif Basse Résolution, qui, si vous êtes un gone, ne vous a certainement pas échappé. Ces gars-là réunissent plusieurs passions artistiques – de la photographie à la musique minimale en passant par le graph’ – au sein d’un même projet artistique basé sur la fête et l’entraide associative. Les DJ du crew comme NailitchMayday!CanzaMojo ou Nicolas Rifo se sont imposés comme référence locale, et bientôt nationale. L’identité visuelle fait mouche, s’élaborant au rythme des affiches très colorées que vous avez dû apercevoir aux abords de la rue Sainte-Catherine. L’esthétique sonore résulte d’un mélange d’influences complexes, allant de Ricardo Villalobos aux nouvelles sonorités minimales qui débarquent d’Europe de l’est (Sepp ou Nu Zau ont déjà participé à leurs côtés). Basse Résolution, assez influencé par les Nuits Sonores, qui les font vibrer comme tout bon lyonnais, marque ces valeurs dans une vision de la fête transcendante, se réappropriant les différents aménagements urbains pour proposer des événements accessibles à tous, au coeur de la ville (notamment pendant la fête de la Musique, mais à d’autres occasions également, comme pour leur anniversaire). Leurs initiatives font mouche, je pense notamment à leurs apéros rue Sainte-Catherine, qui ont connu un franc succès.

Mais c’est bien l’esprit de la fête qui anime les membres du collectif, comme ceux qui viennent danser sur leur musique techno. Imaginez vous désinhibé, entouré de dizaines de personnes, marchant le long de la Cité internationale, direction le Club Transbo. La nuit est chaude, vos membres sont échauffés, comme votre foie et vos poumons. Vous entendez dans la nuit les vibrations des basses que sont en train de propulser les murs du club. Les couleurs vives de la salle vous percutent les yeux, mais votre cerveau n’est déjà plus là. C’est l’effet Basse Résolution. En jouant entre les sons et les images, ils se sont formé un public solide et hétérogène, qui apprécie tout autant les sets calibrés de Mojo ou le live de Mayday! que les sélections d’artistes qui jalonnent leurs programmations mensuelles. Je vous conseille de jeter une oreille très attentive à leurs productions que vous retrouverez un peu plus bas. D’ici là j’ai posé quelques questions à Mojo, l’un des fondateurs du collectif, sur sa vision de la vie nocturne lyonnaise.

Lyon possède une longue tradition de culture musicale, particulièrement en musique électronique (on pense à Jean-Michel Jarre ou Agoria). Qu’est-ce que c’est pour toi vivre à Lyon et faire de la musique ?

Mojo : Pour moi vivre à Lyon c’est avant tout une chance. Une chance car je suis arrivé ici à l’âge de 8 ans, avant j’étais au Brésil et autant vous dire que là-bas, la culture de la musique électronique est quasi inexistante. Du moins dans le petit village dans lequel j’habitais. Faire de la musique à Lyon pour moi, en tant qu’artiste, c’est savoir être dans un travail de perpétuelle remise en question de ce que tu produis. Car étant constamment entouré de musiciens, graphistes, artistes peintres… Il y a comme une émulation qui se crée, et cette émulation là est pour moi la vraie caractéristique de la vie en tant qu’artiste à Lyon. Pour arriver à exister parmi ces acteurs, il faut du travail, ou être talentueux. Et cela donne un noyau d’artistes pur sang lyonnais d’un richesse culturelle sans fond, je suis fier de me promouvoir en tant que lyonnais. Car au fond, mon art, c’est un peu de chacun, chaque artiste, chaque pote qui ont pu m’inspirer. Je suis fier d’être lyonnais.

Justement, toi qui est lyonnais depuis longtemps, comment tu vois l’évolution de la musique électronique à Lyon ces dernières années ?

Mojo : Je la vois d’un très bon œil, c’est incroyable ce qui s’est passé à Lyon ces dernières années. Si on refait l’historique, on en reviendra toujours aux Nuits Sonores qui ont vraiment éduqué le public lyonnais. Mais pas que, Lyon depuis maintenant 5-6 ans a vu un nombre de jeunes collectifs, structures, artistes se lancer. Quand on a lancé Basse Résolution avec mes potes, on a mis les deux pieds dedans sans rien savoir du milieu, on l’a pourtant fait. Les Nuits Sonores c’est 4 jours par an. Alors que maintenant nous avons du jeudi au samedi (même le dimanche parfois) une offre artistique tellement dingue. Se retrouver entre potes et devoir choisir entre 3-4 têtes d’affiches sur un même soir, c’est beau et ça donne envie d’être à la place des ces gens ! Et c’est la où pour moi Lyon a évolué, nous sommes passés dans une phase d’éducation populaire à la musique électronique.

Qu’est-ce que tu penses de la politique culturelle lyonnaise ?

Mojo : C’est une question très délicate car je travaille aussi en tant que médiateur culturel et cette question là, j’y suis confronté tous les jours au taf. Je pense que la politique culturelle lyonnaise n’est pas encore assez ouverte, c’est dommage car les acteurs eux le sont. Cela crée des décalages de politique entre les différents départements, ce qui à mes yeux, nuit à l’émergence de projets artistiques.

Si tu pouvais jouer avec l’artiste que tu voulais, n’importe où (vraiment n’importe où), ce serait où et avec qui ? Explique nous !

Mojo : Je ferais un showcase Basse Résolution sur la place des terreaux, avec pour dj booth le balcon de l’hôtel de ville. 50 kw de Funktion One, 10 000 personnes sur la place, 00h – 07h. Le pire c’est que j’ai déjà fait ce rêve, incontestablement le meilleur rêve que j’ai jamais fait (rires).

Merci Mojo, on souhaite une bonne continuation à tout le collectif, continuez de nous faire groover !

 

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