Se perdre dans les méandres d’une ambient savante, aquatique, fluide un temps, synthétique un autre… Voilà qui sonne comme un beau programme. C’est ce qu’ont décidé de nous offrir les deux virtuoses en la matière Felicia Atkinson et Jefre Cantu-Ledesma avec leur nouvelle collaboration Limpid As The Solitudes. Après un album commun en 2016, Comme Un Seul Narcisse, ils reviennent avec un EP aux titres inspirés par les rimes de Sylvia Plath, et présenté par les deux compositeurs comme des cartes postales sonores. Quatre titres de longueurs plus que variées, une plongée au coeur de fréquences opposées et une ambiance menant inévitablement à une certaine réflexion.
Si la patte de chacun des producteurs se ressent dans cet EP, c’est sans aucun doute la signature de Felicia Atkinson qui se fait entendre le plus. Sonorités issues de la nature – on notera notamment l’eau qui coule dans la plupart des morceaux de l’EP ; chuchotements, murmures et hautes fréquences sont autant de composantes que l’on retrouve habituellement dans les productions d’Atkinson.
L’EP commence par le titre And The Flowers Have Time For Me, certainement le titre le plus dense de l’album. Les hautes fréquences et les grésillements saturés en sont les pièces maîtresses, et le morceau est si dense et chargé en émotions contradictoires qu’il empêche presque l’auditeur de se concentrer sur la raison de la naissance de ces émotions.
Le morceau suivant, Her Eyelids Say, est le prolongement naturel du précédent – on y retrouve en effet de nombreuses sonorités communes. Il n’est aussi pas sans rappeler les compositions précédentes d’Atkinson sur son deux-titres Coyotes, ce qui n’a rien d’étonnant lorsque l’on sait qu’il a été composé selon une démarche analogue, à savoir la création d’un carnet de voyage sonore. Aussi dérangeant que relaxant, Her Eyelids Say mélange lui aussi savamment des émotions contraires et à l’origine non-miscibles : anxiété et relaxation vont ainsi de pair sur ce morceau.
On poursuit l’écoute avec Indefatigable Purple, pièce ambient ponctuée de phrases prononcées à demi-mot et empruntées à la poétesse Sylvia Path, avant de plonger dans le coeur même de cet EP (bien qu’il s’agisse là du dernier titre), All Night I Carpenter. Court-métrage sonore de près de dix-huit minutes, il marque la fin de la journée que nous avons vécue au fil de l’EP. Il nous plonge dans une nuit sans lune dans laquelle chacun des sons que l’on entend se fait musique. Chacun des détails sonores est une pensée, une émotion, une réflexion tantôt consciente tantôt inconsciente. Inutile de dire que les dix-huit minutes passent comme cinq.
Finalement, cet EP a beau ressembler à de l’ambient, il serait bien dommage de l’apparenter à de la musique de fond. Chaque détail a son importance, son histoire. Si l’un seul venait à être retiré, il y aurait comme un élément essentiel manquant dans le paysage dépeint.