Notre visite de Honest Jon’s, l’incontournable disquaire londonien

On ne va pas vous cacher que notre première réaction en arrivant devant Honest Jon’s a d’abord été la surprise : qu’une si petite échoppe soit dotée d’une si grande histoire et réputation était déconcertant. Le premier contact a été chaleureux : tout juste sortis de notre entrevue avec James Holden, on arrive dix minutes après la fermeture du magasin. Le gérant en train de fermer la porte d’entrée nous interroge : “Tu as besoin de quelque chose en particulier ?”, comme prêt à faire des heures sup juste pour satisfaire tous les mélomanes (é)perdus de Londres.

Par respect, nous avons choisi de revenir quelques temps après, décidés à apporter celle nouvelle adresse à notre guide des meilleurs disquaires de Londres. On arrive au beau milieu d’un samedi après-midi (en réalité, tout juste quelques heures après une merveilleuse rave à Manchester avec Inigo Kennedy), en plein pic d’affluence. On comprend immédiatement que la réputation du disquaire n’est plus à refaire : la serviabilité des vendeurs compense pour notre nuit blanche enflammée et nos longues heures de route. Histoire de ce monument anglais en quelques photos maisons.

C’est en 1974 que le lieu ouvre ses portes, et le magasin a seulement connu deux gérants sur cette longue période. À l’origine, le shop s’implante modestement dans un quartier en pleines turbulences sociales et culturelles : on est en plein mouvement punk, le quartier est marqué par une succession de mouvemements sociaux plus ou moins importants – comme les mythiques “Race Riots” de 1958. L’historique d’Honest Jon au travers des années 70 et 80 est alors riche et complexe, lieu de niche pour le gratin jazz et les journalistes. Le lieu subit des déménagements multiples mais reste toujours implanté dans le même quartier.

L’institution menace de fermer de nombreuses fois au cours de son existence, mais les années 90 marque définitivement son envol. James Lavelle, futur fondateur de Mo’Wax (qui est sûrement le deuxième label le plus important des nineties en Angleterre, après Warp Records) et futur créateur de UNKLE (en collaboration avec DJ Shadow) y élit résidence. Sous son impulsion, le disquaire embrasse la vague hip-hop et trip-hop, marqueurs stylistiques de la période. En devenant le lieu de naissance de Mo’Wax, Honest Jon’s s’impose comme un lieu d’émulation incontournable à Londres.

Mais le shop souffre d’une nouvelle période creuse à la fin des années 90 et au début des années 2000 face à la crise de l’industrie musicale. Un renouveau doit avoir lieu, et il arrive avec un grand nom de la britpop : Damon Albarn, leader de Blur et Gorillaz entre autres activités. Sous son impulsion, le disquaire se lance dans l’aventure de l’édition. La première release s’intitule Mali Music et la présence d’Albarn permet de signer un deal très profitable avec EMI qui s’associe à l’aventure. La curiosité musicale est le principal conducteur de cette ligne d’édition.

Evidemment, le deal avec EMI ne pouvait durer qu’un temps. En 2008, lorsqu’il se termine, l’échoppe est de nouveau empreint de doutes. Jusqu’à récemment, où la sympathie des aficionados permet un catalogue d’exclusif très riches (comprenant du Ricardo Villalobos et du Pépe Bradock, et hébergeant la distribution de labels prestigieux comme Berceuse Héroïque), finissant par porter le lieu à de nouveaux sommets. On a notamment interrogé les vendeurs sur cette situation nouvelle – le label bénéficiant notamment du titre “Label of the year 2015“ par Resident Advisor.

“Les dernières années ont effectivement été excellentes pour nous, mais ce n’est pas pour autant que l’on est prémuni de nouveaux creux. Et c’est quelque chose que tu peux voir dans l’histoire du lieu, ce phénomène de vague. Au final on est surtout un record shop en ligne désormais, donc cette visibilité soudaine on ne s’en rend pas forcément compte par des affluences monstres, même si le lieu ne désemplit pas les weekend.” nous répond t-on.

Lire aussi : Portrait croisé de L.I.E.S Records et Berceuse Héroïque, les âmes damnées de la scène techno-house.

Durant un prochain voyage à Londres, si vous passez dans les quartiers ouest, on vous recommande chaudement l’arrêt. Ne serait-ce que pour le petit sac à vinyles “Honest Jon’s”, un investissement rentable pour briller en haute société.