Sampa Tambo, dont le nom de scène Sampa The Great veut nous rappeler combien il est important d’avoir de l’amour propre, est une citoyenne du monde : née en Zambie, elle grandit au Botswana, étudie en Californie puis en Australie où elle se lance en tant qu’artiste. Elle est poète, auteur, interprète. En 2015, elle collabore avec le producteur Dave Rodriguez, établi à Sydney, et sort à cette occasion The Great Mixtape, d’abord en téléchargement gratuit puis sous forme de CD – soutenu par la label indépendant de Melbourne Wondercore Island. On y découvre un blues un peu psychédélique aux beats et aux sonorités expérimentales.

Ce premier essai la mène à travailler avec des rappeurs de la scène underground, en pleine ascension en Australie, comme REMI ou Urthboy, En 2016, elle produit deux EP : Weapon Chosen et HERoes Act One. Elle se démarque à nouveau par sa singularité, ses mots parlés ou chantés recréant un monde à part entière, parfois imaginaire, parfois très terre à terre.

L’EP suivant HERoes Act 2 se réalise sous la houlette du super producteur Kendrick Lamar, signe d’adoubement de l’industrie s’il en est. De quoi lui faire gagner en confiance puisque cela lui permettra de faire la première partie du chanteur, ainsi que celles de Thundercat, Hiatus Kaiyote, Ibeyi, Little Simz ou encore Fat Freddy’s Drop.

Forte de cette belle évolution, Sampa the Great revient avec une nouvelle mixtape, Birds and the BEE9 en novembre. Les douze titres sonnent comme une façon de nous faire patienter avant la sortie d’un album, en préparation pour 2018. Ses paroles fortes traitent d’identité, de culture, de racines. Elles croisent volontiers les frontières du blues, de la soul, du R&B, entre tradition et modernité. La voix de Sampa nous parle posément mais parfois vocifère, chante franchement et souvent rappe.

Le morceau d’entrée Healing fait écho à la musique africaine traditionnelle, avec une ligne de percussions soutenant la voix utilisée comme instrument mélodique et quelques mots isolés, chuchotés ici et là. Le mot « ancêtre » est l’un des fils conducteurs de la mixtape, et on en mesure le poids pour l’artiste lorsqu’elle s’interroge sur le morceau soul Bye River : How you supposed to be black down under ?. Elle trouvera quelques solutions dans la très douce chanson Black Girl Majik en featuring avec Nicole Gumbe.

On retrouve le rappeur REMI sur le morceau Flowers, dont le flow se marie parfaitement à l’instrumentale jazzy, malgré un message assez dur :

This is pride country
This is lion country
This is my country
Man
And you’re not my country man
False moves leave you buried where you currently stand
That’s just facts
Don’t take it personal

Il y a une forme de colère inhérente dans les revendications culturelles de Sampa the Great, à l’image du track Karma the Villain. Mais une colère constructive, capable aussi de se transformer en morceau presque pop, comme sur Inner Voice. La mixtape se clôture sur I Am Me, comme une façon de relativiser de façon plus légère, sur un beat encore taillé au sur mesure, et un refrain qui donne envie de danser.