Fermez les yeux et concentrez-vous deux secondes sur la chose qui va suivre : que visualisez-vous quand on vous dit r’n’b ?  Des minettes un peu trop dénudées, camées à l’auto-tune ? Des chansons à la limite d’être tartes, pourvues d’un clip vulgos-kitch à base de seins, de fesses, de fesses et de seins ? Pas franchement ragoûtant, si on se place de ce point de vue là.

Pourtant, le bon r’n’b a existé à une époque. On vous citera bien volontiers quelques noms comme Aaliyah (paix à ton âme, toujours les meilleurs qui partent en premier), Jamelia et on se risquera même à placer les madeleines de Proust : Destiny’s Child et Brandy & Monica.

Alors comment ces bonnes dames ont-elles réussi à se distinguer dans cette avalanche permanente de jeunes-filles sur le marché de la musique commerciale ? Grâce à un bon producteur, l’instrumentale qui dans d’autres titres « comble le vide » – comme pourrait le faire un joli pot de fleurs dans un appartement art-déco-minimaliste – est extrêmement soignée chez Aaliyah et ses consoeurs. Ne se contentant pas de soutenir (ou masquer) la voix, elle fait partie intégrante du titre : une instrumentale réfléchie c’est ce qui donne tout le sel d’un bon morceau r’n’b.

The Code, le duo de producteurs anglais qui monte en ce moment, a très bien compris le principe et nous livre aujourd’hui une mixtape/album qui pourrait très bien redonner ses lettres de noblesse à un R’n’B qui se meurt. L’instrumentale sur « 1/11 », relève tout simplement du génie. Parfois un peu évidente sur des titres tranquilles comme « Her » où on aura tendance à abuser du schéma “battements de coeur – piano – nappes électroniques langoureuses”, elle est extrêmement intelligente sur la totalité des morceaux. Loin de copier les mélodies r’n’b qui nous avaient fait vibrer autrefois, le duo rénove les fondations, retape la façade, en les associant à une musique électronique moderne qui oscille, aussi aérienne que sombre, entre chillwave et techno. Mention spéciale à l’imparable « Run » qui en plus de ses rythmiques tendancieuses, fait l’amalgame des deux styles et promet un voyage à travers les époques. Au delà du r’n’b, « 1/11 » puise clairement sa source dans la black music : on pourra identifier de la soul dans ces voix enfiévrées, et même du rap dans certains morceaux de bravoure. On pense notamment au titre « Gravity » un melting-pot génial de vocalises, de rythmes suaves et de G-Eazy qui rape comme un damné sur fond de mélodies futuristes.

Les années 2010 et ses bpm toujours plus rapides, ses basses toujours plus puissantes, avaient sonné le glas d’une époque où on prenait le temps de charmer, de faire la cour à son auditeur. On croyait  le r’n’b mort pour de bon, mais The Code et les visionnaires The Weeknd, Drake ou Ben Khan viennent de le déterrer…Pour de bon ? On l’espère aussi.