Instant corporate : je dois remercier Spotify©. Non content de me permettre de survivre au monde, aux trajets dans les transports, aux séances de nostalgie – aux affres du quotidien, donc – il m’a permis de découvrir le graal. Sans sa playlist « Découvertes de la semaine » qui regroupe des suggestions d’écoutes créées selon mes goûts divers, je ne serais peut être pas tombé sur ce qui semble pourtant m’être totalement et profondément destiné, à moi et rien qu’à moi. Précisément quand le froid déboule, que les jours raccourcissent et que l’on n’hésite guère plus entre la bière d’après le travail et rentrer chez soi pour retrouver sa théière, son plaid, son radiateur défectueux et son pull fétiche.
Ce quelque chose répond au doux nom d’infinite bisous. La première chanson de ce jeune parisien qui a traversé mes écouteurs bon marché est une ballade quasi-parfaite, synthétique et pop, aux accents R&B douceureux. Une fausse candeur, cachée par des nappes de claviers suspendus : Teen Sex est un morceau au titre racoleur, oui, mais si prenant que le bouton repeat est aussitôt enclenché. Et puis, il y a ce visuel.
Électronique, planant, ouaté mais parfois plus aventureux et tortueux, les dix titres de W/ Love ne manquent pas d’une certaine volonté de plaire, d’une beauté discrètement grandiloquente qui ne lésine pas sur les effets. De l’ouverture R&B et groovy Lost In Translation – qui se répète d’ailleurs en une seconde version, plus féminine, en toute fin d’album – au très touchant (Terminally) Lovesick, quelque part entre Connan Mockasin, Mild High Club et LA Priest, un voile semble se poser sur nous. Pâle, diffus, soyeux et légèrement rose pastel : je tiens peut être entre les oreilles la bande son alternative de l’intro du dit film de Sofia Coppola, où la caméra est braquée sur les fesses de Scarlett Johansson et sa culotte elle aussi pâle, elle aussi diffuse, elle aussi voilée.
W/ Love déroule une bande son quelque peu cassée, bancale mais si touchante, une nuit d’amour ou de tourments, de tentatives et de gênes, entre Confused Porn et Life + You, Naughty Tears et Why Should I?.
Il y a les œuvres qui sont automatiquement des classiques – coucou Kendrick Lamar, Kamasi Washington – et d’autres où le nombre d’écoutes augmente notre compréhension de la volonté de l’artiste, où chaque nouvel appui sur « play » nous rapproche un peu plus du vrai – coucou Rone, BADBADNOTGOOD. Infinite bisous est peut-être entre les deux, ou peut-être qu’il n’a pas à être classé ainsi. Il arrive aussi que l’on s’emballe vite, trop fort et trop rapidement ; que notre album du moment, qui nous semble alors indispensable, ne le sera absolument plus dans quelques semaines, voir quelques jours. Une sorte d’histoire d’amour passagère qui tient de l’obsession, et où l’envie s’estompe. Un amour de vacances. W/ Love en fait probablement partie, ou peut-être pas. En attendant de le découvrir, je continue d’appuyer sur play.
W/ Love est disponible en téléchargement libre via le label Tasty Morsels.