Alors que les groupes de pop-rock psyché continuent de fleurir un peu partout, l’utilisation excessive du phaser et des voix pitchées font malheureusement converger la majorité de ces projets dans un même panier quelque peu mainstream. Allant à l’encontre du manque d’inspiration grandissant dans le secteur, Cairobi propose quelque chose de nouveau, coloré par son caractère cosmopolite.

Ici et surtout ailleurs

Si c’est à Londres que l’histoire de Cairobi commence au courant de l’année 2008, il serait réducteur de limiter la provenance du groupe à la seule capitale mondiale de l’indie. Car c’est sur les bancs de l’université de Rome que s’effectue la première rencontre entre Giorgio Poti, futur chanteur, et Alessandro Marrosu, bassiste. Leurs influences musicales les rapprochent rapidement, avec d’un côté une attirance pour les sonorités africaines et latines, et de l’autre la musique expérimentale de Can, Lee Scratch Perry ou encore The Flaming Lips.

Un troisième membre se greffe au duo italien après une rencontre entre Gorgio et le mexicain Salvador Garza à Londres. Il ajoute son bagage sud-américain en devenant le claviériste du groupe, qui prend alors le nom de Vadoinmessico.
 En vue de compléter leur formation, le trio recrute Aurélien Bernard, un batteur français qui instigue le changement vers Cairobi – un son plus électrique et puissant, et surtout un nom plus prononçable.

Tout réunir dans quatre chansons

Avec ses origines variées, le groupe se retrouve face à certaines difficultés, la première étant la barrière de la langue. Résolue par le langage de la musique, c’est en jouant qu’ils parviennent dans les premiers temps à se comprendre. Vient ensuite le challenge d’intégrer tous leurs univers dans un enregistrement homogène. Celui-ci prendra la forme d’un EP quatre titres nommé « Distant Fire », sorti en 2014.

Cette autoproduction est marquée par son caractère apatride : écrit à Berlin, l’EP est enregistré entre Rome, Londres et New-York, par deux Italiens, un français et un mexicain. De quoi nous rappeler au bon souvenir de Gong. La bonne réception du disque par la critique se traduira par une tournée des festivals en 2015, leur permettant de se faire connaître sur les scènes européennes et même américaines, ce après avoir écumé tout ce que Londres peut compter de pubs. Avec un disque riche en couleurs respirant une pop/rock dynamique, chaleureuse, le groupe touche un public large tout en conservant leur univers cosmopolite d’expatriés musicaux.

Des os, des fantômes et une voiture

Cette nouvelle année marque un point de départ important pour Cairobi. Avec la sortie de leur premier album, les londoniens entendent bien confirmer leur statut de groupe « World Music 2.0 », et conquérir les oreilles d’une audience plus large encore. Un total de dix chansons est au programme de l’album, qui porte le nom du groupe et s’illustre de quatre crapauds aux yeux rouges. L’ambiance est vite posée.

L’ouverture se déroule en douceur avec « Habitat », introduction instrumentale laissant rapidement place à une rythmique basse-batterie bien rodée. « Gristly Words », littéralement « mots de cartilage » comporte tous les ingrédients magiques du groupe, à savoir une trame basse-batterie entraînante, avec quelques sonorités latines et des riffs de guitare qui s’envolent, accompagnant la voix de Giorgio Poti dans un voyage coloré.

À défaut d’être aussi un modèle de Volkswagen, « Lupo » est le quatrième morceau de l’album, écrit en 2009 par Giorgio alors qu’il pensait aux sorties en voiture avec sa petite amie. 
C’est aussi le morceau le plus long de l’album, sa structure retravaillée nous offrant deux visions : d’un côté un groove exotique très rythmé, et d’un autre l’aspect aérien du refrain emplissant le spectre audio de vagues d’innocence.
 Dans un registre plus sombre, « From Some Other Planet’s Sky » nous propose une balade galactique et complète l’album avec ses solos de guitare droits sortis d’une caverne. « No Better Ending » dépose une mélodie envoutante et légère pour conclure ces 35 minutes de voyage intercontinental.

Difficile donc de ne pas être enthousiaste après l’écoute du premier album de Cairobi, son message rempli de fraîcheur lui apportant un avantage certain sur un grand nombre des sorties de ce style. Il ne fait pas de doute que les influences diverses du groupe et la richesse de leur métissage soient la clef d’une telle réussite.
 Même si l’on peut reconnaître quelques signes de facilité pointant la jeunesse du projet, on peut les imaginer rapidement compléter leur discographie pour s’installer au sein de la sphère indie-influence world.