Ce dernier soir du Club to Club se teinte déjà de nostalgie, tant on a su au cours des quatre derniers jours tomber amoureux de l’évènement, mais aussi de son cadre. Avec son charme nord-italien, Turin s’avère être un lieu plus qu’adéquat pour un festival électronique – les locaux aiment d’ailleurs décrire la ville comme “le petit Berlin de l’Italie”.

Dérapages en solo

On débarque sur la dernière montée bien expé et ambient de Oneohtrix Point Never et on regrette automatiquement d’en avoir loupé le set, quelques secondes nous suffisant à capter la probable qualité live de cet ovni sonore.

On tente donc de se rattraper sur LA Priest, l’ex-membre de Late Of The Pier. Echec cuisant : son très bon album solo Inji se traduit étrangement sur scène et son attitude est loin d’être des plus charmeuses. On dirait une tentative d’imitation de Thom Yorke, la jeunesse et l’arrogance en plus. Et la justesse de la voix en moins, beaucoup moins.

On se casse rapidement alors que le chanteur commence à faire la diva, demandant à la régie de couper les basses de sa voix qui selon lui, “sont en train de tout ruiner”. Pas notre vraiment opinion sur ce qui n’allait pas avec ce live.

Andy, on dit oui

Pas de temps pour s’attarder sur une diva alors que les vrais passionnés sont à deux pas: Andy Stott est sur le point de débuter son set et on ne louperait ça pour rien au monde. Connu pour abandonner le côté plus éthéré de ses prods pour balancer la sauce en live, le mancunien nous lâche un son qui tabasse et rend visite au dark side de ses albums.

En alliant les nappes de synthés à des basses plutôt lourdes, la figure phare de Modern Love nous démontre une dextérité sans faille sur toute son heure de set. Il combine ses fameux moments planants – mais jamais ennuyants – avec des drops ultimes de basses crasseuses, se frottant et s’affrontant aux enceintes dans un coite presque marital.

Peut-être parce qu’on s’éloigne ici d’une rythmique “classique”, le très calme public italien (encore à l’apéro sur les coups de minuit) a du mal à décoller et demeure plutôt stoïque devant Andy. Nous, on reçoit et on aspire ces vibrations sombres et tremblantes une par une, jusqu’au morceau du set qu’on attendait tout particulièrement : “Faith In Strangers, chef-titre de son dernier album.

Un moment magique qui ne dure qu’une poignée de secondes, et puis on repart de plus belle dans les expérimentations industrielles très typiques de la ville d’origine de l’artiste, Manchester la mythique.

 

Nicolas Jaar et des écrans d’Iphones

À l’image des sets du vendredi dont on vous décrivait déjà le côté lent et soigné, Nicolas Jaar prend lui aussi son temps. Mieux, il semble s’amuser de voir son public survolté baigner dans un océan de sueur, tandis qu’il construit une longue introduction, refusant de céder à la facilité du drop. Les portables se dégainent à tour de bras, au point où on subit ce moment désagréable où la seule manière d’avoir un visu sur la scène est à travers l’écran d’un inconnu – lui-même bien décidé à tenir son Iphone à bout de bras jusqu’à ce que crampe s’en suive.

Indifférent à ces tribulations, Nico continue de prendre son temps avant le décollage, et entame la première demi-heure sur une base rythmique assez linéaire. Demi-heure au bout de laquelle déboule enfin un track distinctif : “No One Is Looking At You”, extrait de son Nymphs II sorti plus tôt cette année.

Sur ce DJ set où peu de ses productions seront jouées, une autre track de maître Jaar nous enchantera particulièrement : son magnifique remix d’une des plus belles chansons de Cat Power, “Cherokee”.

Jaar finira son set comme il l’a commencé, sans trop forcer. Parfois aux dépends d’un public qui attendait l’américano-chilien comme le Messie, et aurait bien aimé se déhancher, plutôt que de passer le gros du set à observer le lightning stroboscopique – certes joliment arrangé pour l’occasion.

 

Jeff Mills, dernier des mohicans techno

Heureusement, Papa Mills qu’on a croisé plus tôt dans la journée – lors d’une conférence sur la génèse de la techno à Détroit – est là pour rattraper les énergies fuyantes. Il est déjà 3h, la mission de redonner un coup de sang aux habitants éphémères du Lingotto semble s’imposer.

Jeff Mills nous livre comme à son habitude un set dantesque, nous prouvant – si jamais on en doutait encore – qu’il est bien le Padre, voire le dernier des mohicans de l’originelle scène techno. Nos jambes mises à mal par les courbatures peineront à tenir jusqu’au bout, mais on retient ce set de clôture comme un rafraichissement dans ce week-end ayant parfois un peu occulté notre amie techno.

Comme vous avez pu le constater sur nos précédents reports, notre expérience du Club To Club et de sa maison mère italienne est plus que positive. Nous autres français sommes certes diggueurs de festivals, mais on oublie souvent de regarder de l’autre côté des frontières pour découvrir les offres “de l’ailleurs”.

Pourtant, au delà des grands noms dont la sphère mélomane hardcore rêve la nuit (Sonar, Dimensions, Sziget, entre autres), d’autres options existent. Et se révèlent parfois être bien plus belles et dépaysantes. Bref vous l’aurez compris, vous nous retrouverez sûrement du côté de Turin l’année prochaine.