Les sorties s’enchaînent à la vitesse de la lumière en cette rentrée 2017, au point qu’on aurait presque oublié de vous parler d’un des duos anglais les plus prometteurs de cette décennie, Mount Kimbie. Après quatre ans de silence radio (hormis sur les ondes de la BBC), le duo revient avec son troisième album, l’enivrant Love What Survives, sorti chez Warp.

À la fin des années 2000 et au début des années 2010, une nouvelle géographie musicale se dessine chez nos voisins d’outre-manche : une nouvelle forme de pop music qui puise aussi bien dans le dubstep, le trip-hop, l’electronica et même la house. Ses principaux artisans seront James Blake, Joy Orbison, Jamie XX, SBTRKT ou le groupe qui nous intéresse aujourd’hui, Mount Kimbie. Sorte de réponse involontaire à la vague dubstep inondant les dancefloors du Royaume-Uni, les producteurs Dominic Maker et Kai Campos aux commandes du duo accoucheront de Crooks & Lovers, un premier album aux sonorités kaléidoscopiques et au groove lancinant, acclamé par la critique et le public. À la manière de toute cette nouvelle génération de musiciens, ils évolueront rapidement vers d’autres horizons, continuant leurs mélanges jusqu’à donner vie au patchwork de genres qu’est Cold Spring Fault Less Youth.

Traçant de nouvelles perspectives au sein de la pop, ce disque les impose au sein de la scène internationale. Mais c’est véritablement Love What Survives qui est en passe de confirmer le statut du groupe dans l’histoire de la musique électronique. Il n’est pas meilleur que les autres mais se structure de manière plus traditionnelle, avec plus de respirations et d’espaces. Il cultive un flux émotionnel direct, assez différent des couches complexes de leur précédent album, tout en réussissant à varier les couleurs mélodiques pour un résultat impulsif et limpide.

On retrouve King Krule sur l’excellent Blue Train Lines, une plongée réjouissante et pleine d’ivresse dans une voix rocailleuse et habitée. Le duo se paye également les services de l’ami James Blake sur deux morceaux. Tout d’abord How We Got By, mélodie pudique qui constraste avec le reste mais éveille la curiosité, et puis We Come Home Together, mélange inattendu et séduisant de neo-soul et d’electronica.

Mais les réels trésors de ce disque portent plutôt les noms Audition, SP12 Beat ou Delta : de purs instrumentaux, traversés de jeux de guitare ensorcelants et de nappes synthétiques vibrantes. Deux autres artistes viennent apporter leurs voix, Andrea Balency sur le délicat You Look Certain (I’m Not Sure) et Micachu sur Marilyn. Et si c’est la première fois que les deux producteurs présentent autant de featurings sur un album, leur univers s’associe sans fausse note à ceux de leurs invités, pour façonner de nouvelles échappées sonores sans tomber dans un étalage de guests dispensables.

Sans rien perdre de leur originalité, Mount Kimbie parvient avec ce nouveau projet à trouver une spontanéité décisive qui les place au rang des grands producteurs anglais du moment. La récente expérience du duo comme animateurs de radio sur la BBC n’y est surement pas pour rien. Ils jouent désormais en permanence avec une belle variété de rythmiques, où s’ébattent leurs différents instruments avec une subtilité qui efface la frontière entre organique et synthétique. Porteur d’une émotion peu commune, Love What Survives est une collection virtuose de pop-electronica, un manifeste fort et entêtant avec une évidence mélodique rare.

Crédits Photo : ©Franck Lebon