“Ses fans étaient tout pour lui”. Voici les premiers mots du dernier message posté sur la page du groupe Bored Nothing. Un peu plus loin, le post indique que ce projet, au même titre que Wedding Ring Bells, Pansy, et tant d’autres méconnus, resteront à jamais silencieux. La raison ? Fergus Miller, jeune musicien australien et dénominateur commun à tous ces noms propres, est mort le 12 octobre dernier.
A l’ombre des monuments de la musique qui disparaissent au fil des mois, et aux pieds desquels le grand public vient verser ses larmes, Fergus Miller s’est éteint, proche de l’anonymat. Jeune compositeur australien de talent, et à la notoriété grandissante, ‘Ferg’ a rejoint les artistes maudits en silence. Un départ sans fracas, mais non sans émotion. A l’image de ses compositions, en somme.
L’Australie est fréquemment indiquée comme le nouvel eldorado de la musique indie. Ce tropisme national, qui ne date pas d’hier, a incontestablement été mis en valeur par l’éclosion de Tame Impala. Mais derrière le quintet au succès planétaire, le DIY règne en maître, ou presque. Et sur cette terre de lo-fi et autres réjouissances post-punk, Fergus Miller était sûrement l’un des plus talentueux de ce milieu si disparate. Mais aussi l’un des moins exposés.
Au royaume du DIY et de la lo-fi
Lo-fi donc, indie-rock, bedroom pop… Autant de genres accessibles à tout guitariste muni d’un ordinateur, que Ferg s’est approprié. Des années durant, il poste sans compter des reprises de Beck, des albums violents, tristes, et des ballades mélancoliques. Une seule ligne directrice : une écriture brutale et une forme de langueur permanente. Et par dessus tout, cette angoisse que ni le grain du home studio ni les guitares violentes ne peuvent dissimuler.
Grand fan de Alvvays, Fergus Miller multipliait les groupes, probablement pour tromper l’ennui et la dépression. Génie relativement compris mais encore peu connu, il avait fait de la sincérité son maître mot. Ses clips sans prétentions, réalisés avec des montages d’extraits de films et autres vidéos tournées par ses soins, en sont le meilleur exemple.
Que reste-t-il après la mort ?
Hyperproductif, Ferg percevait la musique partout. Fidèle à son étiquette DIY, il s’était mis en tête de composer un album à partir d’une vieille guitare à l’accordage hasardeux. Une musique spontanée, et une sonorité pure. Des guitares omniprésentes, une voix habitée et des paroles instinctives. Tout cela lui permit notamment de constituer le répertoire de Bored Nothing.
Les projets défilent autant que les concerts, mais la fatigue est grandissante. Au fil de la publication de ses morceaux, Fergus Miller s’érode. Seules la mélancolie et la dépression résistent au temps qui passe. Abîmé par sa maladie et de plus en plus souvent épuisé, comme il le signale sur ses tumblr, la musique reste encore et toujours sa seule échappatoire.
“La souffrance est une p*** qui me poursuit”
C’est avec Pansy que le jeune musicien achèvera sa (trop) courte carrière. Ce duo formé avec Anna Davidson, sa femme, ressemble au projet de la dernière chance. La bedroom pop est alors une évidence pour le couple qui compose à domicile car trop “paresseux et apathique”. Cela fait bien longtemps qu’il effectuait des incursions dans le genre de la bedroom pop, mais c’est donc avec sa femme qu’il atteint probablement la plénitude.
Anna intervient en parfait complément vocal, apporte des paroles plus légères où la nostalgie reste toutefois de mise. Ferg peut ainsi se concentrer sur la musique et les arrangements, qui gagnent en richesse et en pureté. Le style éthéré reflète parfaitement sa personnalité, et les harmonies atteignent presque la perfection. Les accès de rages demeurent, mais sont mieux contrôlés. Las, le repos n’est que temporaire. La mélancolie l’emporte toujours, et aujourd’hui seul internet reste pour nous témoigner du talent de Fergus Miller.