17 septembre 2016, à l’O2 Academy de Londres, Saul Adamczewski joue ce qui ressemble à sa dernière date en compagnie des Fat White Family. Quelques semaines plus tôt, à l’ombre du torrent médiatique qui emporte le groupe, le guitariste/chanteur annonce en effet son départ au groupe. Anticipant la chute, lassé de la lumière, qu’importe : Saul décide de se retirer après une dernière date, la plus prestigieuse. Une forme de sortie en apothéose, qui reflète assez mal la personnalité du musicien, plutôt prompt à fuir lorsqu’il s’agit de notoriété.
Comme beaucoup, Saul doit sa rencontre avec la musique à son environnement familial. C’est son père, designer de pochettes mais surtout collectionneur de vinyles, qui l’initie à Bo Diddley, les Beastie Boys ou encore Ian Dury & The Blockheads. Fort de ces influences fraîchement découvertes, il se lance à 15 ans dans la composition avec son meilleur ami, Jak Payne. Les deux compères ont à peine 18 ans lorsque leur groupe, The Metros, formé de 5 musiciens, explose au grand jour grâce à leurs premières démos. Et le destin faisant bien les choses, Baxter Dury se propose de les produire.
C’est à ce même âge que l’on déplore la perte d’une incisive de Saul Adamczewski, à la suite d’une baston qui éclate dans le van du groupe. Entre autres faits notoires, les jeunes Metros comptent une participation à l’émission de Lily Allen, un concert passablement éméché pour la marque Hilfiger et une tournée japonaise. Et malgré la réussite de leur premier album, More Money Less Grief, sorti en 2008, le groupe se sépare l’année suivante.
2009 est aussi l’année qui coïncide avec l’apparition des premières démos des sombres, éphémères mais non moins excellents The Saudis. Un groupe fondé par Lias Saoudi en forme de prémices des Fat White Family, où Saul se saisit de la basse pour quelques tubes confidentiels dont Myspace gardera jalousement le secret. En parallèle, notre sans dent effectue plusieurs apparitions en solo sous le nom de Saul Holocaust, et notamment au 12 Bar où il alterne anciens titres des Metros et quelques compositions.
Accompagné de l’ancien bassiste des Metros, Saul Adamczewski rejoint finalement l’armada Fat White Family en 2011. Peu après le premier album, on le retrouve au sein du mystique Warmduscher pour un album sorti sur le premier label des Fat White. Le groupe, encore une fois composé de quelques ex-Metros, excelle dans une forme de garage pop psychédélique dont seuls les londoniens les plus excentrés ont le secret.
Mais la Fat White Family n’attend pas, et la gloire comme la renommée non plus. Revoilà Saul parti pour une tournée sous les feux des médias. Mais ce succès, qu’il avait effleuré avec les Metros, il n’en veut pour rien au monde. Passé l’O2 Academy à Londres, Saul quitte définitivement le groupe.
Invité à réagir au départ de son fidèle acolyte, Lias diagnostique sans peine la situation sur Beats 1 : « Je pense que le fait de partir en tournée l’a [Saul] rendu un peu fou. Sa place est dans une chambre avec des instruments. C’est là qu’il est le meilleur ». Le leader n’exclut cependant pas de retravailler avec Saul à l’avenir.
Retour au home-studio donc, ainsi qu’à son Yamaha-PSS 560, et probablement au 12 Bar, là où il reste le plus épanoui : loin de la lumière médiatique. Probablement voué à l’anonymat pour toujours, Saul restera l’un des plus prodigieux et prolifique musicien de ces dernières années. L’enregistrement de son premier album solo sorti sur soundcloud, sous le nom de Insecure Men, lui a d’ailleurs valu la visite de Sean Lennon. Preuve que pour lui, le plus dur à atteindre n’est peut-être pas la lumière, mais l’ombre.