“Prendre des p’tits bouts de trucs et puis les assembler ensemble” – King Ju

Cette phrase issu du titre Le C.R.O.U par Stupeflip résume très bien ce qu’est le sampling. C’est un art dans l’art. C’est l’art de composer avec des éléments, plus ou moins longs, préexistants. C’est donc du collage sonore et donc une technique précise, minutieuse, presque chirurgicale. Certains maîtres en la matière sont DJ Shadow, RJD2, Four Tet, J Dilla et Madlib. Il existe une multitude d’artistes qui s’intéressent à cette pratique et qui l’emploient quotidiennement dans leur musique. 

Techniquement parlant, il existe plusieurs façons de sampler. La première est de posséder un sampler. C’est un instrument de musique, électronique ou analogique, utilisant des sons préexistants ou enregistrés, contrairement à un synthétiseur qui génère et créé les sons souhaités par modifications des paramètres disponibles. Avant cela, il existait la bande magnétique, qui permettait d’enregistrer n’importe quel son et de le rejouer sur les touches d’un clavier – c’est le Mellotron, qui a été popularisé par les Beatles. Aujourd’hui, la méthode la plus accessible pour sampler est l’ordinateur qui, avec l’aide de logiciels de traitement audio, peut se transformer en un “super sampler”. On entend par là un sampler à la durée d’échantillonnage variable au désir de l’artiste. En effet, le sampler traditionnel possède une capacité de mémoire limitée et qui ne peut être modifiée, sauf si celui-ci dispose d’une intégration de mémoire externe comme une carte SD. 

Principalement utilisés dans la musique électronique, les samplers ont fait leurs armes dans la house, la jungle, la drum & bass, la juke, le footwork et le rap. Mais le sampling continue de susciter beaucoup de controverses de par sa nature qui peut en agacer plus d’un•e. Certains artistes utilisent donc le sampling non seulement comme un outil de création musicale, mais aussi comme une prise de position engagée.

“L’idée de sampler du plus de pays possibles est un de nos dogmes” – Martin Højland

C’est dans cette optique que le collectif Den Sorte Stolke l’emploie. Débutant en 2004 à Copenhague, Den Sorte Skole, compose une musique qui se veut universelle, par un processus de composition particulier. En effet, plutôt que de sampler des disques spécifiques, Simon Dokkedal et Martin Højland samplent des disques du monde entier, donnant ainsi une nouvelle dimension à ce que l’on appelle plus communément “musiques du monde” dans notre société occidentale.

Pour ce faire, Simon et Martin se sont donnés des règles. L’une d’entre elles est “de sampler un maximum de cultures musicales, toutes différentes les unes des autres – une chose devenue beaucoup plus abordable grâce à internet.” Ainsi, le duo a pu chercher, trouver et acheter des disques du monde entier, et donc compléter leur bibliothèque de samples à ciel ouvert. Ils confirment le processus : Lorsque l’on cherche des samples, on recherche des instruments isolés ou des voix – des courts passages où une flûte, une grosse caisse, une note de piano et un air de guitare se retrouvent seul•es, sans qu’aucune autre sonorité ne vienne perturber le sample.

L’autre particularité du duo, contrairement à d’autres artistes travaillant avec des échantillons, est qu’ils ne jouent pas avec la hauteur des samples pour qu’ils soient en accord. Cela apporte une forte impression d’unité sur les morceaux, et donne une expression intéressante évoluant au-delà de l’espace et du temps. Ainsi, on a du mal à croire en la présence de près de dix milles samples, sur leur dernier album Indians & Cowboys, sorti en 2015. Ces samples sont issus de quatre cents disques, venant de soixante quinze pays du monde.

Sampler légalement n’est pas très évident, car il faut un sérieux backing financier ou de notoriété pour obtenir l’autorisation d’utiliser un sample. Surtout, ce sont souvent les labels et non les artistes qui détiennent et contrôlent les droits de leur catalogue, ce qui peut compliquer les choses, et notamment pour un groupe qui sort tout de façon indépendante et sans label.

Pour autant, Martin et Simon ne demandent pas d’autorisation pour utiliser les samples utilisés dans leur musique, mais ils mettent à disposition la liste de tous les samples employés sur Indians & Cowboys, au cas où. Cela ne les empêche pas de s’inquiéter qu’un jour, peut-être, une des personnes samplées porte plainte et les traîne en justice, ce qui pourrait les ruiner. Mais c’est un choix éthique qu’ils considèrent important. Dans le cadre actuel, c’est en composant de la musique avec des samples venant de la planète entière que Den Sorte Skole espère pouvoir contribuer à une évolution positive du monde, et on ne peut qu’apprécier les raisons de leur démarche.