Du 29 au 30 Mars, un festival d’un genre nouveau fait son apparition à Saint Ouen et aux abord de Paris, entre Mains d’Œuvres et la Station. Identifie.e.s est un festival pluri disciplinaire monté par deux collectifs de femmes engagées sur les questions du genre et d’immigration en France, Chkoun is it et Filles de Blédards.

Tout d’abord pouvez vous présenter vos deux collectifs, Filles de Blédards et Chkoun is it ?

Filles de Blédards : Un collectif de femmes artistes, basées entre Marseille et Paris, comprenant 2 photographes, 1 performeuse et 1 poétesse : Alexia et Mariam, Kahina et Rasheeda. Nous nous sommes constituées autour des questions des nouveaux imaginaires post-coloniaux et de la problématique de prise d’espace dans le milieu culturel. Les questionnements intimes sur nos identités de Filles de Blédards dans nos arts respectifs nous ont amenées à vouloir créer ensemble des espaces d’expression où les personnes qui partagent nos imaginaires et sont intéressées par ces récits se sentiraient bienvenues. Nous existons depuis un an et pour le moment nous avons organisé des soirées afin de se faire connaître et de rassembler des fonds pour ce festival.

Chkoun is it : Je dirais qu’on est tous les quatre très différents dans nos caractères, nos manières de vivre et d’aimer. On est surtout une famille d’amis dans la vie de tous les jours, l’identité de cette famille est composée par l’ensemble des expériences qu’on a partagés et qui nous a nourris dans notre compréhension de l’autre. Plus spécifiquement, CHKOUN c’est une association qui a pour vocation de transformer le paysage des convivialités et qui voudrait réintroduire durablement du lien dans la fête.

Comment vous êtes-vous rencontrées ?

Nous (les Filles de Blédards) étions à Paris en recherche d’un lieu d’exposition, car après avoir essayé de travailler avec une galeriste à Marseille (qui nous a plantées au dernier moment), nous étions en errance. Les Chkoun étaient résidents au Consulat, et de noctambule en noctambule, nous avons entendu parler de Sofia et Dourane. Nous sommes allées les visiter pour voir, et on a tout de suite accroché. On partage beaucoup de questionnements en commun, et une manière de vivre un peu expérimentale aussi. Les chkoun avaient déjà une idée de festival mêlant musique, mode et d’autres disciplines en tête. Comme les idées avaient déjà germé, et que le Consulat fermait, on s’est rassemblées.

CHKOUN IS IT ? ET FILLES DE BLEDARDS présentent IDENTIFIÉ.E.S

Chkouneurs, ChkouneuzesMerci pour votre determination sans limite, on vous pensait pas si sérieux concernant le dicton « danseur ! Le dance-floor se fait en dansant ! » Les Chkouneries n’étant jamais vraiment finies, on se retrouve le 29 et 30 Mars dans le cadre de notre festival "IDENTIFIÉ.E.S" Places limitées en pré-vente soyez vifs !➔ https://www.facebook.com/events/244513886428197/Billets ➔ https://shotgun.live/tickets/288099?fbclid=IwAR1mCxqlEM3K60y-wMyilAEt5lk5iE6kDjyjqm7VpRg7e7v9JeUpqCFEp50

Publiée par Chkoun is it? sur Mardi 5 mars 2019

Qu’est ce qui vous a amené à créer la première édition du Festival Identifie.e.s ?

La rencontre entre nous. La possibilité d’avoir un lieu plus grand, de penser un évènement comme on le rêverait idéalement. On avait bien sûr l’exposition de notre côté, et les Chkoun avaient évidemment la fête, la musique, la convivialité et désiraient vraiment pouvoir opérer sur des formats plus large, incluant la journée, et donc un plus grand panel de générations. On a alors imaginé un espace où l’on aurait envie de rester, de se rencontrer. Et on a invité toutes les personnes qui nous inspiraient, tout.ses nos ami.es qui créent.

Ça s’est transformé du papier en un festival pluridisciplinaire avec des discussions, des ateliers pour enfants, de la bonne bouffe, du cinéma, de la médiation culturelle, et bien sûr de l’art et de la musique.

On avait vraiment envie que les publics se rencontrent, que ça ne soit pas élitiste, que l’on puisse parler fièrement d’identité.es multiples, de questions décoloniales et autre grands questionnements de nos réalités.

Que des gens qui ne viennent pas forcément dans des lieux d’exposition, ou de soirées culturo-élito-parisiennes se sentent quand même bienvenus. Que ça soit intergénérationnel, transculturel. Tout ça était le confluant de nos désirs ardants, et en y travaillant tout.ses ensemble, on en a fait une réalité ! Grâce à Mains d’Oeuvres à Saint-Ouen, un coup du destin pour nous, c’est pour une toute nouvelle aventure que nous avons embarquée !

Le festival aborde le thème controversé de l’acceptation de soi et des autres, de la création de son identité dans un contexte d’immigration croisée et de multiplication des genres. À votre avis, pourquoi est-ce que les pistes sont aujourd’hui brouillées et difficiles à assumer?

À notre avis les pistes sont pas du tout brouillées aujourd’hui et de moins en moins dures à assumer. Ça devient de plus en plus bankable d’être de différentes immigrations, mais nous on s’en fout car c’est un truc que l’on vit tout simplement depuis qu’on est né.es. Les pistes sont surement brouillées pour les gens qui essaient de nous comprendre et de nous simplifier (ou de nous essentialiser, comme on dit en Cultural Studies) car aujourd’hui il est de plus en plus évident que non “les arabes ne sont pas tous les mêmes” etc…

Les clichés, qui pourtant en France ont la peau dure, ont la vie de moins en moins douce, et c’est bon pour nous, car on peut enfin présenter un Festival comme ça et se sentir compris.es.

Déjà les enfants des émigrations parlent et sont de plus en plus présents sur les scènes culturelles, sur les autres on en est pas encore là, mais les autres personnes s’intéressent aussi de plus en plus en profondeur à qui on est et à ce qu’on pourrait apporter à notre pays qui a bien besoin de se mettre à jour, et d’assumer sa richesse ! On doit évoluer, tels des Pokémon français !

La programmation du festival est pluriforme, elle mélange projection de film, débat, ateliers, performance, concerts, théâtre… on ressent une volonté d’approfondissement des œuvres de chacun par une mise en relation dans un thème commun. Qu’est ce qui vous a décidé à construire Identifie.e.s ainsi ? Est-ce qu’on peut parler d’une exposition-festival ?

Oui on peut parler d’exposition-festival, parce que c’est vrai que dans l’idée commune, un festival c’est d’abord une grande fête musicale. Bien sûr il y aura plein de musique : 6 concerts par soir à Mains d’Oeuvres, 9 artistes vendredi à La Station-Gare des Mines, et 6 le samedi au Klub ! C’est un véritable festival. Mais oui, nous les Filles de Blédards, on vient des arts plastiques, photo, vidéo, écriture…

Alors c’était évident qu’on voulait aussi intégrer ça, pour faire de ce moment un évènement pour tous.tes, il fallait que ça se passe aussi en journée, que ça n’attire pas que les noctambules. Qu’il y ait une possibilité de dialogue, de flânerie, de réflexion. Il va y avoir des performances de Crystallmess et de Ari de B, qui sont à la fois des conférences sur les culture club, voguing, waacking, MAIS aussi des conférences militantes sur pourquoi elles font parties de ces cultures, tout en étant des filles d’immigré.es, et comment elles investissent le monde à leur manière avec leurs récits…

En fait le lien dans tout ça c’est les artistes qui se sentent concernés par ces questionnements identitaires, et qui le prennent à bras le corps, avec leurs médiums respectifs.

 On voulait pas cloisonner, puisque c’est justement notre postulat sur les identités : on ne peut plus cloisonner ! Et pour le public on a tout fait pour que ça soit pareil.

La musique reste la branche artistique majoritaire de votre festival, avec notamment une partie Club à la Station.

À la Station vendredi 29 on aura deux plateaux de paradis, on est vraiment content.es de cette soirée : on aura le stage Petit Club avec l’équipe de Boukan Records : la famille parisienne ! Avec Fatine et Tsip ainsi que X1000. Et au grand club ça va s’enchaîner comme dans un rêve, Cherry B, Moesha 13, un DJ set de Xzavier Stone (qui sera aussi à Mains d’Oeuvres en live set en début de soirée), du label zurichois Fractal Fantasy, et un closing vénère bailey funk avec Amor Satyr.

Le samedi au Klub à Châtelet ça va être vénère aussi, avec une petite jauge, donc on pense que ça va transpirer pas mal : il y aura Andy 4000 , qui représente bien cette nouvelle scène hip-hop aux influences en multiplication, avec les soirées YARD qui tournent un peu partout. Il y aura aussi Faty de Tshegue, et Lafawndah qui vient de sortir son nouvel album et qui est clairement un ovni du neo-R&B super pointu qui nous fera un closing du bled du club ! Et ça c’est que pour une scène. Sur l’autre on aura Thérapie de Club et Chantal Voyance, nos deux amis disco lovers, ainsi que Dustin et Corbeille Dallas qui nous serviront une techno pur et éclectique dans ses provenances pour finir ce festival en beauté. Comme elle dit le dit si bien “On est ensemble !”.

On retrouve beaucoup de hip-hop, d’afrobeat, comment avez vous construit cette programmation ? Quels sont vos gros coups de cœur ? C’est un vrai pari de proposer exclusivement de la découverte, qu’est ce qui vous a poussé à prendre cette position ?

Ça s’est un peu fait par la force des choses, ce sont principalement des personnes concernées. En bookant des personnes comme Wit ou Moesha13, c’est aussi pour nous l’occasion d’attirer un public qui n’a pas forcément l’habitude d’aller dans des expositions, et des lieux culturels en général et encore moins pour parler d’identités. L’afrobeat, l’afrohouse ces dernières années, occupent de plus en plus la scène devenue fédératrice. Autant sur la scène pop que dans le milieu underground. Faire un événement qui rassemble, c’est exactement ce qu’on veut. En vrai, notre programmation est assez variée, ça commence par le rap et passe aussi par des trucs expérimentaux, on a une partie club très variée dans les styles, encore une fois c’est pour pousser ce mélange de publics différents.

Est ce que vous avez sensibilisé les artistes programmés à votre combat ? Est-ce une nécessité selon vous ?

Les artistes comme on l’a dit sont en grande majorité des personnes concernées, et sinon ce sont des allié.es qui comprennent très bien et soutiennent. On a donc pas eu besoin de trop sensibliser, les artistes se sont vites senti.es concerné.es et c’est ça qui nous a porté.es aussi, que les artistes soient heureux.ses de participer car ils.elles comprennent très bien ce qu’on veut faire passer, même si c’est notre première édition.

Qu’est ce qu’on peut attendre de vos deux collectifs pour la suite ?

Coté Chkoun, ça continue dans nos ici et nos ailleurs, pleins de projets à venir, nous comptons bien nous inscrire dans le paysage culturel français et même nous exporter à l’international. Côté Filles de Blédards, on part en goguette vers Marseille pour aussi proposer des évènements hybrides par là-bas ! Des expos et des soirées à venir inchallah’. Stay tuned, keep in touch 🙂

Retrouvez toute la programmation du festival Identifie.e.s. sur leur événement facebook.