Rarement la pochette d’un album aura autant donné le ton de son contenu : couleurs vives, multiples, se mélangeant sans distinction ni mesure sur la carrosserie d’une voiture de course cabossée. Un phare éteint nous fixe, droit dans les yeux. Il est intact.

Grand Blanc, c’est probablement un peu tout ça : des personnes qui se rencontrent en un carambolage intense et créateur. Benoit, Camille, Luc et Vincent se sont rencontrés à Paris mais ont grandi à Metz, dans « cet Est froid », à l’ombre de « grandes cathédrales, à côté de hauts fourneaux ». Voilà pour le décor.

Après quelques tâtonnements, ils sortent un premier EP en 2014, « Grand Blanc ». Cold-wave et new wave chantée en français, et déjà ces deux voix qui marquent. D’un côté Benoit, son timbre d’outre-tombe, grave, solennel et de l’autre Camille, plus aérienne et légère. Les influences sont lancées à pleine vitesse, et l’on distingue Bashung, Daho, Joy Division, les Cure. « Samedi La Nuit » séduit, et les place dans la catégorie « relève de la chanson française ».

Daté et passéiste, Grand Blanc ? Bien au contraire. Et c’est sur leur premier album, « Mémoires vives », que le quatuor montre toute l’étendue de sa palette. Pop lors du titre d’ouverture, « Surprise Party », rock tendant vers la transe sur « Bosphore », ou encore kitch sur « Évidence », les quatre profitent de la liberté offerte par un album pour expérimenter, sortir de ses habitudes et faire sonner ses mélodies.

Chaque morceau est propulsé à travers les époques et les influences, en un cocktail puissant. Mais chaque piste est aussi un écrin de cuir et de bruits pour les textes, sublimes, de Benoit. « Casse-moi ou casse-toi, les temps sont durs » sur le bien nommé « Tendresse ». Il souffle le froid, elle répond par le chaud, à moins que ça ne soit tout l’inverse. Comme deux véhicules projetés à toute allure, l’un contre l’autre.