Le terme ‘release party’ résonne assez souvent comme un repoussoir. Ce type d’événement fleurit désormais pour le moindre EP 4 titres d’un duo à synthétiseurs, accompagné d’un pote DJ pour l’occasion. Est-ce que Maud Geffray a de meilleurs amis que la plupart des musiciens ? Ou est-ce que l’album de Maud Geffray mérite mieux que les affres du quotidien ? Les deux sûrement, et cette soirée en sera l’éternel témoin. Car la release party de Maud Geffray qui se tenait vendredi dernier à la Gaîté Lyrique, mérite la postérité.

Rendez-vous pris pour 23h30 et le set NDA (No Drums Allowed) de Krampf, Lucien de son prénom, dont on ne présente plus les sets, ni le talent. L’ambiance est encore un peu froide, l’absence de drums, non préjudiciable, freine encore quelques ardeurs malgré l’heure avancée. La qualité est néanmoins au rendez-vous et laisse présager le meilleur pour la suite.

La confusion est de mise au moment de l’arrivée de l’artiste suivant, car le line-up n’est pas complètement maîtrisé. Quelques doutes, est-ce Maud ? Non, Pan European indique Chloé sur son ordre de passage. Qu’à cela ne tienne. Les battements se font lourds et les basses explosent dans les crânes. Cette soirée se découvre une nouvelle reine avant l’heure. Les va-et-vient se font plus rares, la foule se stabilise au rythme d’un beat lancinant qui s’intensifie. Si on pouvait regretter les drums chez Krampf, la progression s’avère parfaite. L’heure défile sans prévenir.

Maud Geffray atteint les sommets

Chauffé à blanc, le public accueille Maud Geffray qui ne pouvait rêver de meilleur moment pour prendre le relai. Son album Polaar en mémoire, le doute subsiste quelque peu. Chloé a installé une telle ambiance, est-ce que les titres froids qui nous ont bercés ce printemps tiendront la comparaison avec sa prédécesseuse ? Bien qu’elle n’en soit qu’à son premier album, Maud Geffray n’est pas une débutante. Son CDJ set, pour reprendre les termes de Krampf, est tout simplement la meilleure chose qui soit arrivée à des platines en 2017. Et plus que jamais, on pourra arrêter de réduire Maud Geffray au seul qualificatif de « moitié de Scratch Massive ».

En puissance et en finesse, elle révèle une facette inédite de son album, et une part de talent qu’elle avait presque occultée lors de ses enregistrements nordiques. Plus aucun doute possible, c’est bien elle le cœur de cette soirée. Et il bat vite, fort. La Gaîté Lyrique et ses lumières vibrent hors du temps, et au moment de rendre les platines, la mélancolie s’installe. Nous avons été privilégiés d’y assister, il faut maintenant accepter que ce moment est fini.

Une pause extérieure s’impose, entre deux bouffées d’airs et de tabac, quelques personnes demandent si les Casual Gabberz sont dans la salle. Certains viennent d’Orléans, d’autres de plus loin encore pour voir le phénomène du moment. Une nouvelle ascension se prépare donc pour cette deuxième partie de la nuit.

Voiron frôle l’excellence, les Casual Gabberz fidèles au poste

Retour dans la pénombre pour découvrir Voiron, d’ailleurs connu pour son incursion sur la compilation Inutile de fuir des Casual Gabberz, qui n’annonçait rien d’autre que du bon. Langoureux sans pour autant relâcher les BPM, Voiron confirme tout le bien que l’on pense de lui, et même plus. Au moment de son incroyable Shuffle, corps et âmes se délient pour atteindre un point de non-retour.

Fort de ce set fracassant, Philipp Gorbachev se positionne pour reprendre la relève, alors que les sommets sont proches. Moins acid, encore plus sombre et frôlant parfois la house, voilà les adjectifs et étiquettes qu’on pourrait utiliser pour décrire son set. Le russe avait pour mission de nous conduire sans encombres jusqu’au Casual alors que la fatigue se fait ressentir. Le défi est relevé, le set est accrocheur, de multiples rebonds techno soulèvent la foule robotisée, qui attend désormais son heure.

C’est une armée légèrement réduite qui se présente devant les Casual Gabberz. Inutile de les présenter, ceux qui n’ont pas fui savent à quoi s’en tenir. Au risque de se mettre à dos la youtubosphère, prompt à les qualifier de « DJ pathétiques », le collectif fidèle à sa réputation, offre un DJ set phénoménal, d’une violence extrême qui ne laisse guère place à d’autres sentiments que la transe. La salle tremble, les faisceaux lumineux tressaillent puis s’éteignent. Le jour se lève dehors, et exténuée, ce qui reste de la foule se dirige vers la sortie.

L’air frais ne suffit pas pour reprendre ses esprits. Certains titubent, cherchant une issue quelconque à cette nuit passée à l’écart du temps. Il faut maintenant réapprendre à vivre loin de cette euphorie. Lieu des musiques actuelles dans toute leur pluralité, la Gaîté Lyrique a fait honneur à sa réputation, allant même un peu plus loin, car c’est une partie de la musique du futur qui s’est offerte à nos yeux. Une telle affiche ne se reproduira sans doute pas. C’est sûrement mieux ainsi.

Crédits Photos : © Vovotte Recto Verso