Il est de ces fêtes qui deviennent des rassemblements, de ces rassemblements qui deviennent des incontournables, de ces incontournables qui deviennent des intemporels. Astropolis est tout ça à la fois.

Avec son festival qui, depuis 21 ans, est le plus vieux festival à faire vivre le quatre temps en France, Astropolis a su devenir grand tout en cultivant cet esprit rave et cette place centrale que tient l’humain.

Loin des festivals/machines et tous les « plus grands rassemblements », Astropolis est de ceux qui vous offrent une fête complète, de qualité, mais surtout une poignée de moments uniques que vous raconterez à vos enfants au coin du feu, ou en les accompagnant au mythique Manoir de Keroual.

C’est là et nulle part ailleurs qu’un petit apéro en fin d’après-midi se transforme en rave sauvage, que les artistes ne veulent plus quitter la scène car même l’heure avancée ne peut freiner le public et son amour de la fête. Tous les ans malgré un nombre de spectateurs toujours plus élevé, on retrouve une proximité unique avec les artistes, l’organisation, et le reste du public déterminés à raver coûte que coûte, contre vents et marées.

Edito par Etienne Coignec

Lorsqu’on m’a dit que le Weather n’était qu’un échauffement pour Astropolis, je n’ai pas compris. Après trois jours de fête à la pointe de la Bretagne, j’ai pigé.

Vendredi 3 Juillet : Bunker Palace / Astroclub

Dès le premier jour – après le set surprise de Manu Le Malin qui nous rabâche qu’Astropolis est la « dernière rave en France » – le Bunker Palace prend place à La Carène. On arrive pour le set d’Apparat qui nous embarque avec une techno assurée. S’en suit le live de Madben, breton d’adoption depuis sa signature sur le label Astropolis Records. Entouré d’une cage en toile de plusieurs mètres de hauteur sur laquelle maping et jeux de lumières se chassent, il nous livre une performance remarquable. Le public maintenant au complet est conquis et acclame la fin d’un voyage trop court, avant de se lancer corps et âme dans le dernier set offert par le talentueux Dixon.

Quelques centaines de mètres plus loin, on rejoint L’Astroclub qui lui se termine à 7h. Malheureusement John Talabot et Recondite ont déjà joué, mais nos regrets sont vite balayés par la puissance de DVS1. Le russe transforme le club bondé en hammam et tout le monde en redemande. Le rythme toujours en tête, on laisse le lever du soleil nous raccompagner en pensant déjà au lendemain.

Samedi 4 Juillet : Beau Rivage x Piknik Electronik / Manoir de Keroual

On se rend au jardin de l’Académie de Marine pour le Piknic Electronik, toujours un peu déçus de ne pas pouvoir se dédoubler pour assister au concours de pétanque du Mix’n’Boules, ou retomber en enfance pour participer à l’Astroboume réservée aux petits. Cet open air face à la mer sous le doux soleil breton nous semble toutefois la meilleure chose à faire et les 2000 personnes présentes nous le confirme. Le son s’exporte au cœur de la ville et ça tape incroyablement bien et fort. Cette techno mesurée fait très vite partie de l’atmosphère et devient un fond sonore qui ravit nos oreilles et ne dérange personne. Une très bonne vibe souffle vers le large, simple mais efficace pour doucement commencer la soirée. A 20h, la musique s’arrête au grand regret de toute cette foule dansante qui aurait préféré continuer à se déchaîner sur le set d’Eekkoo, producteur montréalais ramené par la team du Piknic Electronik et qui nous a franchement régalé. Belle découverte.

Beaurivage Astropolis festival 2015

Une pause s’impose avant de se rendre au célèbre Manoir de Keroual. Brest s’est métamorphosée : les ravers se promènent dans le centre de la ville bretonne à la recherche de ravitaillement. Astropolis est partout : sur les trottoirs, dans les bars, rues, commerces et dans les parcs. Brest vit plus que jamais et atteint son apogée : ça transpire la fête, la bonne humeur, les jeunes et les moins jeunes, la fête, la fête et encore la fête.

Dans la navette qui ne paye pas de mine, c’est la guerre avant le lancement même du premier boulet de canon. La fête au cœur des bois de Keroual a déjà commencé. Une trentaine de personnes surexcitées font trembler la navette qui ressemble beaucoup plus à une boîte de nuit. Ça tape contre les vitres en rythme et ça mime les beats d’une techno improvisée. Bienvenue à Astropolis ! On baigne dans un trip à prendre au second degré – c’est n’importe quoi ! –. Un joyeux bordel qui annonce l’intensité des heures à venir.

La navette nous dépose à l’orée du bois et lâche les lions qui se précipitent sur la dernière ligne droite avant l’entrée du festival. Sur la route, j’ai l’impression d’être au fin fond de nulle part, exilée – pour mon plus grand plaisir – le temps d’une bien longue soirée.

Le Manoir de Keroual Astropolis

Arrivée au manoir à 23h00 à peine passées, j’ai tout simplement halluciné sur la beauté – nous pouvons le dire, c’était incroyablement et simplement beau – du site. Une scénographie enchanteresse à couper le souffle. Ça irradie de partout et c’est si verdoyant : les multiples arbres scintillent, le spot est grand sans être immense. J’aperçois un stand d’auto-tamponneuses, un grand manège, les différentes scènes où s’agitent déjà des milliers de personnes et enfin le fameux manoir qui m’a vraiment tapé dans l’œil. Vivre un festival au beau milieu d’une bâtisse datant du XVe siècle, ça change un peu du bois de Vincennes. Un bois mystique et psychédélique pour l’occasion est la cause de cette ambiance hors du commun. Maintenant fini de vagabonder, il est grand temps d’aller taper du pied.

Pour commencer, un petit détour par la scène Mekanik où termine Koudlam suivi du live d’Extreme Precautions aka Mondkopf qui nous plonge dans un univers profond et mental, préparant tout juste nos neurones aux prochaines hostilités. On change de style, direction l’Astrofloor pour cueillir Sonic Crew, le trio brestois pilier du festival qui balance une électro/techno si mélodieuse et élégante. Des synthés apocalyptiques couplés aux beats qui s’accélèrent, le public bouillonne et ça ne fait pas semblant de danser. On vire vers la cour du manoir qui est pleine à craquer, impatiente d’acclamer un des princes de Détroit, Robert Hood, qui a conquis une fois de plus une foule qui jubile : un live insolent mêlant Chicago et bien évidemment Détroit, la puissance et la justesse à la fois.

Après une telle lourdeur on se résout à reposer brièvement nos corps et à aller soutenir la France : direction la scène tremplin pour écouter son parrain Oniris, remarqué chez la team d’Astropolis Records il y a deux ans et avec laquelle il signe un petit bijou. Une techno tant rythmée que mélodique, moins lourde mais tout aussi efficace. C’est parti pour le spécial acid set de Boys Noize, parce qu’un peu d’acid ça ne fait jamais de mal. L’Astrofloor est de nouveau rempli d’un public effréné porté par un set techno acidulé et assez sombre, qui bourdonne en continu dans nos tympans.

astrofloor astropolis

On enchaîne avec Loco Dice avant de bifurquer sur la scène de La Cour pour le set de Paul Woolford histoire de se trémousser plus gaiement au lever du soleil. Pas le moment d’être fatigué, Lil’ Louis débarque au petit matin et réveille la Bretagne en mêlant house, techno et minimale… Une reprise de Plastikman bien loin de nous avoir laissés indifférents, de même qu’une fabuleuse track qui a fait chanter tout le public au petit matin: « This is house or Techno ? ». Sacré Lil Louis qui finit torse nu, en transe derrière les platines et devant un public reconnaissant qui brûle ses dernières calories pour le papa de la House Nation. Merci.

Je traîne çà et là, mes tympans sifflent, le spot est dévasté : la 21ème rave a bel et bien eu lieu et pour la première fois mais certainement pas la dernière, j’en faisais partie. Des visages tout aussi ravagés que l’espace mais au travers desquels on peut lire l’amour et la nostalgie d’une si belle fête qui touche déjà à sa fin. Astropolis au manoir de Keroual, c’est effectivement tout ce que j’avais pu lire et entendre avant de m’y rendre : cette ambiance intimiste de rave party portée par ces ravers qui savent véritablement faire la fête et qui ne se regardent pas le nombril. Du respect, beaucoup d’amour et un « je-m’en-foutisme » qui dit simplement « je suis ici pour danser ». Ah Astropolis, tu m’as fait rêver.

Dimanche 5 Juillet : Croisière Domingo/ Cabaret Sonique

Avec quelques heures de sommeil et deux jours de fête derrière nous, on décide de prendre l’air en mer à bord de la Croisière Domingo. Les angevins ont comme à leur habitude mis du cœur à l’ouvrage pour la préparation. Coté son, le Montréalais Phil Phiction pousse tout le monde dans le sens de la houle et les premières courbatures s’effacent pour que la danse prenne place. La technique est remarquable et les morceaux toujours bien placés, les 200 personnes à bord sont définitivement de retour dans la partie. C’est au tour de Beaujean de s’installer aux platines, et l’angevin sait vraiment s’y prendre. Une fois aux commandes, il transporte la croisière dans une autre dimension aussi planante que dansante qui ne cesse d’étirer les sourires. La balade en mer se termine par le set de Carlos Nilmmns, entre les îles sauvages de la rade de Brest ensoleillée. L’écossais remet définitivement tout le monde sur pieds. Avec un énorme sourire et un grand cœur, il donne tout et régale tout le monde, à tel point qu’une fois le bateau à quai il continue de mixer pendant une heure. Le temps pour le crew Domingo de remercier les passagers avec un open bar servit par les membres eux mêmes. Dans ce cadre magnifique l’ambiance est parfaite, et on a définitivement hâte de retrouver le collectif ailleurs. Les quelques doutes du réveil difficile sont effacés, c’était bien la meilleure manière de se remettre de ses émotions tout en préparant le Cabaret Sonique du soir.

boat croisiere domingo astropolis

Le fameux closing au Vauban ou plutôt dirons nous ici « nuit de clôture », dans ce mythique hôtel brestois au sous-sol dévergondé.

Fatiguée, je découvre un lieu convivial où l’ambiance est confinée, douce et énervée à la fois. C’est la première fois que je mets les pieds ici et pourtant je me sens chez moi. Majoritairement peuplée de Bretons et même de Brestois, la salle se remplie progressivement. Un public encore engourdi par les merveilles de la veille se retrouve et s’échauffe calmement sous les sonorités de Clara 3000 puis sur le live du canadien Fairmont qui fût remarquable. Une techno très progressive qui prépare tout juste son public à la dernière extravagance du weekend : le set de The Driver aka Manu le Malin, évidemment. Le parrain d’Astro balance une techno aux revers hardcore pour nous montrer que même lorsque la fête se termine, il y en a encore. Finalement loin d’être cassé, le public énergique se presse et se donne une dernière fois. Des sourires en pagaille, des hurlements, l’atmosphère est si joyeuse bien qu’un poil nostalgique. Dans quelques minutes Astropolis#21 ne sera qu’un merveilleux souvenir.

verchere astropolis festival 2015

4h passées, notre driver baisse le volume de sa techno énervée avant de balancer du Salvatore Adamo et de chanter en chœur avec nous « Mon Amour, il n’y a pas d’amour sans peine ». Il paraît que le patron du Vauban en est fan, sorte de tradition. On finira tous par s’asseoir par terre en tapant des mains pour lui en demander une dernière. Manu Le Malin aussi fait signe à l’ingé son pour pousser encore un peu mais finit par nous applaudir et nous dire merci, enchaînant les poignées de mains. Une très belle nuit résumant trois jours d’une réalité qu’on a tous laissée s’échapper, mais c’est donc ça Astropolis : Un adieu – temporaire – au monde réel.

Astropolis est né il y a 21 ans, comme moi, et je crois qu’il n’est jamais trop tard ou trop tôt pour raver.
À l’année prochaine !

Si vous aussi étiez à Astropolis 2015, n’hésitez pas à partager votre expérience et votre avis sur ce festival, et pour les autres si vous avez questions, les commentaires sont là pour ça !

Crédits Photos: Alban Gendrot, David Souenellen et Verchere