Comme un ouragan, LAAKE dévoile une musique vive et mélancolique sur son nouvel album O, entre piano classique et musique électronique. Cet album, il l’a produit avec un orchestre, un vrai défi pour lui qui ne sait pas lire une partition, ayant appris la musique de façon autodidacte. Rencontre.

Comment as-tu évolué de ton premier groupe Spinal à LAAKE ?

Alors ce n’était pas mon premier groupe ! J’ai eu des groupes de rock quand j’habitais à Poitiers, et aussi plusieurs projets solos avant ça (un peu confidentiels certes), mais c’est le premier groupe que j’ai eu à Paris. J’ai crée LAAKE en 2014 alors que je jouais toujours dans Spinal (un trio post-rock). Il y a pas mal de choses qui ont changé en effet, en 2014 j’avais quelques petites compos électro qui traînaient sur mon ordinateur et on m’a proposé de faire un concert au 114, une petite salle de concert qui n’existe plus maintenant. C’est ce qui a véritablement lancé ce projet.

Depuis je n’ai pas arrêté de faire des concerts et de composer, produire, faire des clips de manière totalement indépendante. ll s’est passé pas mal de choses ces dernières années, beaucoup de concerts (un peu plus d’une centaine), deux EPs, un album, huit clips… Beaucoup de travail aussi, j’ai un peu du mal à prendre du recul car je vis ce projet à 100%. Mais je suis content de pouvoir faire ce métier, c’est énormément d’investissement mais aussi beaucoup de plaisir. Je pense sincèrement qu’il faut être patient et toujours voir la musique comme une passion, la faire pour soi-même avant tout, de manière à être le plus sincère possible. La musique est pour moi un objectif de vie depuis des années et j’ai attendu plus de 10 ans avant de tout lâcher pour ne faire que ça.

Quʼest ce qui tʼa convaincu de faire du piano ton instrument principal ?

C’est le premier instrument auquel j’ai été confronté, ce qui me plaisait avant tout c’est cette immédiateté qu’offre le piano, la possibilité de pouvoir jouer tout de suite. Je pense que c’est un des meilleurs instruments pour commencer la musique et pour aussi la comprendre. Le piano a été rapidement un exutoire pour moi, il m’a aussi permis d’évacuer toutes les émotions négatives qui peuvent parfois s’accumuler en nous.

Est-on donc condamné au spleen lorsquʼon est pianiste ?

Je pense que la musique est le reflet des émotions, du coup, je pense plutôt qu’on se met à faire du piano car on a le spleen ! C’est effectivement un instrument qui exprime très bien la mélancolie. Tout comme le violon peut inspirer le drame, ou les cuivres la puissance.

Dans ton nouvel album, tu fais entrer dʼautres instruments pour former un orchestre. Pourquoi avoir fait ce choix ? Comment as tu vécu la production avec dʼautres musiciens ? Ont-ils été réceptif à ta façon de travailler ?

Cette idée me trottait dans la tête depuis longtemps, j’ai toujours rêvé de jouer avec un orchestre classique et il s’est écoulé bien des années entre le moment ou j’y ai songé pour la première fois et maintenant. Je voulais ajouter de la dimension à ma musique, il y a ce côté dramatique, épique, puissant qu’apporte l’orchestre, et qui s’accorde vraiment bien avec le piano. Je voulais aussi faire quelque chose que je ne savais pas faire, je n’ai pas de formation classique et ne sais pas lire la musique.

J’avais également envie de jouer avec d’autres musiciens, c’est vraiment génial de pouvoir entendre sa propre musique jouée par d’autres.

Ça a été une épreuve très difficile pour moi car j’ai dû me mettre à écrire des partitions pour les instrumentistes sans avoir le langage nécessaire pour m’exprimer auprès d’eux.

Je pense que certains ont été un peu étonnés que je ne sache pas lire la musique, mais tout le monde a été réceptif, compréhensif et je pense aussi un peu amusé par cette situation, où je me suis retrouvé au final être le seul dans le groupe à ne pas savoir lire une partition. Ils m’ont bien aidé pendant les répétitions et l’enregistrement.

Lorsquʼon écoute ton nouvel album, on sent une portée assez magistrale, à tendance presque évangélique. Comment fais-tu pour donner cette amplitude à ta musique ?

Je pense que c’est clairement lié à l’orchestre, la musique classique, ce côté épique aussi très présent. Je n’ai pas de réponse particulière à cette question car je compose toujours de manière spontanée, sans me poser de questions, au final, ces parties orchestrales ne sont ni plus ni moins que des accords au piano à la base. Mais je dirais que j’essaye d’accorder beaucoup d’importance à la mélodie et de trouver un équilibre entre la répétition et le changement, entre la simplicité et la complexité. Il y a aussi effectivement quelques touches de lumières dans cet album (j’ai bien dit quelques !) qui donnent ce côté un peu plus positif sur certains tracks.

Tu as clairement mis lʼaccent sur la voix, parfois en double ton simultané avec une voix féminine, et les morceaux instrumentaux se font plus rare. Pourquoi ce choix ?

La voix est plus présente en effet, mon dernier EP PIAANO était uniquement instrumental, mais 69, le premier, était chanté. J’avais envie de mélanger les deux, que l’on ne me cantonne pas seulement à un musicien instrumental. Je ne me prétends pas chanteur mais je trouve que la voix est importante dans la musique, il y’a quelque chose de plus incarné tout de suite. Je suis aussi très content d’avoir pu inviter Tallisker sur MIND. C’est est une productrice et chanteuse de talent, et aussi une amie. Nous avons essayé plein de voix différentes sur ce morceau, pour finalement chanter de manière presque monocorde sur un texte en français que j’ai écrit. Pour moi la musique est une expérimentation constante et c’est important de s’entourer d’artistes que l’on apprécie, pour sortir de ses propres sentiers battus.

Tu réalises tes clips toi-même, et on pourrait bien transposer certains de tes morceaux (on pense à Fugue, Broken) dans une bande originale de film. Quel est ton rapport avec le cinéma ? Comment est ce quʼil tʼinfluence dans ta création ?

J’ai réalisé tous mes clips jusque là, sauf le tout dernier, RUN qui a été réalisé par Vincent De La Rue. Je suis très sensible au cinéma, sans être non plus un cinéphile aguerri, mais j’essaye tant que possible de regarder des bons films. Je suis graphiste à la base et j’ai toujours été très attiré par l’image, elle a une place très importante dans mon projet. J’ai appris à faire des clips sur le tas, en apprenant de mes erreurs et en essayant de m’améliorer pour le clip suivant. Le cinéma permet de sublimer une musique, je suis très attiré par l’écriture d’une B.O. D’ailleurs si des réalisateurs lisent cette interview, j’aimerais énormément faire la musique d’un long métrage. Je ne dirais pas que le cinéma influence forcément ma musique, mais je dirais plutôt que la musique me donne des idées pour des films, elle guide mon scénario.

Quel est selon toi le meilleur endroit pour jouer O ?

Bien confiné chez soi dans la nuit !

Ça tombe bien, on est en plein dedans. Quant à l’album O de LAAKE, il est sorti le 27 mars et disponible sur les plateformes habituelles.

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