À la fois directrice du label Lumière Noire et productrice de renom, Chloé revient avec des productions de son cru toutes rassemblées dans un album, au titre rêveur et inspiré : Endless Revisions. Bien qu’il ait fallu attendre plus de sept ans pour que ne sorte un nouvel album, on le lui pardonne aisément, tant il s’avère être d’une esthétique léchée et de prods de haute volée.

Sorti sur son propre label, Endless Revisions est composé de treize titres tous développant une idée, un concept, une atmosphère singulière. Clairement un album à écouter en continu, il oscille entre réflexions personnelles et réfractions lumineuses, nous laissant quelques fois naviguer en eaux sombres, terrain là aussi diablement bien maîtrisé par la productrice.

Introduit par l’atmosphérique Solarhys, l’album commence réellement avec le titre Outer Space. Le décor se voit mis en place par des notes expérimentales presque dissonantes, avant de prendre lentement forme autour d’un duo électro-organique formé d’un kick sourd et de notes lumineuses de cordes. Les couches sonores s’accumulent petit à petit, sans jamais que l’une ne prenne le dessus sur l’autre.

Le titre suivant, Recall, a surpris les habitués des productions de Chloé. Commençant par les vocalises de Ben Shemie soutenues par un kick lourd, le titre nous fait ici évoluer sur des terres qui frisent avec l’électro-pop. Comme la productrice le dit elle-même à Tsugi : « Je voulais écrire une chanson pop à ma façon, avec un rythme plus lourd et plus animal. »

On renoue avec une rythmique techno sur Party Moonster, qui n’a pourtant de techno que le rythme. La voix se fait robotique, onirique, implorant sur un ton trop calme, presque insensible, une personne à l’aimer. Et l’instrumental, aérien, embaume l’auditeur dans une atmosphère à la fois futuriste et intimiste.

Le titre suivant Because It’s There nous propulse en douceur sur des notes synthétiques, dans un monde aux reliefs lunaires. Prélude techno au long format The Dawn, qui en dix minutes aura réussi à nous plonger, lui aussi sur un rythme techno, dans un état hypnotique comme seuls peu de titres peuvent le faire.

Après un court entracte aux allures des Sleepstep de Dasha Rush, un titre au featuring pour le moins inattendu se fait entendre. Quoique pas si inattendu que ça, si l’on se souvient qu’Alain Chamfort avait déjà été remixé par Chloé et par d’autres grands noms de l’électronique française. Dénommé Androgyne, le morceau étonne à la fois par son featuring et par sa lenteur, qui vient contraster avec tous les titres entendus auparavant sur l’album. Peut-être le morceau le plus solaire d’Endless Revisions, il apparaît comme une rupture mais aussi comme une brèche dont les titres suivants auront besoin pour exprimer pleinement leur noirceur.

Car le soleil se couche sur la planète que l’on visite sur The Ultimate High, et les ténèbres font leur apparition un peu moins de sept minutes plus tard, sur The Backlash. Bien que ce dernier soit dominé par les basses, on en retient essentiellement les vocalises, qui donnent aussi bien l’impression d’être venues de l’espace que de notre for intérieur.

Le morceau Dune apparaît comme la prolongation évidente de The Backlash, cette fois les paroles se faisant plus explicites, et faisant d’une certaine manière écho à Party Moonster. Et si jusque là les titres étaient mélodiques, Pendulum est l’expression (pas si) abstraite d’une ambiance post-apocalyptique, échos d’un monde dans lequel le glas a sonné trop tard. Pour finir, l’album se termine sur l’hypnotique Nuit Noire, belle synthèse de toutes les sonorités que l’on a pu y entendre.

S’ajoute à ce travail sonore un accompagnement visuel, destiné à illustrer et à décrire l’univers de l’album. La pochette de l’album, de l’EP précédent The Dawn et du clip de Recall sont tous signés par l’artiste plasticienne Noémie Goudal. Son travail retranscrit à merveille l’idée dominante travaillée dans Endless Revisions : un voyage en tons froids mais solaires, dans lequel on rencontre des objets (comprendre : notes) inattendus, placés dans de grands espaces qui n’auraient presque rien de terrestres.

Le travail de Chloé ne s’arrête pas à la production musicale : elle travaille également avec des chercheurs spécialisés dans le son de l’Institut de recherche de coordination acoustique/musique (IRCAM). De cette manière, elle a notamment pu, au cours de l’année 2017, exploiter le nouveau système-son spatialisé de Radio France, avec d’autres producteurs français eux aussi grands amateurs d’expérimentations sonores : NSDOS et Molécule.

Enfin, dans ses projets live, on la retrouve actuellement aux côtés d’une professionnelle du marimba, Vassilena Serafimova, pour une tribute à Steve Reich que l’on pourra d’ailleurs admirer à la soirée Marathon! prenant place à La Gaîté Lyrique.