On n’a de cesse de vous parler de Dominique Dillon de Byghington, alias Dillon, cette artiste intrigante qu’on a découvert en 2011. Repérée à l’époque par Stefan Kozalla, elle signait son premier album This Silence Kills sur le fameux label berlinois Bpitch Control. Un album lyrique à l’électronique légère et aux morceaux romantiques, à l’image de cette interprète qui ne cache pas sa timidité et n’hésite pas à se livrer et donner d’elle-même sur ses morceaux et sur scène.

Je l’avais déjà interviewée à l’occasion de sa première date en France. J’avais alors été séduit par cette artiste fragile dont la rencontre m’a fait constater la profondeur de la passion qui se déverse dans sa musique. Deux ans et demi se sont écoulés depuis et This Silence Kills a séduit un public toujours plus nombreux, établissant la notoriété de Dillon au-delà des frontières de son Allemagne de résidence. Inutile de vous dire que son second album était très attendu. Et il est arrivé le 31 mars dernier. The Unknown : un titre mystérieux pour un album sombre et mélancolique. S’il y a une certaine continuité entre les deux albums, The Unknown marque une descente certaine dans le ton de ses mélodies, jouant sans aucun doute sur le registre de la tristesse, comme si Dillon avait composé cet album dans une pièce sans lumière.

Lors d’un passage éclair à Paris, on a eu l’occasion de lui poser quelques questions sur cette nouvelle sortie et du coup, de lever un peu le voile sur le côté sombre et mystérieux de cet album. Interview à lire juste ici.

 

Hello Dillon, comment ça va ? Ça va très bien.

On est là pour parler de la sortir de The Unknown, ton 2nd album. Ça fait 2 ans depuis This Silence Kills ton premier album. Qu’est-ce qui s’est passé pour toi pendant ces deux ans ? Après la sortie de This Silence Kills, j’ai commencé la tournée. D’abord en Allemagne, puis j’ai fait une pause d’un mois où j’ai commencé à bosser sur The Unknown. La tournée a duré un an et demi et ça m’a beaucoup occupé. Ce que j’ai fait d’autre en attendant, je suis restée chez moi, j’ai décoré mon salon, j’ai tenté de me reposer un peu avant d’enregistrer mon prochain album.

Comment s’est passée cette phase de réécriture et d’enregistrement ? C’était très dur. J’ai vite réalisé que je ne pouvais plus écrire. Je ne pouvais plus toucher à un stylo ou un morceau de papier. Ça a duré longtemps, j’ai essayé de remédier à la situation, de trouver de l’inspiration en sortant, car avant, j’avais beaucoup de facilité à écrire mes textes. C’était très étonnant pour moi de ne plus pouvoir écrire, d’avoir à trouver l’inspiration autrement que spontanément. Je me suis mise à faire plus d’efforts, à voyager, à essayer de rencontrer des gens et aller dans des endroits où je n’étais jamais allée, et même à communier avec la nature… mais rien. J’ai réalisé que je m’y prenais mal, que je regardais aux mauvais endroits. Je devais me mettre moi-même en perspective et trouver l’inspiration en moi-même, ce qui était extrêmement épuisant.

Le syndrome de la page blanche donc ?

Oui, l’écriture était inexistante mais à un certain point, j’ai reconnu cette difficulté et quand je suis allée en studio, tout est sorti très vite. Pendant un an, je n’ai pas pu écrire une ligne et en studio, tout est sorti et a été enregistré en 6 mois à peine.

Quelle est la différence pour toi entre The Unknown et This Silence Kills ? The Unknown est la continuation de This Silence Kills au niveau musical. Le premier album était une compilation de morceaux que j’avais déjà écrit et que je jouais depuis longtemps. Arrivée au studio, cela a été très facile de les enregistrer et de les compiler ensemble, grâce à cette familiarité et malgré le fait que ces morceaux avaient plusieurs années. J’ai alors réalisé ce qui m’intéressait musicalement lors de ce processus. Les deux derniers morceaux de This Silence Kills, Gumache et Abrupt Clarity, font vraiment la transition avec The Unknown et ont été en quelque sorte ses fondations. On comprend d’ailleurs mieux The Unknown en écoutant ces deux derniers morceaux. La différence principale est que pour The Unknown, je n’avais aucune ligne directrice. C’était comme si je n’avais jamais fait de musique avant, comme si je n’avais jamais rien enregistré.

Cette difficulté d’écrire et de composer, c’est la raison de toute cette mélancolie qu’on ressent dans ce nouvel album ? La raison de cette mélancolie, c’est principalement parce que c’est quelque chose qui est en moi. The Unknown, c’est une conversation avec moi-même. L’album est comme il est car je suis comme je suis. Je n’ai pas d’influence dessus. Je ne peux choisir de quoi parler, mais juste comment le raconter. Si c’est mal fait, c’est une erreur honnête.  Même si ça sonne mal, ça doit être fait, c’est comme ça que je le ressens.

Comment fonctionnes-tu dans ta manière d’écrire tes titres ? Pour moi, l’écriture est complètement intuitive et impulsive. J’ai fonctionné comme ça pendant des années. Mais ce n’est plus le cas. Avant, j’étais simplement inspirée, je vomissais les écrits et je me sentais mieux. Pour The Unknown, c’était l’opposé. Je me levais tous les matins à 4H30, sans réveil, je me posais à côté de mon lit, attendant de pouvoir écrire quelque chose. Parfois, j’y arrivais, parfois non.

Et tu n’as jamais laissé quelqu’un écrire pour toi ? Non, je ne vois d’ailleurs pas l’intérêt, j’ai un vrai besoin d’écrire. Pourquoi je voudrais que quelqu’un écrive quelque chose pour moi ? Je ne vois pas le but. J’ai déjà chanté les chansons d’autres personnes, mais je n’ai jamais chanté sur des textes écrits pour moi. Ça doit vraiment venir de moi, même si je n’arrive à rien écrire, même si ça prend cinq ans pour écrire un refrain, ça doit vraiment venir de moi.

Quelle signification donnes-tu à The Unknown ? Je ne peux pas le définir, c’est ça le problème. The Unknown, ça peut être n’importe quoi, comme regarder dans une direction. C’est en moi. C’est une conversation profonde, pas forcément négative ou effrayante, mais profonde.

Pour This Silence Kills, on a vu une série de remix, ce sera pareil avec The Unknown ? Oui, il y en a, ils sont dans le pipeline et ils sont très bons

Et de qui ? Je ne peux pas te dire. Ils ne sont pas encore finis, mais ils sont très bons et ils sortiront pour l’été prochain. C’est sans doute la meilleure compile de remix faite sur mes morceaux.

As-tu un artiste avec qui tu voudrais collaborer un jour ? C’est incroyable, tout le monde me pose cette question aujourd’hui. En fait, la vraie question c’est avec qui VOUS vous voudriez me voir faire une collaboration ? Cite-moi quelqu’un.

Euh, je ne sais pas, je dirai James Blake ? James Blake, je l’aime beaucoup, le problème avec James Blake, c’est que j’apprécie tellement sa musique et sa personnalité, pourquoi je voudrais m’inclure dans ce qu’il fait ? Ses morceaux sont tellement bons, spécialement son dernier album. Je veux juste pouvoir l’écouter et apprécier chaque seconde de ses titres, je n’ai juste pas besoin de m’inclure dedans.

Il faudrait que tu essaie, ça peut donner quelque chose de beau. Ok, je vais y réfléchir (rire)..

La question que personne ne te pose en interview, et que tu voudrais qu’on te pose ? Pour être honnête, je pense que tu as été la seule personne aujourd’hui à me demander comment j’allais.

Sérieux ? Oui, genre “Comment ça va”. Personne ne me l’a demandé je crois.

Ok mais reste optimiste, je crois que je ne suis pas le dernier à t’interviewer aujourd’hui.  Ok (rires)..!

On sait que tu sais parler un peu français, as-tu un truc à dire à nos lecteurs en français ? Oui, je peux dire « Bonjour tout le monde… euh… (Dillon me regarde droit dans les yeux)… Je t’aime… (rires) merci, et bonne journée. En fait là j’ai du mal, mais si tu me rencontre dans un bar, avec un verre de vin à la main, je serai capable de te parler dans un parfait français.

Ok le rendez-vous est à prendre alors.. Merci à toi.

Les 20 minutes sont déjà écoulées, on quitte Dillon avec le regret de n’avoir pu lui poser toutes les questions qu’on avait prévu pour elle. Regret vite dissipé au moment de retranscrire l’interview lorsque je retombe sur cet extrait adorable de Dillon nous disant ce « bonjour…je t’aime » avec un accent à faire fondre un glacier.

Son album est disponible sur Itunes et Amazon. Les infos de ses prochaines dates européennes ici.