Ce week end à Marseille, ceux qui voulaient fêter la musique, tout en s’épargnant les reprises de U2 et de Téléphone dans les rues bondées du Cours Julien, s’étaient donné rendez-vous sur l’esplanade du J-4. Au pied du Mucem, se tenait un tout nouveau festival à la programmation digne des plus grands : le « Believe In Marseille ». Ou la preuve du renouveau électronique de la cité phocéenne après les jardins suspendus des terrasses du port et les rooftops de la friche Belle de Mai.

Au programme : un vendredi grand public et un Samedi résolument techno.

FLASHBACK.

Vendredi 20 juin : MGMT, La Femme, Kuroma, Darius, Le Maître… New Wave ; Pop-Rock psychée et éléctro sweet.

Il est 18h30, aux abords du J-4 le soleil tape fort mais une légère brise marine le rend supportable aux premiers arrivants, qui tournent autour des grapheurs en action sur leurs toiles monumentales, alors que le groupe Kuroma vient de laisser place aux jeunes talents de Buried Birds, là-bas, tout au bout de l’esplanade. Le temps de prendre possession des lieux, d’apprécier l’emplacement de cette scène géante suspendue entre ciel et mer, La Femme prend le relais pour le coucher du soleil. La bande originaire de Biarritz commence son show déluré à coups de synthé, et le succès de son premier album Psycho Tropical Berlin se vérifie immédiatement. Le public s’agglutine et se dandine sur les sons coldwave, un rien punk, des titres Sur La Planche, Amour dans le Motu, Nous Etions Deux, ou encore Packshot…

Vient le tour de Darius, ce talentueux producteur bordelais de 24 ans dont l’univers enivrant, romantique et planant s’accorde à merveille avec le décor. Sauf que le coup d’envoi de son set tombe en même temps que celui de l’équipe de France. La foule se précipite devant les écrans du bar, seuls quelques fidèles continuent à danser devant la scène. On avait de la peine pour le pti géni de chez Roche Music. Quel gâchis !

À 23 heures, la pression monte d’un cran et la tension est palpable alors qu’une voix saturée de laser style Flash Fm dans Gta Vice City annonce l’arrivée d’MGMT. Le baromètre du public atteint son pic et près de 1500 personnes peuvent enfin laisser éclater leur joie à l’écoute des premiers accords de Time To Pretend. Premier vrai frisson de la soirée, la foule tout sourire reprend tranquillement le refrain en fermant les yeux. Suivra une heure de live haut en couleur, où le duo formé par Andrew Van Wyngarden et Ben Goldwasser a joué son 3e album sorti en septembre dernier. Plutôt difficile d’accès, cet anti Oracular Spectacular en puissance n’agite pas les foules. Sa langueur psychédélique est accentuée par un mapping complétement fou, où des corps désarticulés à têtes de langoustes géantes se promènent dans une sorte de galaxie de couleurs hallucinées. Heureusement que le hit Electric Feel et le monstre Kids, placés au bon moment, réveilleront l’ardeur de ceux restés imperméables à ce voyage expérimental. On ressort de ce show avec le sentiment d’une prestation scénique pas vraiment à la hauteur du statut d’MGMT.

Alors que la majeure partie du public s’en va, c’est au groupe d’indie-éléctro Lemaître de clôturer cette première soirée, pour finalement livrer une heure et demi d’un live très moyen devant une poignée de spectateurs courageux.

Samedi 21 Juin : Jeff Mills, Ben UFO, Mathew Johnson, Von Oswald et Juan Atkins, Moodymann… Les choses sérieuses peuvent commencer.

Vous l’aurez compris au Believe In Marseille, c’est surtout le samedi qui en imposait. Le lendemain même heure, on déboule au Mucem le couteau entre les dents, prêt à taper du pied.

18h30, les oeuvres des grapheurs et artistes plasticiens sont presque terminées, le stand de couronnes de fleurs d’Alhabama Duel continue de faire un tabac auprès des festivaliers et Deepness Road distille déjà sa techno pointue devant un public de connaisseurs. Nahim aka Nems-B, le programmateur de cette line-up de dingue fait d’ailleurs parti du crew. On se dit que tout le potentiel du Believe In Marseille nous éclatera à la figure cette nuit.

Une première bière et on se lèche les babines en attendant Kenny Dixon Jr. alias Moodymann, qui arrivera aux bras de sa compagne, une immense créature à la coupe afro parfaite, et dont le charme et la prestance ajouteront un vrai plus à un set qui s’annonce définitivement groovy et éclectique. Il est 19h30, le soleil se couche lentement, laissant filtrer des ondes roses-orangées, alors qu’un immense paquebot déclenche ses sirènes en nous passant sous le nez… Jouissance. Seul hic, au bout d’une demi heure on voit bien que le maestro de Detroit n’est pas très enclin à servir une musique racée aux quelques 200 personnes présentes. Le public est en retard, Moodymann en oublie presque de mixer et nous jette ses tracks à la gueule avec nonchalance.

La nuit tombe et la techno va pouvoir reprendre ses droits. L’heure pour Juan Atkins et Moritz Von Oswald de dévoiler leur dernière collaboration : « Borderland ». Leurs noms ne représentent rien de moins que la naissance de la techno de Detroit d’un côté, et l’émergence de la dub techno teutonne de l’autre. Les deux pontes se présentent sur scène assis l’un en face de l’autre, mais au lieu d’une démonstration dantesque, on assiste à une prestation intimiste entrecoupée de pauses successives qui laissent place à…de l’orgue. Le public à présent en rang serré ne s’y attendait pas, et à du mal a laisser éclater son enthousiasme.

Mais il ne perd rien pour attendre ce public. À l’instant où Mathew Johnson leur succède aux platines, on sent bien que la pression sonore monte d’un cran. Le Canadien livre un live réglé à la perfection et très bien exécuté. À minuit le jeune prodige britannique Ben UFO prend sereinement les commandes, la machine est en marche et les corps s’agitent avant l’arrivée du gourou Jeff Mills.

Il est maintenant 2 heures du matin, et Marseille va assister à une véritable leçon de mix. Il faut savoir que l’homme est de ceux qui ont inventé la techno, un vétéran qui cherche toujours à pousser son genre vers le futur. Le futur, c’est là qu’il nous a emmené jusqu’à 4 heures, avec un set d’une progression lente et régulière, pimentée par des ajouts en live. Le tout réalisé avec une décontraction et une cohérence à faire peur. Le closing du vénérable maître Mills fut de loin la plus impressionnante performance du festival. Avec un second rappel tout droit sorti de l’espace, la foule comblée ne pourra que revenir l’an prochain…

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Article écrit par Nicolas Veidig-Favarel
Crédit photo : PHOTOSPECTRAL