Après avoir laisser courir l’idée selon laquelle il arrêtait la musique sous le pseudo qui l’a rendu célèbre, Darren Cunningham est de retour à bord du projet « Actress » et dévoile un 5ème album de techno dont les contours fourmillent d’innovations esthétiques.

Dans la famille des électrons libres de la scène électronique anglaise, Cunningham est l’un des producteurs les plus intéressants de cette décennie. Ex-footballeur de la première league, obligé d’abandonner sa carrière à la suite d’une blessure, il s’achète alors des platines et part s’installer à Londres, où il y découvre le milieu de la nuit. Il lance son propre label Werk Discs, sur lequel il édite son 1er album solo en 2004. « Actress » est né. Via cette structure, il nous fera aussi découvrir les artistes émergents de la « bass generation », notamment Lukid Disrupt et Zomby. Aujourd’hui, il est considéré comme l’une des touches les plus singulières de l’électronique outre-manche.

Un poème en forme d’épilogue, joint au communiqué de presse pour « Ghettoville », son 4ème quatrième album paru en 2014, a été interprété par les médias, les commentateurs et les spectateurs comme la fin d’Actress. Ce qui ne semblait pas se démentir lorsqu’il est revenu en 2015 sous l’alias Levantis, avec « Romantic Psychology », un album d’IDM-ambient expérimental assez difficile d’approche. Et si c’est l’œuvre entière du producteur qui tranche en général avec les canons esthétiques, Levantis est tout de même apparu comme un projet radical.

Mais le voilà finalement de retour avec un pseudo qu’il ne souhaitait au final pas enterrer si vite. À la suite d’un jeu de piste via les réseaux sociaux de Ninja Tune, Cunningham a distillé 3 morceaux de « AZD » (prononcez « AZID ») sous divers pseudos alambiqués, le label voulant faire croire à de nouvelles signatures. Au final, la “révélation” est tombée : Actress est bien de retour.

Pour le moment, ce que nous savons à propos de l’album se résume à l’idée de vouloir créer un « nouveau système musical » via l’entrelacement de multiples langages artistiques (interface Midi, graffitis mayas, divers technologies de production, etc.), dans le but d’obtenir la “pilule sonique » qui sera « la nouvelle vitamine musicale de la Métropole ». Après avoir été testé lors d’un show au festival londonien Convergence le 24 mars dernier, AZD arrivera à nos oreilles lors des Nuits Sonores lyonnaises, à l’occasion d’une carte blanche expé gracieusement accordée à Jon Hopkins.

Niveau contenu, on retrouve toute la beauté et la complexité de la techno polymorphe d’Actress sur cet album, tantôt incendiaire avec « X22RME » tantôt granuleuse et dense sur « Blue Window ». Mais comme toujours, la musique d’Actress vogue vers d’autres contrées, comme la house lo-fi de « Runner », le hip-hop expérimental de « CYN », la chiptune de « Visa » ou les paysages glitch de « Faure In Chrome » et « Nimbus ». Le producteur anglais nous rappelle même les penchants IDM-ambient de Levantis sur le morceau « There’s An Angel In The Shower ». Et s’il reste encore bien des choses à dire sur le contenu pour le moins éclectique de AZD, mentionnons enfin l’existence de la ballade synthétique « Falling Rizlas », tout en minimalisme du plus bel effet.

Bref, voilà un album qui s’amuse encore à briser les barrières entre les genres. Le producteur s’est toujours construit une identité musicale autour d’un horizon où les couleurs harmoniques sont kaléidoscopiques. Ainsi, les habitués trouveront surement ce qu’ils cherchent à chaque nouvel album d’Actress, même si les ambiances techno dégagent une intensité qui marque les esprits au-delà du reste. Cunningham n’en a pas fini avec son pseudo le plus célèbre et semble avoir encore bien des choses à nous murmurer avec ses machines – même si, passé le plaisir de le retrouver à son meilleur, époque « R.I.P » (dont on note des ressemblances sur bien des aspects), ce nouveau disque ne révolutionne pas son travail. Il l’affirme, le cultive, le prolonge, mais avec un artiste de cette trempe, c’est finalement déjà hors-norme.