Si on vous demandait là, tout de suite, de sortir une référence culturelle espagnole, combien d’entre vous citeraient Un, Dos, Tres en pôle position ? (Pour ceux qui se demandent si on parle de la série ou de la chanson de Ricky Martin : bravo, vous marquez deux points).

De la même façon que les étrangers nous emmerdent à tout va avec la Tour Eiffel, il est dur de se faire une idée d’une autre culture depuis sa propre tour d’ivoire, de laquelle on ne voit souvent que les traits grossis et stéréotypés.

Qu’on se l’admette, on entend assez peu parler d’artistes espagnols en France. Sur certaines scènes, quelques noms surgissent parfois dans les bouches et programmes internationaux, tels le dieu de la house espagnole John Talabot. Pour y voir un peu plus clair, on a décidé de se pencher sur la scène ibérique dans son ensemble – ersatz de Justin Bieber mis à part – pour vous dresser un panorama de ses artistes. Dans ce premier volet, on se consacrera aux groupes de pop, rock et affiliés.

La scène espagnole regorge de talents locaux, mis en valeur par quelques festivals comme Vida ou le Primavera Club. Mais comme il est d’usage pour la plupart des groupes émergents, peu dépassent les frontières du pays. En cause première la barrière de la langue, mais aussi un certain manque de démarcation face à la purulente scène anglo-saxonne.

Lo-fi/garage et très je-m’en-foutiste d’un côté, électro-pop et plutôt psyché de l’autre, on pourrait diviser les groupes espagnols en deux styles assez distincts. Styles eux-même répartis entre deux pôles : la capitale Madrid et le fief catalan Barcelone. Sans plus déblatérer, voici notre première sélection du meilleur de la scène musicale espagnole :

 

Hinds

Côté madrilain, commençons par le groupe qui fait le plus parler de lui à l’international : Hinds. Girlband décontracté et sans fioritures, les quatre filles font d’apparence office de version hispano-féminine de la clique Mac DeMarco. Et dans la musique ? Une pop elle aussi très affiliée au label Captured Tracks, même si l’ambiance lo-fi crasseuse de leurs premières démos les en distinguent un peu.

Fort de sa hype garage nonchalante, le groupe a déjà fait le tour des grands festivals – de Glastonbury à SXSW – et continue d’être plébiscité un peu partout. Reste encore à transformer l’essai avec un premier album, ‘Leave Me Alone’ qui sortira début janvier.

La mentalité yolo des Hinds se transmet assez clairement dans les deux vidéos suivantes, qui donnent plutôt envie de faire d’elles vos potes. Mais évitez de fixer trop longtemps, un ‘hey cabrón !‘ pourrait vous être gentiment balancé à la gueule.

The Parrots

Comme on vient de le voir avec Hinds, les espagnols ne renient pas le son crasseux. Mieux que ça, ils l’adorent : la tendance se confirme avec The Parrots, autre groupe de Madrid et pote des premières citées, avec qui ils partagent un deux-titres de covers bordéliques.

Le groupe dont le son garage évoque Ty Segall ou Deerhunter (période ‘Monomania‘) stagne pour l’instant encore au stade démos-EP. Et ses membres se donnent un plaisir à insister sur leur côté retro, en distribuant par exemple des cassettes de leurs compos. Old school jusque dans le format.

 

Mourn

Passons du côté de Barcelone. Si Hinds a la plus grosse cote internationale, Mourn s’installe sans peine à la seconde place avec une musique moins foutoir et plus travaillée, mais pourtant plus punk. Un bilan d’autant plus impressionant que la moyenne d’âge du groupe n’atteint pas la majorité, ce qui ne l’empêche pas de nous donner une leçon de teen punk bien énervé :

Après un premier album acclamé de part et d’autres (avoir pour fan le site Pitchfork ne fait jamais de mal), le groupe suit son bout de chemin et enchaîne lui aussi les dates à l’étranger.

 

Lost Tapes

Lost Tapes est un duo barcelonais dont les deux membres se sont échappés d’autres projets pour accoucher d’un son ambivalent : d’une légèreté indie-pop pas révolutionnaire, le groupe passe d’un coup vers un son plus brut, presque shoegaze. Tant et si bien que leurs compos donnent parfois l’impression d’écouter une compilation de plusieurs artistes.

Bref, si Pau Roca et RJ Sinclair sont assez peu clairs quant à l’orientation qu’ils veulent donner à leur projet, ils ont au moins le mérite de savoir brasser large dans la marre des sonorités pop/rock.

 

Boreals

La petite vingtaine, Boreals explore le champ des possibles de l’electronica/ambient avec un son qui s’étire sur de longues plages atmosphériques, parfois accompagnées de quelques guitares. En puisant ses influences dans le large éventail de groupes expérimentant les frontières entre post-rock et ambient (de Boards Of Canada à Fuck Buttons), le groupe donne vie à une musique immersive au possible.

 

Ocellot

Toujours sur Barcelone, Ocellot illustre la tendance typique de la ville avec ses morceaux synthpop à inclinaison psyché. Le groupe reste assez peu connu en dehors de la scène locale, qu’il incarne en chef de file. Il mériterait pourtant d’être populaire au delà des frontières espagnoles, tant il sonne comme une perle toute droite sortie d’Angleterre.

 

 

 

The Suicide Of Western Culture

Si la scène catalane reste variée, les influences communes de ses groupes se ressentent assez, voire très distinctement. Outre son nom génial, The Suicide Of Western Culture confirme et signe avec un style que le groupe décrit lui-même comme ‘lo-fi, post-rock, electronica’. Plus violente et aboutie que ses prédécesseurs, leur musique se passe de paroles, ce qui ne les empêche pas d’accoucher des meilleurs titres de morceaux qu’on ait vus depuis longtemps :