La lecture d’un article intitulé “10 actions pour combattre le sexisme dans la scène électro” m’a rappelé l’existence d’une sorte de manifeste pour une fête plus inclusive, « Rave Ethics ». Réunissant une multitude de contributeurs éparpillés des deux côtés de l’Atlantique, ce texte nous montre à quel point le monde anglo-saxon est en avance en terme de réflexions et d’actions sur ces questions. Retour.

Le 12 juin 2016 à Orlando, le Pulse club, point cardinal de la communauté gay et lesbienne de la Floride, est le théâtre d’une des fusillades les plus meurtrières de l’histoire du pays. L’attaque provoque un choc pour la communauté LBGTQI à l’échelle nationale, alors que des élans de solidarités éclosent aux différents coins du pays.

Cet événement relance alors une question cruciale qui se pose aux communautés queers mais aussi féministes : existent-ils des lieux où il est possible d’échapper à la violence sociale et au harcèlement sexuel et moral ? Si ces problèmes touchent toutes les facettes de la société, c’est un rappel douloureux pour le monde de la fête, loin d’être épargné par cette problématique.

Le constat, réalisé bien avant l’attentat d’Orlando, est celui d’un monde qui exclue les minorités de l’expérience qu’il est censé offrir. Femmes, personnes racisées, homosexuelles ou encore trans, sont mises à l’écart, si elles ne sont pas exclues totalement par les multiples interactions qui se font dans les clubs ou raves – avec les videurs, les autres danseurs ou encore les barmans. En réaction à cet état de fait, ces dernières années ont vu de nombreux collectifs féministes éclore et prendre le problème à bras le corps, en particulier dans le milieu de la musique électronique. Cela s’est traduit par des collectifs s’organisant pour mettre en avant des artistes féminines, mais aussi par l’élaboration d’un discours qui promeut l’inclusivité sur le dancefloor. Rave Ethics en est le résultat.

“Take responsability for the energy you bring in-to the space”

Faisant le constat qu’il ne peut y avoir de « safe spaces », mais qu’il est nécessaire d’agir pour créer des « safer spaces », ce fanzine DIY s’adresse à tous ceux dont l’action peut améliorer l’expérience de la fête, soit tout le monde – des organisateurs de soirées aux personnes qui y participent, hommes comme femmes. Si les promoteurs et les personnes voulant s’adonner à la drague en club sont épinglés, c’est avant tout sur les fêtard-e-s en tout genre que la réussite de la soirée repose : « Take responsability for the energy you bring in-to the space ». Comme l’explique l’une des rédactrices, « il s’agit de se demander de manière collective: qu’est-ce que je peux faire pour aider ?

« Rave Ethics » donne un accès direct à ce que peut expérimenter dans une soirée une personne qui n’est pas blanche, mâle et hétérosexuelle. Écrit de manière sensible et spirituelle, ces textes permettent à la fois de faire un constat de ce qu’est la scène actuelle, et de ce qu’elle pourrait être – plus inclusive. Loin d’un hédonisme maximaliste, les principes qui animent ces militant(e)s de la fête se résument en trois mots : « Caring, Listening, Respecting ».

Cette œuvre n’est pas la première incursion des questions féministes dans le monde de la nuit sous cette forme. Le collectif londonien Siren a déjà publié deux numéros de son fanzine dont le but est de remettre en question la dance music à travers interviews, articles et illustrations percutantes (notamment « There aren’t enough female djs », ou encore le quizz « Are you a dancefloor dickhead ? »). Aux Etats-Unis, « Club Etiquette » en est déjà à son 6e numéro et aborde régulièrement ces problématiques. Alors qu’un consensus dépolitisant semble s’installer dans le monde de la musique électronique, alors qu’on commence à oublier les racines noires et homosexuelles de la dance music, il serait salutaire que ces discussions viennent s’installer en France.