On est parti en excursion sur la côte bretonne histoire de voir à quelle hauteur le Festival Astropolis avait placé la barre cette année. Le plus ancien et respecté des festivals français de musiques électroniques organisait sa 22ème édition et nous a rapidement prouvé qu’il n’avait pas pris une ride.

On arrive pile poil au coucher du soleil le vendredi, juste le temps de nous adapter au climat maritime rythmé par les va-et-vient des mouettes, et de se fondre dans l’ambiance festivalière brestoise qui s’accentue au fur et à mesure que nous nous approchons des docks. Nous voilà déjà en plein cœur de la nuit Brestoise.

Astropolis organise pour sa première nuit deux soirées dans deux lieux différents mais très rapprochés. On commence par se diriger vers un endroit aux allures d’after : La Suite. Lieu assez petit et compact sans pour autant être plein à craquer, on remarque que la qualité du son y est bien maitrisée. Nous assistons au DJ set pointu de Mad Rey, la révélation du collectif parisien DKO Records qui retourne cette première moitié de soirée. Si l’on compare avec ses derniers lives, Mad Rey semble plus intéressant à voir en tant que DJ, sa sélection se soignant de belles pépites house et raw house, en passant par quelques edits soul. On confirme que Neue Grafik a fait un très bon choix en lui proposant de réaliser la première sortie de son label fraichement né VERTV.

S’il y a un duo de DJs que vous pouvez voir et revoir les yeux fermés, c’est bien le couple germano-suédois Roman Flügel B2B Axel Boman. Ils prennent les manettes dès 2h du matin pour une deuxième partie qui sonne bien allemande : de beaux edits de Permanent Vacation et de Pampa y passent, tout comme des morceaux classiques et sombres de Correspondant. Intéressant de voir ces deux compères dans une petite capsule de nuit Brestoise, quand on s’était plutôt habitués à les voir officier sur de grandes scènes.

Tom Trago qui devait assurer la fermeture n’ayant pas pu venir, nous décidons de nous diriger vers la sortie. Et pensant la soirée terminée, c’est avec grand plaisir qu’on tombe sur un petit after improvisé sur un des terrains vagues des docks. Soundsystem poussé avec la batterie d’un Vito, techno galopante, alcool de plus en plus fort et bonne ambiance pour clôturer ce premier soir.

Après un petit bain de soleil au jardin de l’Académie de Marine, surplombant la mer et devant le DJ set sombre et minimal de Maud Geffray, puis une sieste bercée par les vinyls du collectif Imput Selector dans un square où l’herbe est plus confortable qu’un fauteuil Eames, le temps des hostilités est venu : nous nous dirigeons vers le site historique des nuits du festival, le Manoir de Kéroual. On arrive a temps pour le live de Plaid, duo ayant tout juste sorti un album chez la grande maison Warp. L’atmosphère sonore et l’interprétation de certains de leurs titres est assez intéressante sur scène, mais le duo maintient une ambiance lente et progressive qui manquera en fin de compte d’un peu de pêche.

Un autre duo suit juste après, les mystérieux suédois SHXCXCHCXSH, cachés sous des tenues d’escrime, parés à nous envoyer leur déluge sonore sur fond de visuels apocalyptiques. Leur set retourne effectivement les esprits, et en appelle quelques autres de l’au-delà. Et bien que nous trouvions la techno/noise nordique de plus en plus fade et terne en ce moments, le duo a le mérite d’emplir son set d’éléments sonores riches, en travaillant les basses et les vibrations qui sonnent a merveille.

On se dirige vers l’espace chill out, qui se consacre cette nuit à la compilation annuelle de Kompakt, « Pop Ambient ». On y découvre une magnifique sélection de morceaux assez calmes et doux pour une sieste peinarde du dimanche, ou encore pour de longues heures sur la route – c’est d’ailleurs à ce juste titre que le label Rush Hour nomme ses compilations de la même trempe « Musik For Autobahns ». Dommage, l’espace dédié à Kompakt était rempli de festivaliers assis en pleine discussion, la musique ne passant qu’au second plan des priorités sonores. Difficile donc de se plonger davantage dans les sélections de Triola, Unland, et du live du respecté Volfgang Voigt.

L’entrée maritime est arrivée sur la côte et la pluie se met à tomber tandis qu’on bascule lentement sur la deuxième partie de la nuit. On fuit se réfugier sur la petite scène « tremplin » pour voir Blutch en back to back avec Cuthead, cidre local à la main. Là aussi, la cohésion du duo est forte en apparence, et malgré la petite taille de la scène, les deux passent un très bon moment – partagé avec le public. Le show nous confirme que Cuthead est aussi pertinent en live qu’en DJ set, et sa sélection plutôt captivante.

Il est temps de nous diriger vers la scène principale du festival, idéalement située dans la cour même du manoir délabré, et prise d’assaut par les festivaliers. Une bonne partie de la soirée sera consacrée au live du trio parisien Unforeseen Alliance et à l’étoile montante Helena Hauff. Quant à nous, on s’y précipite pour voir le vétéran Emmanuel Top, producteur et DJ sur le retour après son succès international à la fin des années 1990, dû entre autres aux deux tubes « Turkish Bazaar » et « Acid Phase ». L’univers auquel nous nous attendions est bien là : une techno bien acide, voire transe et galopante, qui en a ravi plus d’un. La punchline « Rave Up » du festival prend toute son ampleur grâce à ce set.

On se balade encore, on passe sur quelques scènes où l’humeur est trépidante et boueuse, le tempo avoisinant les 150 voire 170 BPM – comme pour nous annoncer que le jour se lève mais qu’on peut encore remettre le sommeil à plus tard. On finira ses notes par un closing du respecté d’Andrew Weatherall, toujours en forme et de bonne humeur même à 7h du matin. Et il y a de quoi : la cour du manoir est toujours bien remplie.

Malgré un court séjour, on a bien profité de l’expérience Astropolis et de cette partie extrême ouest de la France où les festivités se déroulent sans prise de tête. On en retient des voyages sur des terrains musicaux bien connus mais sans concession, efficaces, le bon accueil et l’organisation en prime. Il ne manque qu’à la partie Jour du festival de se développer davantage et de chercher des programmes plus conséquents, voire un cadre précis. Peut-être dans cet élégant domaine de Kéroual, qui serait sans doute tout autant brillant de jour.

Crédits Photos : Mathieu Le Gall