Mêlant espagnol, anglais et français dans ses textes, Seleminga construit une parole riche et plurielle, dans laquelle les trois langues entremêlées permettent de renforcer l’impact des mots. Curvas Peligrosas, le titre de son EP, renvoie aux courbes dangereuses avec lesquelles les femmes doivent sillonner toute leur vie, esquivant les viols, les aggressions et les discriminations à tous les croisements. C’est aussi celles qui les définissent corporellement et qui les transforment en objets sexuels aux yeux des prédateurs. Pas de courbettes pour ces derniers avec Seleminga, qui n’hésite pas à envoyer les insultes en frontale, et dénoncer sans vergogne ce qui se trame dans le quotidien de tous les discriminés.

Dans la rue, ces violences qu’on ne voit plus

Dans le morceau Curvas Peligrosas, Seleminga compile les témoignages de trois ami.e.s, qui racontent la brutalité des rapports de domination homme/femme. “Hija de Puta”, “Cabrona”, “Zora”, sont les mots les plus courants que les femmes hispaniques reçoivent dans la rue. Ces insultes sont placées sèchement sur le beat, avec différentes voix et intonations, pour montrer le caractère insistant et universel de l’affaire.

L’EP montre plusieurs visages de Seleminga, qui se balade autant dans la chanson mielleuse façon Bonnie Banane que l’électro incisive façon Irène Drésel. Ainsi vont Perle et Niña, les deux tracks orientées club où les basses grondent et rebondissent en écho. La voix en reverb absorbe les mots pour créer un chant fantastique, comme un appel en sourdine que l’on ne peut décrypter. L’ambiance diffuse, parfois très planante, apporte une certaine distance entre le chant et l’instrument.

Pourtant, si l’on décrypte les paroles de Perle, il s’agit d’une situation de racisme ordinaire, où une femme noire répond à des insultes gratuites dans la rue. Seleminga a peut-être volontairement brouillé le message, signe d’une société qui n’entend plus la réalité de certain.e.s. 


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