Rencontrés juste après leur excellente prestation au Cat T-Shirt Festival à Bangkok le 1er avril 2017, Hariguem Zaboy en a même profité pour nous faire un poisson d’avril – involontaire – en débutant le concert sans le bassiste resté coincé dans les bouchons. Les quatre garçons nous ont livré leurs impressions sur la scène thaï et ont aussi profité de l’occasion pour nous parler de leur dernier album Kart, sorti cette année. Une déclaration d’amour urgente à la scène anglaise des 90’s tout en déflagrations sonores et en saturation. Une rencontre qui sera aussi l’occasion pour nous de vous parler plus en détail de la scène Alternative de Bangkok dans un prochain article.

 

Parlez moi un peu du groupe, comment vous êtes-vous rencontrés et comment le groupe est-il né ?

Golf : Nous sommes des amis de longue date. On était tous dans la même école et on faisait toujours tout ensemble. Faire de la musique était une de ces choses-là. Au départ, on voulait juste former un groupe pour jouer au festival annuel de notre école. On se marrait bien à cette époque et on avait plein d’idées pour faire une musique originale et qui nous corresponde vraiment.

Que veut dire Hariguem Zaboy ?

Napan : Ce sont juste des mots qu’on trouvait marrants, c’est une blague récurrente entre nous de parler un « anglais-yaourt » et d’inventer des mots comme ça. Du coup Hariguem Zaboy ça vient de ces jeux de mots.

Vous êtes signés sur le prestigieux label thaï Panda Records, pouvez-vous m’en dire plus à ce sujet ?

Napan : C’est allé super vite. On était potes avec les membres de Summer Dress et on a eu l’opportunité de jouer dans un super festival organisé par Panda Records : Stone Free Music Festival. C’était un grand moment pour nous en tant que gamins, fans de ce label. Pok (Wannarit Pongprayoon), le boss du label, a voulu bosser avec nous après ça. On était super heureux et on est devenu potes avec tous les groupes qu’on aimait : Basement Tape, Stylish Nonsense et Red Twenty, ce sont tous des mecs supers.

J’ai le sentiment que la scène indépendante/alternative est vraiment minuscule ici à Bangkok. Il y a une poignée de groupes qui jouent ensemble souvent et on retrouve souvent les mêmes têtes. Que pensez vous de cette scène locale ? Est-ce-que vous la voyez comme une communauté hyper solide ou au contraire voyez-vous comme un point faible le fait qu’il y ait si peu de groupes ?

Jar : Ça a toujours été comme ça à Bangkok. Si tu vas à un concert et que tu vois des gens que tu as déjà rencontrés sur une autre date ça veut dire que tu es au bon endroit et que tu peux te marrer. Il n’y a pas beaucoup de groupes ici qui font de la bonne musique. La plupart d’entre eux suivent toujours le chemin tracé par les musiciens Thaï de ces deux dernières décennies. Des morceaux chiants et des paroles débiles… Tout le temps ! Parfois un bon groupe alternatif émerge mais il n’y a pas grand monde qui les suit. Aucun label ne va les signer pour un ou deux albums alors ils ne peuvent pas vraiment faire de concerts. Il y a énormément de lieux dédiés aux groupes qui jouent pour les masses et ça se passe souvent au détriment des bons groupes. Le terme même d’« indie » a perdu de son sens, il est utilisé à tout va. Parfois un groupe de merde hyper mainstream est appelé indé.

De quels groupes Thaï vous sentez-vous proches ? Vous pouvez nous recommander quelques artistes ?

Jar : Basement Tape, Plastic Section, Bobcat et Summer Dress.

Vous avez donné pas mal de concerts depuis vos débuts, quel est votre meilleur et votre pire souvenir sur scène?

Napan : Le plus chouette devait être le Stone Free Music Festival 3 : super musique, super lieu, les gens étaient au top et on a vraiment bien joué. Le pire devait être à Harmonica. On était trop bourrés pour jouer, Golf n’arrivait même pas à taper sur sa batterie.

Que pensez-vous du public Thaï ?

Jar : En fait ça dépend de l’endroit. si tu vas dans la région de Isan, le public est complètement barré. Ils gueulent sur les musiciens pendant tout le concert et c’est la preuve qu’ils aiment vraiment ce que tu fais. Mais à Bangkok c’est assez différent, les gens ont beau adorer ton show, ils restent calmes et ne bougent pas. Les gens sont beaucoup plus sérieux ici.

L’évolution entre votre premier album (Thick Mink – 2014) et le second (Kart – 2017 ) est assez surprenante. Le côté dream pop s’est un peu évanoui, les chansons sont beaucoup plus rapides, agressives et noisy, la production est beaucoup plus lo-fi. C’est un choix plutôt courageux, alors que le premier album était plutôt accessible, vous avez choisi de faire quelque chose de beaucoup plus old-school et pointu sur le second.

Jar : J’ai écouté beaucoup de punk quand j’ai écrit ces morceaux et je voulais reproduire un sentiment similaire dans nos albums. Plus d’agressivité, quelque chose de plus noisy aussi, pour pouvoir vraiment s’amuser quand on joue live. On aime vraiment la production et la manière dont sont enregistrés les albums des scènes underground anglaise et américaine des années 80, alors on a essayé de travailler sur du matériel similaire à celui utilisé à cette époque. On a chopé un Tascam 8 pistes cassette et un 16 pistes à bandes pour obtenir cette saturation typique et ce son lo-fi. On en avait un peu marre de ce son dream pop qui émanait de nos morceaux, c’est pour ça qu’on a procédé à ce changement radical. Plus rapide, plus bruyant, plus lourd et plus brut.

Et d’ailleurs, que pensez vous du revival shoegaze de ces dernières années ? Pensez-vous que ça a eu une influence sur la scène Thaï ?

Jar : Le shoegaze n’est pas si populaire ici en Thaïlande. Surtout si tu le compares au post-rock : il y a une vraie scène post-rock ici, mais pas vraiment de scène shoegaze.

La clarté fait vraiment partie de la nature des Thaïlandais, ils n’aiment pas vraiment les choses floues et ils adorent les scènes dramatiques. C’est pour ça qu’ils s’intéressent plus au post-rock qu’au shoegaze, ou à des choses plus noisy.

Les concerts donnés par les groupes occidentaux sont plutôt rares ici et excessivement chers. Comment vous faites pour aller voir les groupes européens ou américains que vous aimez ?

Jar : Nos groupes préférés ne viennent pas souvent ici alors on a pas trop de problèmes avec ça. Mais s’ils venaient on y mettrait le prix.

Beaucoup de groupes chantent en Thaï ici, pourquoi avoir choisi l’anglais ?

Jar : C’est juste que j’adore chanter en anglais et c’est plus facile pour moi d’écrire des chansons en anglais, et de trouver la mélodie qui correspond parfaitement. Et comme ça tout le monde peut comprendre ce que je dis et pas seulement les Thaïs.

Est ce que vous visez un public international ? Selon toi quelles sont les principales difficultés rencontrées par un groupe asiatique qui voudrait se faire connaitre dans l’ouest ?

Jar : Bien sûr, j’adore me dire que je peux envoyer mes chansons au monde entier, pas juste au public Thaï. Et selon moi ce n’est pas si difficile de se faire connaitre par le public occidental. Les gens peuvent aller sur Bandcamp, soundcloud et plein d’autres trucs pour écouter de la musique. C’est plus facile qu’il y a 10 ans. C’est juste que c’est très difficile pour le public occidental de voir des groupes asiatiques en concert.

C’est quoi les plans pour l’avenir ?

Golf : On va retourner en studio en janvier prochain pour notre 3ème album. Monte Vallier, qui a mixé notre dernier album et qui a travaillé avec Young Prisms, Weekend, The Soft Moon, Terry Malts et beaucoup d’autres groupes de chez Slumberland Records viendra à Bangkok pour enregistrer, produire et mixer notre album. Pour le moment c’est vraiment le truc qu’on attend avec impatience.

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