L’un des festivals électroniques les plus iconiques de Paris, le Weather, s’est déroulé à La Seine Musicale à Boulogne le 27 avril dernier. Entre scénographie démesurée, lieu insulaire et line up de qualité, le Weather cette année a changé sa formule, se concentrant sur l’essentiel, réduisant le superflu.
On évitera de rentrer dans le débat des arrêtés préfectoraux et de l’alcool (ou du manque de) servi pendant le festival, écueil qui peut arriver à n’importe quel organisateur surtout lorsqu’il choisit un lieu public comme site de son événement. Les organisateurs s’expliquent là-dessus dans ce communiqué.
Le Weather LSM a en tout cas su s’approprier la Seine Musicale, terrain de jeu encore inconnu pour un festival de musique électronique. Trois scènes étaient installées : la Whormhole, la Blossom et la High/Light. Scène la plus large, la Whormhole s’impose dans le dôme immense, arborant un écran démesuré et captivant, incliné sur le mur et le plafond derrière l’artiste. L’immensité de la salle offrait un terrain de jeu redoutable pour le public, qui oscillait entre les faisceaux de lumière et les ondes musicales rebondissantes, dans une acoustique presque parfaite. La magie a tout de suite opéré à notre arrivée pour Lanark Artefax, qui présentait son show A/V. Un écran en forme de miroir se tenait debout devant nous, on pouvait y voir des lignes craquelantes gigotant entre elles, comme enfermées dans un étau de lumière, tentant de s’extirper par la 3D. Une musique fragmentée, ciselée, comme une impression de torture sans fin, un aspirateur d’énergie solaire en plein mois de juillet. L’expérience est intense et nous emporte.
Une fois terminée, on se balade sur le site, la scène Boiler Room est un peu enclavée, dans un couloir. On entend au loin des sonorités house et groovy, ca ne nous interpelle pas plus que ça. On préfère descendre pour les premières notes de Clara 3000 dans la scène High / Light, en contrebas. La scène est bas de plafond, la scénographie Physis d’Absolut est à peine visible, la largeur de la salle s’étend jusqu’à une baie vitrée donnant sur la Seine, avec des poteaux éclairés et des jeux de lumières. Clara démarre doucement avec une deep house légère, à peine lancinante, dans les tons froids. La piste est encore molle et le beat ne nous atteint pas, on préfère s’aventurer vers la scène principale où Deena Abdelwahed a déjà pris les commandes.C’est une révélation, un tonnerre de génie qui emplit la salle ovale. La productrice tunisienne qu’on avait croisée il y a deux ans seulement sur la plus petite scène du Sonar occupe maintenant la première place et pose fièrement un set techno excitant. Elle joue ses rythmes techno breakés avec des mélodies orientales, envoie valser les BPM puis reprend le contrôle sans crier garde, imposant son rythme et ses directions. Deena a tout d’une chef d’orchestre et on se laisse porter ce jeu de rôle qui s’opère petit à petit avec elle. Des premiers fourmillements se ressentent dans nos extrémités corporelles, l’effet du Weather commence à opérer.
Weather Festival ©Rémy Golinelli
On décide de changer de scène et d’aller voir ce que Bonaventure nous conte. On suit de très près ses différents mix et on a dévoré son dernier album sorti sur Planet Mu, une visite était donc de rigueur. La productrice suisse déborde d’énergie comme à son habitude et fait sursauter toute la scène avec ses vibes dancehall. Un vent de genoux fléchis, de cris de Bissonabisso et de smiley faces souffle sur la scène. Dans les pas de Gigsta que l’on n’a pu voir mais qui est rediffusé sur Boiler Room, elles s’est donnée à coeur joie pour soulever les culs coincés.
C’est au tour de Kink de tout donner avec ses machines plein le booth. Le live légendaire du bulgare tiendra toutes ses promesses, et bien plus encore. On ne sait jamais à quoi s’attendre, mais là c’est presque surréaliste. Deux mains vont électriser des milliers de festivaliers pendant plus de deux heures, insufflant des montées d’électrochocs en électrochocs, comme un arrivage constant de jus vitaminé dans le sang. On ne tient plus en place, on se faufile au devant la scène et on ne quitte plus l’artiste des yeux, ses gestes communiquant l’onction de danser. La foule est hypnotisée, d’autant plus lorsqu’il clôture sa magie avec un morceau d’une dizaine de minutes, planant, ambient, presque féérique.
On ne sait pas comment rebondir face à tant de talent, on se dirige vers le très attendu B2B entre Octo Octa et Eris Drew. Les deux DJs nous font ressentir tout de suite leur passion dans leur mix house très coquin. Une odeur de cul semble envahir la scène High Light du Weather LSM, on pourrait presque sentir venir une scène du Parfum. Un danseur effréné se met à faire du voguing, et on tente de le suivre, trouvant ses pas terriblement accordés à la saveur du set des deux protagonistes. On avait encore jamais ressenti ça, quel plaisir ! On est déboussolé après toutes ces expériences intenses, et l’on finira notre festival sur une touche musicale plus mentale, celle de Daniel Avery. L’anglais frisé n’a pas pris de risque, il a joué ce qu’il savait jouer, à l’image de son dernier album Alpha : des nappes continuelles de synthés, de la deep techno spatiale bien allongée. Le soleil s’est déjà levé, et l’on observe une dernière fois la Seine depuis cet îlot musical. Comme une parenthèse dans la ville, comme une parenthèse dans la nuit : plus on s’éloigne, plus le flou s’installe, mais les sensations restent.Crédits Photos : @Rémy Golinelli