Le rap d’outre-Rhin doit faire à l’export avec l’inconvénient de la langue allemande, qui n’est pas toujours des plus mélodieuses pour les oreilles occidentales. Pourtant, une fois passée cette barrière d’entrée, l’underground allemand affiche une variété affolante. On vous propose donc un petit tour de quelques têtes de l’underground local :

 

Curly

curly

Une dégaine improbable, une barbe peu soignée, des sweat XXXL et des odes incessantes à la weed. La comparaison entre Curly et Action Bronson se trace aisément. Comme peuvent le faire un Curren$y ou un Smoke DZA, Curly consacre la plupart de ses textes à la gloire de l’herbe. Pourtant, aucune formule-type ne transparaît dans ses sorties malgré la montagne d’influences qui s’offre à nous lors de l’écoute. On va d’ailleurs jusqu’à entendre l’influence et les sonorités électroniques du grime sur le premier single de son album « Wie Ich ».

Son nouvel album Munchies, sorti le 17 février, fait ainsi étalage des différentes ambiances du rap moderne sans jamais tomber dans l’écueil du patchwork. Au contraire, une ambiance générale concise règne tout au long de l’album à travers la richesse du travail sur les beats, fournis par Max Mostley, Enaka et parfois même Curly lui-même (sur deux morceaux).

Tout ça nous est servi avec une touche d’humour et d’autodérision qui n’est encore une fois pas sans rappeler Action Bronson, surtout dans le clip de « Munchies » où le rappeur et son singe subissent la fringale post-fumette sous les coups d’une instru trap et celeste.

 

Rin

rin

Rin est LE rappeur Hypebeast par excellence, à écouter en portant du supreme et du VLONE. Membre du crew Live from Earth tout comme Yung Hurn, Rin adopte un style résolument moderne. Avec un cloud rap peuplé de name dropping de marques hypes et de rappeurs américains, il est peut-être le plus américain des rappeurs de cette sélection. Son dernier single, la bombe « Blackout » avec un refrain hypnotique où le titre de la chanson est répété en boucle, s’inscrirait sans broncher dans la plupart des tapes US du moment.

Dans son dernier EP Genesis, sorti l’année dernière et toujours disponible en téléchargement à prix choisi (ou gratuit), Rin laisse parler l’autotune pour installer une ambiance planante où sa voix devient un instrument qui s’entremêle au synthé, non sans rappeler Travis Scott – notamment dans l’utilisation extensive d’adlibs bien personnels. Même sur « Don’t Like », single de l’EP en hommage à Chief Keef, Lex Lugner nous offre une prod chill sur laquel Rin plane avec un flow élastique.

 

Yung Hurn

yung hurn

Certainement le rappeur le plus protéiforme du rap allemand, Yung Hurn multiplie les projets, notamment avec ses alias K. Ronaldo pour les morceaux les plus weird, ou Johnny5 pour le boom bap à l’ancienne. Yung Hurn vient de présenter avec son nouvel EP, Love Hotel sorti le 14 mars, son projet le plus consistant. Toujours allié à Lex Lugner à la prod, le leader de Live From Earth nous livre un projet très aérien, sur lequel il nous livre ses états d’âme et ses difficultés en amour. Un programme et des sonorités qui laisse parfois entendre l’influence de Yung Lean, un autre weirdo du cloud rap européen.

Tout comme son compère Rin, Yung Hurn n’y va pas de main morte avec l’autotune, et la plupart de ses morceaux nous plongent dans de grands espaces entre les énormes 808, les nappes de synthé moites et les percussions envoûtantes inspirées de ce qui se fait de mieux du côté d’Atlanta. Tout comme chez Yung Lean, on retrouve une voix plaintive, et une esthétique à la fois absurde et soignée, propre à la jeunesse européenne.

 

Haiyti

Haiyti

La rappeuse dont le dernier EP Jango est sorti le 27 janvier est sans doute la plus agressive de cette liste. Le long des cinq titres dont les prods sont concoctées par Die Achse, Hayiti nous lache une trap dure et sombre. Contrairement à l’habitude allemande plutôt ennuagée, l’ambiance ici est claustrophobique. Hayiti sort des sons beaucoup plus orientés vers la rue, où elle nous décrit la nuit, le quartier et les dealos. Dans le premier single de l’EP, elle nous parle de ses conquêtes dans un refrain hurlé sur une instru à haute distortion.